Départs en cascade, questionnement sur la sécurité, changement de statut : quel avenir pour OpenAI ?

OpenAi, géant tech de la Silicon Valley et porte-drapeau de l’intelligence artificielle générative, est face à un tournant de son histoire. Pensé avant tout comme un projet à but non lucratif, l’entreprise de Sam Altman est en train de succomber pour de bon aux sirènes commerciales, au point d’entraîner une vague de départs sans précédent et un questionnement sur l’éthique de son développement.

 

Suite à sa dernière levée de fonds, effectuée début octobre, d’un montant de 6,6 milliards de dollars, OpenAI, maison-mère des très médiatiques ChatGPT et Dall-E, voit sa valorisation doubler pour atteindre 157 milliards de dollars

 

Derrière ce nouveau record mené par Thrive Capital, tout irait pour le mieux dans le meilleur des mondes pour l’entreprise passée de 750 à 1700 employés…si cette augmentation de capital n’était pas éclipsée par les départs en cascade de ses cadres les plus éminents, inquiets de l’adoption du statut commercial par l’entreprise de Sam Altman. 

 

Il semble en effet que Microsoft, grand argentier d’OpenAI, qui a déjà investi quelque 13 millions de dollars dans l’entreprise tech, souhaite rentabiliser ses investissements. 

 

Un changement de statut qui interroge

Suite à sa levée de fonds, OpenAI se retrouve valorisée à hauteur de 157 milliards de dollars, soit 40 fois son chiffre d’affaires déclaré. Le New York Times a fait état de revenus mensuels de 300 millions de dollars en août.  La pépite californienne de l’intelligence artificielle anticipe un chiffre d’affaires annuel d’environ  3,7 milliards de dollars pour 2024, et 11,6 milliards de dollars l’année prochaine. 

 

Ce récent financement pourrait bien être en réalité subordonné à la transformation de la société en entité à but lucratif. En effet, depuis sa création fin 2015 à San Franscisco, OpenAI se décompose en deux structures : une association à but non lucratif dont l’objet était d’assurer une IA sécurisée et bénéfique pour tous, d’une part, et une filiale à but lucratif plafonnée en passe de détenir une part majoritaire. 

 

Or, ce changement n’est pas sans conséquence sur la nature des développements menés, la rapidité des lancements produits et surtout la mise en œuvre des mesures de sécurité. 

 

Sur son blog, OpenAI indique que cette levée de fond doit permettre à la société de développer une IA générale (aussi intelligente que les humains). 

 

Mais dans le même temps, l’entreprise n’est toujours pas rentable, accusant une perte de 5 milliards de dollars cette année selon le New York Times. Les modèles d’IA générative sont entrainés sur de vastes quantités de données afin de produire textes, images et contenus qui s’avèrent gourmands en énergie et requièrent des puces électroniques de pointe, particulièrement coûteuses, comme celles conçues par Nvidia, contributeur de la levée de fonds. 

 

Or, Sarah Friar, directrice financière d’OpenAI assume ces dépenses : “le prochain modèle sera plus grand et le suivant encore plus grand. C’est une activité qui exige des capitaux importants.

 

Départs sans précédent

 

Cela fait moins d’un an que les départs se suivent et se ressemblent chez OpenAI. Une situation qui témoigne des dangers inhérents à l’hypercroissance, emportant un flot de nouveaux arrivants au mindset bien différent et entraînant la désillusion des artisans des débuts. En l’occurrence, les candidats au départ ont comme point commun de reprocher au géant de la tech et son pdg Sam Altman une stratégie commerciale à marche forcée, au mépris des règles élémentaires d’éthique et de régulation. 

 

Le 25 septembre dernier, un départ avait particulièrement fait jaser dans le petit monde de la Silicon Valley : celui du “cerveau de ChatGPT”, Mira Murati. Embauchée en 2018, la directrice technologique, qui avait participé fin 2022 au développement du robot conversationnel ChatGPT ainsi qu’au lancement de son équivalent visuel Dall-E, avait choisi de quitter le navire. L’ingénieure américano-albanaise, désignée en 2023 comme pdg  par intérim suite à la mise à l’écart éclair de Sam Altman à la demande du conseil d’administration, est ainsi venue grossir la ligne de départ. Et ce, après le départ de l’ingénieur et co-fondateur Ilya Sutskever en mai dernier.

 

Si la plupart de ces départs se sont fait à pas feutrés et de manière consensuelle, certains ont été plus bruyants comme celui de Miles Brundage : celui-ci a regretté la nouvelle dissolution de son équipe AGI readiness, chargée du protocole de sécurisation d’une IA générale, qu’il dirigeait.  

 

Lors de son départ le 24 octobre dernier , l’homme s’est montré des plus alarmistes déclarant « ni OpenAI ni aucun autre laboratoire d’avant-garde n’est prêt [pour l’intelligence artificielle générale], et le monde n’est pas prêt non plus. »

 

Sa réaction n’est pas sans rappeler le départ survenu en mai de Jan Leike, à la tête de la précédente équipe AGI readiness. 

 

Le signe d’une banalisation de l’IA

 

Mais les difficultés de fidélisation que rencontre OpenAI ne présagent pas de la fin de la hype autour de l’IA, bien au contraire. Selon les experts, cette fuite des talents est en réalité le signe d’une massification des usages liés à l’IA. 

 

L’entreprise n’étant plus seule en son royaume et certains de ses collaborateurs choisissent de monter leur propre structure voire de rejoindre des projets concurrents. 

 

C’est ainsi le cas de John Schulman, parti gonfler les effectifs de Anthropic ou Mira Murrati en passe de lancer sa propre société IA.  

 

Car entre-temps, les prétendants au leadership de l’IA sont légion, avec Microsoft développant son propre projet en parallèle de son soutien financier à OpenAI, mais aussi Google, Apple ou encore Elon Musk (Xai). 

 

Toutes ces entreprises s’adonnent à une surenchère d’annonces afin de rentabiliser leurs faramineux investissements. Sans compter qu’OpenAI n’a plus le monopole de l’IA générative textuelle malgré les 250 millions d’utilisateurs mensuels de son ChatGPT : Antropic, Meta, Copilot (Microsoft) et même +Grok+ (X, société d’Elon Musk) ont sauté le pas. 

 

Elon Musk, contributeur des débuts d’OpenAI accuse d’ailleurs régulièrement l’entreprise d’avoir trahi sa mission originelle.

 

Lire aussi > La revanche de l’IA : comment Elon Musk veut détrôner Microsoft et Open AI

 

Photo à  la Une : Unsplash

Victor Gosselin is a journalist specializing in luxury, HR, tech, retail, and editorial consulting. A graduate of EIML Paris, he has been working in the luxury industry for 9 years. Fond of fashion, Asia, history, and long format, this ex-Welcome To The Jungle and Time To Disrupt likes to analyze the news from a sociological and cultural angle.

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