De l’IA chez Christie’s : scandale aux enchères

Un vent de bad buzz souffle sur le monde des enchères depuis quelques jours. La réputée maison Christie’s a annoncé une vente dédiée à l’intelligence artificielle, qui n’a pas manqué de faire réagir les artistes…  

 

Le 7 février dernier, Christie’s annonçait sa première vente aux enchères : “Augmented Intelligence”, orchestrée du 20 février au 5 mars. Selon la Maison, l’événement entend valoriser “des pionniers de l’IA des années 1960 comme Harold Cohen aux artistes contemporains tels que Refik Anadol, Pindar Van Arman, Holly Herdnon & Mat Dryhusrt, Alexander Reben, Claire Silver, Sasha Stiles et bien d’autres encore.”  

 

Une vente en plein dans l’actualité

 

Christie’s compte explorer la façon dont la technologie redéfinit l’art. “De la robotique aux GAN en passant par les expériences interactives, les artistes intègrent et collaborent avec l’intelligence artificielle dans une variété de médiums, y compris les peintures, les sculptures, les gravures, l’art numérique et plus encore” explique la Maison, qui mettra en vente une vingtaine d’œuvres.  

 

Parmi elles, “Embedding Study” 1&2 d’Holly Herndon & Mat Dryhurst de 2024, estimé entre 70 000 et 90 000 dollars, “Emerging Faces” de Pindar Van Arman estimé entre 180 000 et 250 000 dollars, ou encore “Machine Hallucinations – ISS Dreams – A » de Refik Anadol, estimé entre 150 000 et 200 000 dollars. 

 

“Embedding Study” 1&2 d’Holly Herndon & Mat Dryhurst © Christie’s

 

Un sujet actuel puisque le président Emmanuel Macron a annoncé début février un investissement colossal de 109 milliards d’euros dans l’IA au cours des prochaines années. “On veut en être et on veut inventer, sinon on va dépendre des autres” avait-il déclaré sur le plateau de France 2 à la veille du Sommet d’action sur l’intelligence artificielle au Grand Palais à Paris. A la mi-janvier, le président américain Donald Trump avait quant à lui fait part d’un investissement de 500 milliards de dollars dans l’IA dans le cadre du plan “Stargate”. 

 

“Ces modèles […] exploitent les artistes humains”

 

Mais la vente de Christie’s n’a pas fait l’unanimité auprès des professionnels du secteur. Le lendemain de l’annonce de ces enchères, une lettre ouverte a circulé pour appeler la Maison à renoncer au projet. “Nous vous écrivons pour vous faire part de nos vives inquiétudes concernant la vente aux enchères d’oeuvres d’art IA” mentionne-t-elle. Les 4800 signataires reprochent à Christie’s de commercialiser des pièces qui “ont été créées à l’aide de modèles d’IA dont on sait qu’ils ont été entraînés sur des oeuvres protégées par des droits d’auteur sans licence”. “Ces modèles, et les entreprises qui les utilisent, exploitent les artistes humains en se servant de leur travail sans autorisation ni paiement pour créer des produits d’IA commerciaux qui leur font concurrence.” 

 

Christie’s n’est pourtant pas de cet avis. La Maison s’est défendue, à travers une interview d’un porte-parole sur The Guardian, en indiquant que “les artistes représentés dans cette vente ont tous des pratiques artistiques pluridisciplinaires solides et existantes, dont certaines sont reconnues dans des collections muséales de premier plan. Les œuvres présentées dans cette vente aux enchères utilisent l’intelligence artificielle pour enrichir leur corpus et, dans la plupart des cas, l’intelligence artificielle est utilisée de manière contrôlée, avec des données formées à partir des données fournies par les artistes eux-mêmes”. 

 

“Machine Hallucinations – ISS Dreams – A » de Refik Anadol © Christie’s

 

Toujours dans The Guardian, le britannique Mat Dryhurst, un des artistes qui intègre la vente aux enchères, rejette les critiques de ses homologues. “Je déplore qu’un débat important, qui devrait porter sur les entreprises et la politique des États, soit centré sur les artistes aux prises avec la technologie de notre temps”. 

 

Si les avis divergent, la solution pourrait résider dans une législation plus soutenue pour protéger les artistes et surtout différencier les œuvres réalisées par des humains de celles accompagnées ou créées par l’IA. Un cadre qui pourrait préserver les droits d’auteur et écarter toute concurrence déloyale.  

 

Lire aussi : Les derniers effets personnels de Karl Lagerfeld mis aux enchères

 

Photo à la Une : “Emerging Faces” de Pindar Van Arman © Christie’s

Luxus Magazine recommends

Abonnez-nous pour recevoir Luxus Magazine chez vous à prix réduits !

Luxus Magazine N°9

Disponible en précommande