Globalement, dans les métiers du cuir, on compte aujourd’hui 68% de femmes et 32% d’hommes. Mais ces chiffres varient dans certains métiers comme dans la maroquinerie ou la ganterie, où la part des femmes peut atteindre 80%. Dans la chaussure, c’est plutôt 60%. En revanche, dans les métiers plus physiques comme la collecte des peaux ou la tannerie, les chiffres s’inversent, avec 65% d’hommes et 35% de femmes. Quel rôle pour la diversité et l’inclusion en faveur de la préservation et le développement des savoir-faire d’excellence? Retour sur ces métiers de l’artisanat qui se féminisent avec Frank Boehly, président du Conseil National du Cuir.
Diriez-vous que les métiers de l’artisanat attirent de plus en plus ?
En effet, il y a des métiers manuels qui font particulièrement rêver. C’est le cas par exemple de ceux qui sont associés à la maroquinerie : fabriquer un sac chez Chanel, Hermès ou Louis Vuitton est valorisant, car ce sont des produits de grande qualité, qui nécessitent un important savoir-faire. Cette attractivité rejaillit sur tous les autres métiers auxquels les gens ne pensent pas forcément immédiatement, comme la chaussure ou la ganterie, où finalement un certain nombre de profils se retrouvent alors qu’ils s’étaient destinés à toute autre chose au départ.
Comment expliquez -vous la féminisation de certains métiers de l’artisanat dans le cuir?
Comme dans beaucoup de métiers, la percée des femmes dans le cuir est de plus en plus importante. Globalement, il y a beaucoup de femmes issues des métiers administratifs qui se tournent vers les métiers de l’artisanat, peut-être car elles sont plus curieuses que les hommes, plus créatives ou moins routinières. Les produits fabriqués eux-mêmes intéressent tout particulièrement les femmes.
Il faut cependant rappeler que certains métiers du cuir sont déjà essentiellement réservés aux femmes, comme ceux qui font appel à la dextérité ou à la technicité, tel le piquage dans la maroquinerie ou la chaussure. La féminisation de ces métiers n’est donc pas la plus flagrante. Par contre, certaines formations, comme le compagnonnage, s’ouvrent désormais aux femmes, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici. C’est le cas des bottiers et des celliers par exemple. Aujourd’hui, parmi les apprentis qui font le tour de France, il y a autant de femmes que d’hommes. Dans la cordonnerie, on observe la même tendance. Et c’est un phénomène qui ne cesse de se généraliser, même dans des métiers historiquement associés à la force physique et donc la masculinité.
Quelles options s’offrent à ceux qui désirent travailler dans les métiers du cuir ?
Il y a principalement deux manières d’intégrer les métiers des cuirs: on peut suivre une formation initiale quand on est jeune, ou une formation professionnelle quand on est adulte. La formation initiale est très diverse, du CAP jusqu’au diplôme d’ingénieur. Les collégiens, les lycéens peuvent débuter avec un CAP, puis se former au BTS, et enfin passer le concours du meilleur ouvrier de France qui mobilise beaucoup de jeunes. Pour les plus de vingt-cinq ans, il faut s’orienter vers des formations continues qui sont proposées par des structures comme l’AFPA, Pôle Emploi ou encore le Centre Technique du Cuir. Sur le site du CNC, il y a d’ailleurs de nombreuses informations sur les formations qui mènent au cuir.
Les métiers du cuir sont-ils aussi des métiers qui permettent une certaine évolution de carrière ?
Bien sur. On peut non seulement évoluer dans la structure dans laquelle on a été recruté après sa formation, mais on peut aussi se mettre à son compte dès que l’on a le sentiment que l’on maîtrise bien son métier. Il peut s’agir d’une petite entreprise au départ dont la taille peut aussi évoluer.
Quelles sont les formations les plus plébiscitées par les entreprises ?
En région, on constate qu’il se développe de plus en plus de pôles cuir, c’est-à-dire des structures qui orientent les jeunes en formation vers des entreprises locales. Hermès est par exemple venu installer l’un de ses ateliers à Montbéliard car une école de très haut niveau, spécialisée dans la formation aux métiers du cuir, se trouvait à proximité. Hermès recevait ainsi un certain nombre d’apprentis dans son atelier. Il y a donc eu une coopération qui s’est établie entre l’organisme de formation et l’entreprise, ce qui lui a permis à cette dernière d’ouvrir trois usines successivement. Ce fut bénéfique pour tout le secteur car les étudiants qui n’atteignent nécessairement pas le niveau exigé par Hermès furent embauchés par d’autres entreprises. Il faut d’ailleurs savoir que la maroquinerie propose environ 3000 nouveaux postes par an, sans compter les remplacements des départs à la retraite. Et pourtant on manque de main-d’œuvre. D’autant qu’il faut plusieurs années pour former certains artisans avec un niveau de savoir-faire élevé.
Cet article est tiré du numéro automne-hiver de Luxus+ Mag.
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Photo à la Une : © CNC