Comment la question israélienne déchire les universités américaines

Les universités de l’Ivy League aux États-Unis, réputées pour leur excellence académique et leur sélectivité, font actuellement face à une crise délicate. Les récents événements liés au conflit entre Israël et le Hamas ont exacerbé les tensions autour de l’antisémitisme sur les campus, suscitant des réactions vives et des démissions au sein des directions universitaires.

 

Aux États-Unis, une crise profonde affecte les institutions les plus renommées du pays et notamment l’Ivy League, une coalition de huit universités privées situées dans le Nord-Est des États-Unis. Parmi elles on compte par exemple les universités prestigieuses de Columbia, de Pennsylvanie, de Princeton ou encore d’Harvard. Elles jouissent d’une réputation exceptionnelle en matière d’excellence académique, de critères d’admission très sélectifs et sont souvent associées à un certain élitisme social.

 

Mais depuis les événements tragiques du 7 octobre et la riposte d’Israël contre le Hamas, l’antisémitisme sévit sur les campus de ces universités, provoquant de vives réactions et même des démissions. Les instances dirigeantes sont critiquées tour à tour pour leur tolérance excessive envers ce qu’on présente comme une liberté d’expression.

 

Au lendemain du massacre perpétré par le Hamas, une trentaine de groupes et clubs étudiants de l’université de Harvard ont cosigné et diffusé une lettre dénonçant le « régime d’apartheid d’Israël », qu’ils estiment responsable de toutes les violences infligées aux Palestiniens depuis soixante-quinze ans. En réaction, des « camps » pro-palestiniens ont surgi sur de nombreux campus, provoquant un malaise parmi les étudiants de confession juive.

 

Fin avril dernier, l’université Columbia a été le point central d’une mobilisation importante, nécessitant l’intervention de centaines de policiers de New York pour évacuer des militants pro-palestiniens retranchés dans un bâtiment. Le 1er mai, des affrontements ont également éclaté sur le campus de l’Université UCLA à Los Angeles.

 

 

Si tous les étudiants mobilisés réclament un cessez-le-feu immédiat dans la bande de Gaza, beaucoup demandent également à leur université de rompre tout lien avec les entreprises et mécènes associés à Israël.

 

Instrument politique

 

Peu après le 8 octobre, des camps pro-palestiniens ont émergé sur plus de 80 campus, couvrant deux tiers des États américains. La mobilisation est particulièrement forte dans le nord-est du pays (Columbia, Yale, NYU et Northeastern University) et gagne peu à peu le Texas, l’Arizona et la Californie.

 

Une vingtaine d’universités ont eu recours aux forces de l’ordre pour intervenir, comme l’UCLA à Los Angeles et Columbia à New York. Au total, plus de 900 personnes ont déjà été arrêtées.

 

À six mois de l’élection présidentielle américaine, ce mouvement étudiant suscite de vives réactions dans le monde politique. « Joe Biden doit agir contre ces agitateurs », a déclaré mardi 30 avril le candidat républicain Donald Trump. « Nous devons mettre fin à l’antisémitisme qui gangrène notre pays aujourd’hui ».

 

« Alors que l’université Columbia est plongée dans le chaos, Joe Biden est absent parce qu’il a peur d’affronter ce problème », a pour sa part déclaré le chef républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson.

 

 

Bien que Joe Biden ait initialement condamné ces débordements, le président se retranche désormais derrière le premier amendement par la voix de la porte-parole de la Maison-Blanche, Karine Jean-Pierre. « Le président considère que les débats sur les campus, où l’on peut s’exprimer librement et sans discrimination, sont importants. Mais les manifestations doivent être paisibles », a-t-elle récemment déclaré.

 

« Occuper par la force un bâtiment universitaire est la mauvaise approche » et ne représente « pas un exemple de manifestation pacifique », avait également tonné John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale du président démocrate Joe Biden.

 

Le Congrès mène son enquête

 

Les passions se sont également déchainées après une audience parlementaire concernant la lutte contre l’antisémitisme dans les universités américaines. Le 5 décembre, les présidentes de Harvard, de l’Université de Pennsylvanie et du Massachusetts Institute of Technology (MIT) ont été convoquées pour présenter les mesures prises pour assurer la sécurité des étudiants. Lorsqu’interrogées par l’élue républicaine Elise Stefanik sur la conformité d’un appel au génocide des Juifs avec les règles internes de leur université, elles ont répondu que cela « dépendait du contexte », déclenchant ainsi une forte réaction publique et menant à leur démission.

 

Leurs réponses, largement diffusées et partagées sur les réseaux sociaux, ont déclenché une indignation qui a atteint jusqu’à la Maison Blanche. Andrew Bates, porte-parole de la Maison Blanche, a qualifié de « monstrueux » le fait qu’il soit nécessaire de rappeler que les appels au génocide sont inacceptables.

 

Le Congrès américain a ensuite annoncé le 7 décembre qu’il ouvrait une enquête sur la gestion par ces universités de ce qu’il qualifie d' »antisémitisme endémique » sur leurs campus, où les tensions liées au conflit entre Israël et le Hamas sont vives.

 

Claudine Gay, qui est devenue en juillet la première présidente noire de l’université Harvard près de Boston, a ainsi annoncé sa démission le mardi 2 janvier.

 

Voir aussi

 

« C’est le cœur lourd mais avec un profond amour pour Harvard que je vous écris pour vous annoncer que je vais quitter mon poste de présidente », a déclaré la professeure de sciences politiques 53 ans. « Il est devenu clair pour moi qu’il est dans l’intérêt de Harvard que je démissionne afin que notre communauté puisse traverser cette période de défi extraordinaire en se concentrant sur l’institution plutôt que sur ma personne ».

 

Elle devient la deuxième présidente de l’Ivy League, qui rassemble huit universités d’élite, à démissionner. En décembre, Elizabeth Magill, de l’université de Pennsylvanie, avait annoncé son départ face aux pressions.

 

Harvard, institution fragile

 

Malgré ses vastes ressources financières, avec une dotation de 50,7 milliards de dollars et des frais de scolarité annuels approchant les 80 000 dollars, Harvard demeure un géant aux pieds d’argile. L’équilibre de l’école repose sur les dons des philanthropes, qui représentent 45 % de ses revenus (5,8 milliards de dollars en 2022) et 9 % de son budget opérationnel. Sur l’année 2020-2021, l’université avait reçu pas moins de 465 millions de dollars de dons, venant de personnes fortunées ayant fréquenté les bancs de ses facultés ou d’entreprises.

 

La fortune de Harvard est principalement investie dans des actifs peu liquides, tels que le private equity et les hedge funds, à hauteur de 70 %.

 

Toutefois, la prochaine campagne de levée de fonds pourrait être plus difficile que la précédente en 2018, qui avait permis de collecter 9,6 milliards de dollars. En effet, les accusations d’antisémitisme ou de wokisme – à l’image des excuses pour la détention de Harvard d’un livre français des années 1880 relié avec de la peau humaine depuis près d’un siècle – ne font pas bonne presse à ces établissements élitistes et les dons pourraient être bien moindres.

 

 

Par ailleurs, en cas de retour au pouvoir de Donald Trump, ce dernier envisage de réduire le financement des universités d’élite. En 2023, Harvard a reçu 676 millions de dollars d’aides fédérales. Sa fondation, la plus riche du pays, bénéficiait d’une exemption fiscale jusqu’à ce que Donald Trump impose en 2017 une taxe de 1,7 % sur les plus importantes dotations du pays. Cette taxe pourrait être augmentée si le leader populiste concrétise sa promesse de créer une American Academy non progressiste financée par l’argent de l’Ivy League.

 

 

Lire aussi>GUERRE ENTRE ISRAËL ET LE HAMAS : DÉJÀ 200 JOURS

Photo à la Une : © Al Jazeera

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