Les déclarations finales de la COP 29, la conférence des Nations Unies sur le changement climatique, et du sommet économique du G20, ont été jugées décevantes par nombre de pays et d’observateurs. Alors que le climat n’a jamais été aussi chaud qu’en 2024, que l’économie patine et que la planète est chauffée à bloc par les conflits russo-ukrainien et de Gaza-Israël, ces échanges n’ont guère permis d’avancées véritablement constructives.
Les montagnes ont accouché de souris.
La COP29 et le G20 qui se sont tenus, la première à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan, du 11 au 24 novembre derniers et le second, les 18 et 19 novembre, à Rio de Janeiro, au Brésil, ne resteront pas dans les annales.
Leurs conclusions ont semblé d’autant plus inadaptées que d’une part, les guerres Ukraine-Russie, Gaza-Israël s’enlisent, au risque de dégénérer en conflit mondial, que d’autre part, l’économie mondiale est en très petite forme et enfin, que le contexte climatique a battu un triste record en 2024. Cette année a en effet été la plus chaude jamais enregistrée, avec une température d’au au moins 1,5° supérieure à la moyenne de l’ère préindustrielle.
D’où une série de cataclysmes sur tous les continents, soit de terribles incendies en Californie (Etats-Unis), des vagues de chaleur et des typhons en Asie (Taïwan, Philippines…), et de terribles inondations en Afrique (Nigéria) et en Europe, à Valence (Espagne).
Malgré le contexte d’urgence, l’accouchement a été difficile pour les 197 pays réunis lors de la COP29. La 29ème édition de la conférence des Nations unies sur le changement climatique a dû jouer les prolongations pendant le We du samedi 23 au dimanche 24. Et elle n’a abouti à un accord arraché au forceps que dans la nuit.
Un bébé qui a fait bien des déçus
« Aucun pays n’a obtenu tout ce qu’il voulait, et nous quittons Bakou avec une montagne de travail à accomplir. Ce n’est donc pas l’heure de crier victoire », a ainsi déclaré Simon Stiell, le chef de l’ONU Climat, résumant le sentiment de beaucoup.
Comme toujours, l’argent était le nerf de la guerre. Le bras de fer de la COP29 s’est concentré sur la somme qui serait accordée aux pays en voie de développement par l’Union européenne et les 23 pays développés (Union européenne, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Canada, Australie, Japon, Nouvelle-Zélande…). Ces derniers avaient été mis au banc des accusés historiques du changement climatique, lors dès la première COP, en 1992 à Rio de Janeiro (Brésil).
Le document final de la COP29 prévoit que les pays les plus riches consacrent au moins “300 milliards de dollars par an d’ici 2035″, sous forme de prêts et dons, pour aider les pays en voie de développement à faire face aux bouleversements climatiques.
Plus concrètement, la contribution des pays riches proviendra des fonds publics et des investissements privés mobilisés ou garantis par leurs soins. Les européens ont ainsi salué une innovation, soit le fait que les financements climatiques des pays non développés accordés via des banques multilatérales de développement puissent être pris en compte dans les 300 milliards programmés.
Taxes mondiales
Enfin, de potentielles taxes mondiales (sur les grandes fortunes, l’aviation ou le transport maritime), toujours sur la table des négociations mondiales, pourraient compléter l’enveloppe.
La somme retenue par la COP29 représente le triple de ce qu’avait accordé le précédent accord de la COP15, soit alors 100 milliards de dollars par an entre 2020 et 2025.
Mais c’est encore trop peu aux yeux des pays du sud. Outre les effets délétères de l’inflation, qui rognent encore l’impact de la somme fléchée, ils tablaient sur a minima 500 milliards, a maxima 1000 milliards de dollars … De quoi notamment financer une coûteuse transition des énergies fossiles vers des alternatives bas carbone.
De leur côté, les pays amenés à ouvrir leurs bourses ont eu des réactions contrastées.
Le premier contributeur, l’Union européenne, a certes officiellement salué l’accord, par la voix de son commissaire à l’action pour le climat, Wopke Hoekstra, estimant que «la COP29 passera à la postérité comme le début d’une nouvelle ère pour la finance climatique». Mais ce n’est pas du tout l’avis de la ministre française de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, qui a jugé l’accord «décevant» et «pas à la hauteur des enjeux».
Un pas en avant ?
Les anglo-saxons se sont montrés plus pragmatiques.
Pour le secrétaire britannique à l’Énergie, Ed Miliband, cet «accord critique de la dernière heure [pris] à la dernière heure pour le climat» n’est «pas tout ce que nous ou d’autres voulions mais c’est un pas en avant pour nous tous».
Le Président sortant des Etats-Unis, Joe Biden a aussi qualifié la Cop 29 de “grand pas en avant”, tout en admettant qu’il restait «beaucoup de travail à réaliser pour atteindre nos objectifs climatiques».
Les pays occidentaux ont cependant perdu sur un point important : ils souhaitaient que la liste des pays amenés à payer la note du réchauffement climatique soit élargie à des pays qui ne sont plus vraiment en voie de développement, à savoir Singapour, des pays du Golfe et surtout, la Chine.
Mais ceux-ci ont finalement réussi à rester en dehors de la liste des contributeurs, la Chine étant particulièrement intransigeante. Les pays non développés ont certes été invités par l’accord à fournir des contributions financières, mais à titre « volontaire »...
Une insulte pour les pays pauvres
De leur côté, les pays pauvres considèrent que le compte n’y est pas du tout dans la déclaration finale du COP29. Texte “trop faible, trop tardif et trop ambigu » pour le Président Kényan Ali Mohamed, accord « pas ambitieux » pour Evans Njewa, le dirigeant du Malawi, au nom des 45 pays les plus pauvres de la planète et carrément « une insulte » pour Nkiruka Maduekwe, la représentante du Nigéria. Celui-ci avait été touché peu de temps avant la conférence par des inondations au lourd bilan (30 décès et déplacement de 400 000 personnes).
Autre colère, celle de Chandni Raina, la déléguée de l’Inde, qui a jugé “le montant proposé lamentablement faible” et le texte “dérisoire ». La péninsule asiatique a été frappée cette année par plusieurs vagues de chaleurs meurtrières.
Exit le sujet des énergies fossiles
Enfin, sans surprise, alors que le pays hôte de la COP29, l’Azerbaïdjan, pèse 0,7% de la production mondiale de pétrole et 0,9% de celle de gaz : le passage à la trappe de la question de transition de la sortie des énergies fossiles… Ce principe, acquis majeur de la COP28 à Dubaï, n’apparaît plus que sous forme de rappel à ce précédent accord. Exit, le souhait de l’Union européenne de renforcer cette démarche et d’obtenir un suivi annuel des efforts pour sortir du pétrole, du gaz et du charbon…
Un oubli gros comme le Rhinocéros de Ionesco…Et dont on retrouve le cousin au bilan du G20, qui a lui aussi “oublié” de faire dans son texte final une allusion à la sortie des énergies fossiles, mais aussi, sur un tout autre plan, à la responsabilité de la Russie dans la guerre en Ukraine…
Au contraire de la COP29, qui a tardé à finaliser son texte, l’accouchement du G20, le sommet réunissant 19 pays et deux unions régionales, a pourtant été prématuré. La déclaration finale, signée par le Président brésilien “Lula”, a été publiée dès le lundi soir, alors que le sommet ne se terminait que le lendemain mardi.
Mais cette précipitation s’apparente un peu à un enterrement express.
Sur la question des énergies fossiles, l’absence de mention a été expliquée par certains comme une conséquence de l’élection à la présidence américaine de Donald Trump, qui n’a jamais caché son climato-scepticisme.
De façon générale, à propos du climat, le G20 a été peu bavard, même si la déclaration finale mentionne la nécessité d’augmenter «la finance climatique de milliards à des milliers de milliards, de toutes les sources».
Pas de condamnation de la Russie
Nombre d’observateurs ont par ailleurs été choqués par le document final du G20 concernant l’actualité des conflits. Certes, il salue “toutes les initiatives pertinentes et constructives en vertu de la paix” et évoque “ les principes de relations pacifiques, amicales et de bon voisinage entre les nations”. Mais s’il réclame un cessez-le-feu à Gaza, il évite, en revanche, de condamner le rôle de la Russie dans l’agression de l’Ukraine…
En visite pour l’occasion au Brésil, Emmanuel Macron s’est fait l’écho des autres responsables occidentaux interloqués par cette omission Le Président français, a, lui, jugé le texte “en deçà de la formule que l’on a déjà pu obtenir”. Et il ajouté que “ça ne change rien à la position de la France. Il faut être très clair sur le fait qu’il s’agit d’une guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine et que notre priorité est d’obtenir une paix durable “.
Sur un autre plan, économique celui-là, Emmanuel Macron a réitéré son opposition à l’accord entre l’Union Européenne et le Mercosur…
“ Il y a une volonté de lien très étroit avec ce continent et en particulier le Brésil, qui est le plus grand marché de la région, mais de ne pas le faire aux dépens de notre agriculture” a-t-il souligné.
Autre dossier qui a patiné au G20 : celui de la taxe sur la fortune des milliardaires, projet pourtant soutenu par le président Lula et des pays comme la France. Imaginé par le jeune économiste français Gabriel Zucman, celui-ci consiste dans un prélèvement de 2 % sur la fortune des 3 000 personnes les plus riches de la planète.
Mais l’idée est restée lettre morte au G20 de Rio, celui-ci se contentant de positions de principe sur l’échange d’informations et un nécessaire débat sur l’évasion fiscale.
Comme pour le sujet des énergies fossiles, la position des Etats-Unis, pays Numéro Un en nombre de milliardaires, est déterminante pour faire avancer une telle initiative.
Or, l’administration Biden ne se montrait déjà guère enthousiaste sur le sujet. Et il y a fort à parier que Donald Trump, lui-même grande fortune et ayant annoncé son intention de nommer des milliardaires, le financier Scott Bessent au Trésor, et le duo Elon Musk-Vivek Ramaswamy, ministres de l’efficacité gouvernementale, bloquera une telle taxe.
Au final, le G20 n’a guère permis de donner un nouvel élan économique mondial…
“Créé il y a vingt-cinq ans pour fournir à la gouvernance économique mondiale un instrument plus large que le G7, club des pays les plus riches, et mieux adapté face aux crises financières planétaires, le G20 est à son tour l’expression de la décomposition de l’ordre international et de l’affaiblissement de l’influence occidentale” a commenté le journal Le Monde.
Un raisonnement qu’on pourrait appliquer, en grande partie, à la Cop 29…
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