Depuis plusieurs semaines maintenant, les yeux du monde sont rivés sur la ville Lumière. Paris, hôte des Jeux Olympiques et Paralympiques 2024, est devenue le théâtre des épreuves sportives quadriennales. Si l’enthousiasme ambiant et les prouesses des athlètes français semblent avoir même convaincu certains des Parisiens les plus sceptiques, des interrogations subsistent quant à la rentabilité de l’événement. D’abord pour la capitale française évidemment, mais aussi pour le Comité international olympique (CIO), une puissance financière sans pareil qui suscite de nombreuses interrogations.
48. C’est le nombre de médailles remportées jusqu’ici par les athlètes français au cours des Jeux Olympiques de Paris 2024. Un chiffre qui donne lieu à une fierté patriotique, mais aussi à une nouvelle polémique. En effet, les athlètes tricolores empochent des primes allant de 20 000 à 80 000 euros en fonction de leur place sur le podium. Or, ces dernières sont soumises à imposition, au grand dam de David Douillet, double champion olympique de judo, qui qualifie la situation d’honteuse.
Cette récente polémique s’inscrit sur la longue liste de sujets pointilleux qui entourent ces Jeux Olympiques. Tout aussi controversée, on peut évoquer la question du budget consacré à l’organisation de l’événement sportif. D’abord estimé à 6 milliards d’euros, il semblerait plutôt pencher vers les 9 milliards.
Parmi les raisons d’un tel écart, certains médias comme Ouest France citent le cahier des charges du Comité international olympique. Un fait qui n’étonne pas, tant l’organisme fondé par Pierre de Coubertin est connu pour imposer des règles drastiques aux pays organisateurs des Jeux.
Le Comité international olympique ou la naissance des Jeux Olympiques modernes
Encore aujourd’hui, le CIO donne vie à l’initiative de Pierre de Coubertin, considéré comme le père des Jeux Olympiques modernes. Le 23 juin 1894, le baron fonde le « Comité international olympique » au cours d’une cérémonie à l’université de la Sorbonne à Paris.
Il en restera le président jusqu’en 1925, année où il démissionnera suite à ses désaccords avec le reste du Comité, notamment concernant son refus d’accepter les femmes athlètes aux Jeux Olympiques.
Depuis, le CIO s’emploie à diriger l’organisation des Jeux ayant lieu dans les différentes villes hôtes tous les quatre ans et à faire vivre les valeurs contemporaines de l’olympisme.
Les droits de diffusion, le nerf de la guerre
Si les valeurs d’amitié, de respect et d’excellence incarnent le fer de lance du Comité, ce n’est cependant pas pour autant que la valeur de l’argent lui échappe.
Désigné comme une organisation à but non lucratif, le CIO tire ses recettes des droits de diffusion et de marketing relatifs aux Jeux. Le Comité s’engage ainsi à utiliser « les revenus générés par les Jeux Olympiques pour soutenir les athlètes et développer le sport mondial », explique le site Internet de l’entité dont le siège se situe à Lausanne, en Suisse.
Le Comité affirme ainsi distribuer chaque jour l’équivalent de 4,2 millions de dollars pour « aider les athlètes et les organisations sportives dans le monde ».
Pour arriver à une telle somme, il faut surtout chercher du côté des droits de diffusion revendus aux chaînes internationales. En 2019, il avait été révélé que, dans le cas des Jeux de Rio organisés en 2016, France Télévisions aurait déboursé 45 millions d’euros pour l’obtention des droits.
Dans le cadre des JO de Paris 2024, si le groupe France Télévisions se présente à nouveau comme diffuseur officiel, il a été prévu que la captation des images et des sons de toutes les épreuves serait assurée par une filiale du CIO, dénommée Olympic Broadcasting Services. Il revient ainsi à cette dernière de négocier les droits de diffusion avec les chaînes pour des coûts que nous imaginons à la hauteur de ceux de Rio.
Des salaires mirobolants
L’année dernière, la révélation des salaires touchés par les hauts dirigeants du Comité a stupéfait les médias. D’après un document de l’Internal Revenue Service des impôts américains, Christophe De Kepper, directeur général de l’organisation, gagnerait plus de 1 360 000 euros par an.
De son côté, le président du CIO, Thomas Bach, aurait touché 275 000 euros en 2023.
Interrogé par le média Radio Canada suite à la publication de ces chiffres mirobolants, Magaye Gaye, économiste et professeur à l’Institut supérieur de gestion de Paris, s’est dit choqué : « Des salaires élevés portent atteinte à la mission de ces organisations, surtout si elles sont à but non lucratif. Il y a pour moi une entorse au processus de transparence, notamment celui enclenché par le CIO en 2015 », a affirmé l’économiste.
Il faut dire que les affaires de corruption relativement récentes ayant touché l’organisme olympique – à l’instar des scandales ayant éclaboussé les Jeux de Rio en 2016 et de Tokyo en 2020 – avaient encouragé Thomas Bach à présenter la transparence comme une priorité. L’augmentation de 50 % dont ont bénéficié les salaires des dirigeants du Comité au cours des cinq dernières années pourrait bien néanmoins continuer à susciter des interrogations.
Exonérations fiscales
Le montant des salaires touchés par les membres de l’organisme n’est pas le seul point qui défraie la chronique. Alors que le budget consacré à l’organisation des Jeux de Paris 2024 fait toujours l’objet de spéculations, l’annonce d’exonérations imposées par le CIO a beaucoup fait réagir.
La loi de finances rectificative de 2014 faisait déjà mention de dérogations fiscales liées à l’organisation d’événements sportifs internationaux. Une façon pour la France de donner un coup de pouce à la candidature de Paris pour les JO.
Ces exonérations portaient dès lors sur les bénéfices réalisés en France et les revenus de source française versés ou perçus pendant l’organisation de la compétition.
Ainsi, il a été décidé que les royalties versées par le COJOP (Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’été de 2024) au CIO sur la base des revenus issus de son programme marketing – estimées à 65 millions d’euros – font partie des bénéficiaires de ces dérogations fiscales.
La deuxième entité principale qui en tire des avantages est la marque horlogère Omega. Chronométreur officiel des Jeux depuis 1932, la manufacture suisse bénéficie d’un statut privilégié lui donnant le droit à dérogation fiscale. Cette règle imposée par le CIO à n’importe quelle ville souhaitant devenir hôte de l’événement sportif se justifie par le rôle d’organisateur à part entière des Jeux que tient Omega au vu de son activité.
Selon un rapport relatif à l’effort financier public dans le domaine du sport – aussi appelé « jaune budgétaire » – , datant d’octobre 2022, cette décision « permet à la France de respecter ses engagements auprès du CIO découlant de la lettre de garantie adressée par le Premier ministre au président du CIO le 3 août 2016 ».
Si le podium final des Jeux Olympiques n’est pas encore connu, l’économiste du sport Jean-François Bourg n’a peut-être pas entièrement tort en affirmant que « le seul vainqueur connu à l’avance des Jeux, c’est le CIO ».
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Photo à la Une : © CIO