L’E-sport, soit le jeu vidéo compétitif, est un marché prometteur qui voit son audience et ses partenariats se développer. Signe de sa légitimation dans la sphère économique mais également sportive, la discipline va avoir ses propres Olympiades en 2025.
Ils ont pour nom FIFA, Fortnite, Call of Duty, Counter Strike : Global Offensive ou encore League of Legends.
Dans l’e-sport, soit la confrontation de deux joueurs (et plus) par écrans interposés et suivi par de nombreux spectateurs, le nom des plus grandes franchises des jeux vidéo et la typologie de jeu remplace le nom des disciplines sportives.
Si le développement du e-sport est indissociable du développement des jeux vidéo dans les années 1970, son développement s’est intensifié dans les années 1980 avec les jeux d’arcades lancés par Atari, c’est à dire se déroulant dans des salles ouvertes au grand public. L’éditeur japonais a ainsi été l’un des premiers éditeurs à organiser une rencontre e-sportive avec son Space Invaders Championship.
Aujourd’hui, ce marché en pleine mutation de l’e-sport est estimé à 1,5 milliards de dollars dans le monde. Un chiffre à mettre en perspective avec le marché international du jeu vidéo représentant 159,3 milliards de dollars, soit plus du double de ce que génèrent les industries du cinéma et de la musique combinées. Forte de ses 3 milliards de joueurs, cette industrie apparait comme la premier secteur mondial du divertissement.
Bien plus que du jeu vidéo
L’e-sport ou jeu vidéo compétitif donne lieu à des affrontements entre joueurs professionnels et amateurs, réalisés seuls ou en équipes et reposant sur la pratique de jeux vidéo en ligne ou en réseau.
Qu’il est loin le temps où le gagnant du premier championnat de jeux vidéo organisé à l’université de Stanford et centré sur SpaceWar! avait remporté un abonnement d’un an au magazine Rolling Stones. En effet, à l’image des compétitions sportives ordinaires, l’enjeu pour les joueurs est de remporter des titres, coupes et autres prix assortis de gains financiers, par le biais de sponsors associés à l’image individuelle du joueur ou de revenus d’image.
En 2023, ce sont 250 millions de cash prizes qui ont été décernés dans le cadre de 47 000 événements internationaux.
Les joueurs liés à des structures (fédérations, éditeurs de jeux vidéos…) peuvent également bénéficier d’un soutien financier mais aussi de facilités en termes de déplacement et d’hébergement.
Si en 1972, le SpaceWar! Originel attirait 10 000 participants, l’e-sport attire désormais les foules. En 2023, l’audience mondiale du e-sport est estimée à 500 millions de personnes. Ainsi, le dernier Major Counter Strike Global Offensive organisé à Paris à l’Accor Hotel Arena a attiré 50 000 spectateurs. Rien qu’en France, 11,7 millions de français se déclarent fans de e-sport.
A mi-chemin entre le divertissement et l’évènement sportif, l’e-sport entraîne de fortes retombées économiques, que ce soit à l’échelle locale, nationale voire internationale. En effet, les recettes liées au jeu vidéo compétitif proviennent du sponsoring de marques, des droits de diffusion et des licences mais aussi de la billetterie et des produits dérivés.
Des modèles économiques font même leur apparition avec la gestion et le coaching de talents, rendu possible par des programmes d’analyse en temps réel comme Blitz qui permettent aux joueurs de League of Legends d’améliorer leur tactique de jeu et de décrypter diverses statistiques. Les articles de mode et les produits dérivés lié au lifestyle comme les boissons énergisantes sont également en plein essor.
Un instrument insolite de soft power
Au-delà de l’aspect économique, l’e-sport est aussi un nouvel instrument de soft power et d’attractivité pour les pays et les territoires.
Véritable pionnière dans la promotion et le soutien au e-sport, la Corée du Sud a développé un véritable savoir-faire depuis les années 1990, au point de rafler l’essentiel des prix des championnats de League of Legends, à raison de 7 titres mondiaux sur les 13 compétitions organisées.
Cette franchise vidéoludique sortie en 2009, propriété de Riot Games, a connu une visibilité hors norme en 2019 suite au partenariat noué avec Louis Vuitton afin de concevoir les malles à trophées. League of Legends est le jeu PC le plus populaire dans le monde avec 180 millions de joueurs actifs chaque mois en 2022.
Si la région Asie-Pacifique se montre particulièrement dynamique en matière d’e-sport, la discipline connaît un grand essor dans les pays du Golfe où un vaste mouvement de fusion-acquisition a cours.
Le Qatar, qui a centré son développement sur le football, a ainsi racheté en 2020 le club hong-kongais Talon Esport. Premier grand club de football européen à avoir investi dans l’univers e-sport en 2016, le Paris Saint Germain a annoncé prolonger son partenariat avec League of Legends jusqu’en 2026 afin de pousser encore plus loin son équipe PSG Talon aux Pacific Championship Series dans toute l’Asie.
En Arabie Saoudite, le sultan Fayçal Ben Bandar Al Saoud souhaite faire du e-sport, un des piliers de développement de son plan « Vision 2030 ». L’investissement de 38 milliards de dollars de fonds souverains doit ainsi permettre de créer 35 000 emplois et de générer 13,3 milliards de dollars de revenus avec cette activité vidéoludique d’ici six ans.
Un sport reconnu
Si une fédération internationale a vu le jour en 2008 avec pour objectif de reconnaître la discipline comme un sport à part entière, l’e-sport était encore à certains égard vu comme une pratique d’otaku ou de simple geek.
Elle était plutôt considérée jusqu’alors comme le meilleur compagnon du couch potato au même titre que le binge watching de séries sur Netflix et compagnie que comme une discipline sportive sérieuse.
Consciente de la nécessité de faire évoluer les mentalités et surtout de rajeunir l’audience des jeux olympiques, le Comité Internationale Olympique a intégré pour les jeux de Paris 2024 de nouvelles pratiques fortement plébiscitées par les 18-24 ans comme le skateboard, le surf et le breakdance. L’enjeu était d’autant plus grand que la jeune génération n’est pas aussi réceptive que les précédentes générations, quant aux compétitions de sport diffusées en direct. D’après une étude américaine de Morning Consult Research réalisée en 2022 confirme cette tendance avec 27% seulement des sondés issus de la cohorte Gen Z qui regardent toutes les semaines des rencontres sportives traditionnelles en direct, contre 48% des Millennials.
Fin juillet, à l’issue de la clôture des Jeux Olympiques de Paris 2024, le Comité International Olympique – qui s’était doté d’une commission sur le sujet en septembre dernier – a donné son feu vert pour la création des premiers Jeux Olympiques du jeu vidéo compétitif. En marge des Olympiades traditionnelles, l’e-sport va pouvoir s’offrir une notoriété décuplée avec les premiers jeux prévus en Arabie Saoudite en 2025.
Disposant de maillots, de noms d’équipes, donnant lieu à de plus en plus de rencontres dans des stades et nécessitant un entraînement physique comme mental, l’e-sport a acquis le statut de discipline sportive à part entière. La discipline est d’autant plus prometteuse qu’il s’agit d’une des rares disciplines sportives 100% inclusive avec les courses hippiques où hommes et femmes peuvent faire armes égales. Reste à remédier à une masculinité toxique qui gangrène encore le secteur pour féminiser davantage les effectifs.
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