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Petite histoire du luxe : La collection des frères Morozov

Petite histoire du luxe : La collection des frères Morozov

Du 22 septembre 2021 au 22 février 2022, la Fondation Louis Vuitton accueille l’impressionnante collection d’art moderne des frères Morozov, deux collectionneurs russes férus d’arts de la fin du 19ème siècle. Retour sur cet arsenal de plus de 200 œuvres, dont des toiles de Picasso, Van Gogh, ou encore Monet.

 

Après le succès de l’exposition du collectionneur russe Sergueï Chtchoukine, qui a enregistré 1,3 million de visiteurs jusqu’à mars 2017, la Fondation Louis Vuitton décide de renouveler l’expérience en accueillant la collection des frères Morozov, amis et contemporains de Chtchoukine.

 

Paul Cézanne, Paysage. Montagne Sainte-Victoire, Aix-en-Provence, env. 1896-1898. © Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

 

Issu d’une famille d’industriels moscovites spécialisés dans le textile, les frères Morozov sont de riches héritiers russes passionnés d’art moderne. Respectivement nés en 1870 et 1871, Mikhaïl et Ivan Morozov, les deux frères, baignaient dans un environnement culturel et reçurent très tôt une bonne éducation artistique.

 

Leur mère, Varvara Morozova, vouait un amour inconditionnel à l’art et la France. À son décès, une partie de sa fortune fut léguée aux ouvriers de ses manufactures. L’ainé, Mikhaïl, hérite de la francophilie de sa mère et est surnommé “Le Gentleman”. Il débute une collection qui rassemblera, à son décès, 83 œuvres dont 39 européennes et 44 russes. Il meurt en 1903, à seulement 33 ans.

 

Henri Matisse, Triptyque marocain. La vue de la fenêtre, Zorah sur la terrasse, et La Porte de la Casbah, Tanger, 1912.© Succession H. Matisse/Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.

 

Le second frère, Ivan, hérite quant à lui de l’empire familial. Voyageant deux fois par an à Paris, le plus jeune des Morozov accumula une impressionnante collection de 240 œuvres françaises et 430 russes. L’état nationalise sa collection suite à la révolution russe qui conduit, en février 1917, au renversement spontané du régime tsariste de Russie et à la montée au pouvoir des bolcheviks en octobre 1917 avec l’instauration du régime de Lénine.

 

En décembre 1918, la demeure d’Ivan Morozov devient un musée national, le premier d’art occidental de Russie, mais le collectionneur accepte toutefois le poste de vice-directeur afin de garder un œil sur ses œuvres. Pourtant, en 1919, Ivan Morozov s’exile en Finlande avec sa famille et décède deux ans plus tard en Tchéquie, alors âgé de 49 ans.

 

Pierre Bonnard, La Méditerranéee, Triptyque, étude à Saint-Tropez, 1911. © Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

 

Avec l’arrivée de Joseph Staline à la tête de l’URSS, le musée ferme ses portes en 1948 pour cause de “formalisme” . Les œuvres sont alors dispatchées dans les réserves du musée de l’Ermitage et du musée Pouchkine, et l’héritage des Morozov disparait peu à peu dans la culture soviétique.

 

Pablo Picasso, Les deux saltimbanques (Arlequin et sa compagne), 1901. © Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.

 

C’est le célèbre peintre Pablo Picasso, qui faisait partie de la collection des frères Morozov, qui réanimera cette foule d’œuvres d’art après la mort de Staline. Pour la première fois depuis la mort des deux frères, cette collection est réunie à la Fondation Louis Vuitton.

 

© Presse

 

Pour que cette exposition voit le jour, Bernard Arnault, directeur de LVMH, est allé directement au Kremlin pour faire sa demande à Vladimir Poutine. L’actuel président russe a accepté, à condition que les œuvres soient restaurées et recadrées aux frais de la Fondation Louis Vuitton.

 

© Presse

 

Repoussée trois fois en raison de la crise sanitaire, l’exposition aura nécessité cinq ans de travail et un itinéraire gardé absolument confidentiel pour éviter toute tentative de vol de ces trésors de l’art moderne. Elle est inaugurée par Emmanuel Macron et Bernard Arnault, sans la présence de Vladimir Poutine qui décline l’invitation, expliquant qu’il est “cas contact” d’une personne ayant contracté la Covid-19.

 

 

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Tout comme la volonté de créer un nouveau monde, philanthropique, qui défendrait des valeurs n’appartenant qu’à eux, celles qu’ils sont allés chercher chez les artistes parisiens qui faisaient tomber tous les tabous : la tabula rasa des modernes”, déclare Anne Baldassari, commissaire général à l’origine de la conception de l’exposition Morozov.

 

Vincent van Gogh, La Ronde des prisonniers, Saint Rémy, 1890. © Musée d’État des Beaux-Arts Pouchkine, Moscou.

 

Parmi les œuvres exposées, on retrouve des toiles de Picasso, Renoir ou encore Van Gogh, dont une toile jamais exposée que l’artiste a peinte lorsqu’il était enfermé à l’asile. Ivan Morozov, très sensible au travail de Matisse, lui commanda un triptyque marocain réalisé à Tanger, Zorah sur la terrasse, lui aussi disponible jusqu’à février prochain à la Fondation Louis Vuitton.

 

Paul Gauguin​​​​​, Eu haere ia oe (Où vas-tu ?) La Femme au fruit, Tahiti, 1893. © Musée de l’Ermitage, Saint-Pétersbourg.

 

Une pièce entière est dédiée aux toiles de Cézanne, 17 au total. Une autre est réservée par les œuvres de Paul Gauguin datant de sa période tahitienne. Beaucoup d’autres artistes français sont exposés, comme Camille Claudel, Monet, Manet, Toulouse-Lautrec ou encore Bonnard.

 

Les billets pour l’exposition Morozov, disponible du 22 septembre 2021 au 22 février 2022 à la Fondation Louis Vuitton, sont en vente ici.

 

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Photo à la Une : © Valentin Sérov, Portrait du collectionneur de la peinture moderne russe et française Ivan Abramovitch Morozov , Moscou, 1910.


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