Festival de Cannes 2025 : Jafar Panahi remporte la Palme d’Or pour Un Simple Accident

Le réalisateur iranien Jafar Panahi a décroché la Palme d’or de la 78e édition du Festival de Cannes avec Un Simple Accident. Un film politique et poétique sur les dérives de l’Etat islamique. 

 

Grand favori du festival de Cannes, Un Simple Accident, l’un des 22 films en compétition, a finalement été sacré de la Palme d’Or au termes des 12 jours de compétition. Il succède ainsi à Anora, faux conte à la Cendrillon signé Sean Baker, Palme d’Or 2024. 

 

Jafar Panahi, son réalisateur, menacé dans son Iran natal et frappé d’interdiction d’exercer, a dû agir dans la clandestinité afin de réaliser ce road movie qui – à l’instar de la parabole évoquée par la présidente du jury Juliette Binoche au sujet de l’art – “provoque, questionne et bouleverse”. 

 

Cette récompense illustre bien la tonalité politique de cette 78e édition, à l’heure de la montée des extrémismes dans le monde. 

 

Une résistance célébrée

 

En récompensant le 11ème long métrage de Jafar Panahi, le jury a cherché, selon sa présidente Juliette Binoche, à saluer “un geste avant tout artistique et humain et donc éminemment politique”. Elle poursuit “c’est un film qui émerge d’un lieu de résistance, de survie qui est complètement nécessaire aujourd’hui. Il y a quinze ans, Jafar était en prison mais l’art gagnera toujours.”

 

C’est d’ailleurs dans les geôles de la République islamiste que le réalisateur, Jafar Panahi, a trouvé l’inspiration pour son dernier film, traitant de l’arbitraire sans toutefois se mettre en scène lui-même, une première dans sa filmographie.   

 

Plaidoyer pour l’humanité

 

Un Simple Accident se présente comme un road-movie qui questionne sur l’humanité au plus profond de nous-même tout comme sur le pardon

 

Les personnages du film se retrouvent nez à nez avec leur ancien tortionnaire qui leur a fait subir les pires sévices (viols, humiliations…). Ils avaient été jetés en prison sous le régime des Mollahs pour avoir manifesté pour de meilleures conditions de vie

 

 

Lors d’un banal accident de la route, un ouvrier croit reconnaître le son de la prothèse de son ancien bourreau et fomente son enlèvement avec une petite équipe à bord d’une petite camionnette. Aux côtés de l’ouvrier, on trouve ainsi un couple en tenues de mariés avec leur photographe, ainsi qu’un autre complice.

 

Dans ce film tour à tour tragique, comique et même poétique, le spectateur s’interroge sur le sort de ce bourreau devenu otage, qui se révèle aussi être le mari d’une femme prête à accoucher et père de famille. Mais le réalisateur va plus loin en sondant le quotidien des Iraniens. 

 

Un opposant au régime

 

Comme le rappelle Juliette Binoche, cette récompense s’avère d’autant plus émouvante que c’est la première fois en 15 ans que le cinéaste de 64 ans peut recevoir en personne son prix à Cannes. En 1995, son premier long métrage Le Ballon Blanc lui avait valu la Caméra d’Or. Il avait ensuite remporté le Prix du Jury dans la section Un Certain Regard en 2003 pour Sang et Or. En 2018, son film Trois Visages avait remporté le Prix du Scénario à Cannes. 

 

Outre la Palme d’or à Cannes, ce fils d’artisan, issus des quartiers pauvres de Téhéran a remporté les prix les plus prestigieux de la planète cinéma dont un Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2000 pour Le Cercle suivi d’un Ours d’Or à la Berlinale 2015 pour son Taxi Téhéran

 

Sa vie a basculé en 2010 avec un premier emprisonnement de 86 jours pour “propagande contre le régime”, suite à son soutien au mouvement de protestation de 2009 contre la réélection de l’ultra conservateur Mahmoud Ahmadinejad. Frappé alors d’une interdiction pendant 20 ans de réaliser et d’écrire des films, de quitter l’Iran ou de s’exprimer dans les medias, ce disciple d’Abbas Kiarostami, a été de nouveau jeté en prison 7 mois entre 2022 et 2023. Il a également connu l’assignation à résidence, la censure et les menaces de mort. Bravant les interdits, il a continué de réaliser des films toute clandestinité, dirigeant même ses équipes par visio-conférence depuis la frontière turque. 

 

Les voyageurs rentrent chez eux

 

En recevant la Palme d’Or des mains de l’actrice américaine Cate Blanchett, le cinéaste a dédié son prix à “tous les artistes qui ont dû quitter l’Iran” remerciant son “équipe engagée” sans qui le film n’aurait pu voir le jour. Il en a profité pour rappeler que “le cinéma est une société où personne n’a le droit de dire ce qu’il faut mettre ou ce qu’il faut dire.

 

Interrogé sur ses intentions de rentrer ou non dans son pays natal, son avocat a déclaré a l’AFP, qu’un tel retour ne lui faisait “pas du tout peur”. Sur un post Instagram, il a sobrement écrit “les voyageurs rentrent chez eux”. 

 

En Iran, seuls quelques médias conservateurs ont dénoncé un “prix politique” consistant à noircir l’image de l’Iran, fustigeant par la même occasion le fait que les actrices ne soient pas voilées.  Si aucun responsable n’a commenté cette deuxième palme d’or pour un réalisateur iranien après Abbas Kiarostami, Jafar Panahi n’est pas pour autant complétement tiré d’affaires. 

 

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Photo à la Une : © Festival de Cannes

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