Du 16 septembre au 25 février, le musée Victoria & Albert Museum de Londres consacre une exposition à Coco Chanel, la créatrice française que l’on ne présente plus. Outre de sublimes tenues, cette grande rétrospective met au jour des preuves que la créatrice de mode était un membre avéré de la résistance française. Mais des documents inédits prouvent aussi, a contrario, qu’elle aurait agi en tant qu’agent nazi…
L’exposition « Gabrielle Chanel. Fashion Manifesto » a été officiellement ouverte au grand public le samedi 16 septembre 2023, marquant ainsi la première exposition britannique dédiée à l’œuvre de la célèbre couturière française Gabrielle, surnommée « Coco » Chanel. On pourra la visiter jusqu’au 25 février 2024.
Cette exposition retrace l’évolution de son style emblématique et l’histoire de la maison Chanel, de l’ouverture de sa première boutique de chapeaux à Paris en 1910 jusqu’à la présentation de sa dernière collection en 1971.
Mais outre les pièces iconiques de la créatrice, l’exposition présente des documents relatifs à ses activités dans le Paris occupé. « Nous ne pouvions pas faire une exposition sur Chanel sans aborder son passé en temps de guerre », a déclaré la conservatrice Oriole Cullen.
Flou historique
Des documents jusqu’ici inédits révèlent que le nom de « Gabrielle, alias Coco Chanel » figure parmi une liste de 400 000 personnes dont la contribution à la résistance est officiellement documentée. « Nous possédons des confirmations du gouvernement français, notamment un document daté de 1957, qui atteste de son engagement actif dans la résistance », confirme la conservatrice.
Mais le musée présente également des preuves solides de la collaboration de Chanel avec les autorités allemandes pendant l’occupation de Paris. Ces preuves incluent des transcriptions d’interrogatoires d’après-guerre de trois responsables nazis, chacun mentionnant Coco Chanel comme une source de confiance. Mme Cullen souligne que « ces nouvelles preuves ne la disculpent pas. Elles complexifient simplement le tableau. Tout ce que nous pouvons affirmer, c’est qu’elle était impliquée des deux côtés. »
Selon Mme Cullen, l’enfance de la créatrice, éduquée dans un couvent français après la mort de sa mère et la disparition de son père, a façonné une personnalité portée vers l’autoprotection et qui, par instinct, s’est tournée vers la droite. Selon elle, la créatrice était avant tout « une survivante, constamment en quête d’opportunités pour progresser dans la vie. »
Dans les années 1940, Chanel entretenait une relation avec un officier nazi, le Baron Hans Günther von Dincklage, qu’elle a utilisée pour faire libérer son neveu, André Palasse, d’un camp de prisonniers de guerre allemand.
Exposition de mode
Adaptée de l’exposition originale « Gabrielle Chanel. Fashion Manifesto » du Palais Galliera à Paris en 2020, cette nouvelle version a été repensée par le musée Victoria & Albert Museum de Londres et présente plus de 100 nouvelles pièces, dont 60 nouveaux looks, ainsi qu’une variété d’accessoires, de parfums et de bijoux. Au total, près de 200 modèles exceptionnels sont réunis pour cette occasion unique.
« Nous n’avons pas souhaité négliger son passé pendant la période de guerre, mais il est important de rappeler que cette exposition est avant tout axée sur la mode », a affirmé Oriole Cullen.
L’exposition présente donc des tenues de soirée fragiles habituellement conservées dans les archives du musée, ainsi que les révolutionnaires « pantalons du soir » qui ont autrefois choqué la société française. Parmi les pièces maîtresses de cette exposition, on peut admirer l’un des tout premiers vêtements Chanel datant de 1916, des costumes originaux conçus par la créatrice pour la production du Train Bleu des Ballets Russes en 1924, ainsi que des tenues créées spécialement pour les légendes hollywoodiennes qu’étaient Lauren Bacall et Marlene Dietrich. Par ailleurs, une section spéciale raconte l’histoire emblématique du parfum Chanel n° 5, devenu une signature portée par des célébrités de renom, de Marilyn Monroe à Andy Warhol.
Liens étroits avec la Grande-Bretagne
Parmi les 100 pièces nouvellement intégrées à l’exposition depuis sa présentation à Paris, de nombreuses se pencheront sur les liens de Chanel avec la Grande-Bretagne. Un tableau à l’huile de Chanel, réalisé par Winston Churchill, témoigne de sa relation étroite avec la société britannique, forgée notamment par sa romance avec le duc de Westminster. Les nazis avaient d’ailleurs attribué à la créatrice le nom de code « Westminster ».
L’exposition met également en lumière les relations moins connues de Coco Chanel avec l’industrie manufacturière britannique. Une robe de soirée rouge en velours de soie, assortie de gants jusqu’aux coudes, conçue pour la créatrice par la société Manchester Velvet en 1932, sera exposée. Au cours de cette décennie, Coco a même fondé une entreprise, la British Chanel Ltd, pour la production de ses créations à partir de tissus britanniques, notamment du lin en provenance d’Irlande du Nord et de la dentelle de Nottingham.
« Chanel avait des standards très élevés, et ce lien témoigne de l’existence passée d’une industrie textile de grande qualité en Grande-Bretagne, malheureusement aujourd’hui disparue », souligne Oriole Cullen.
Contrairement à l’exposition récente du musée sur Dior, qui racontait l’histoire d’une Maison de couture ayant survécu pendant 66 ans après la disparition de son fondateur, l’exposition consacrée à Chanel se clôture avec le décès de celle-ci en 1971. Une exposition qui se penche donc sur la personnalité de la créatrice et qui, en raison des controverses entourant sa vie, revêt même une dimension politique.
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Photo à la Une : ©GettyImages