Lors de la 82ème édition des Golden Globes, le film Emilia Perez réalisé par Jacques Audiard et produit par Saint Laurent, nommé dix fois, a obtenu quatre statuettes. L’inclusivité a été à l’honneur avec notamment la distinction de deux actrices “matures” : l’américaine Demi Moore et la brésilienne Fernanda Torres.
La tendance de l’inclusivité a encore frappé. Elle était la toile de fond des derniers Golden Globes, en donnant la vedette à des sujets ou à des acteurs(rices) qui, il y a quelques années, n’auraient sans doute pas eu la faveur du jury, composé de 334 journalistes internationaux.
Le phénomène n’a pas empêché l’audace et le talent d’être récompensés lors de la 82ème édition de la cérémonie, qui a eu lieu dans la nuit du 5 au 6 janvier dernier, à Beverly Hills (Californie). Un rendez-vous d’importance dans le cinéma international et scruté attentivement avant la célébrissime remise des
Oscars, qui se tiendra le 3 mars prochain.
Emilia Perez, le grand gagnant
Le grand gagnant du palmarès 2025 est le film “Emilia Perez”, réalisé par Jacques Audiard et déjà récompensé lors du Festival de Cannes 2024 par le prix du Jury et celui d’interprétation de ses quatre principales comédiennes.
Alors qu’il était nommé…dix fois, le film, produit par Saint Laurent Productions, a raflé quatre des statuettes tant convoitées : celles du meilleur film musical et du meilleur film étranger, du meilleur second rôle et de la meilleure chanson originale.
Le réalisateur français a réussi, il est vrai, un coup de force en produisant un ovni cinématographique traitant sous la forme d’un film musical, un sujet très improbable bien que dans l’ère du temps : la transition de genre d’un narcotrafiquant mexicain, a priori associé dans l’imaginaire collectif à la virilité sous sa forme la moins souhaitable.
“Exhortation à garder la tête haute”
Le cinéaste a ainsi dédié son Golden Globe à ceux “qui se sentent aujourd’hui inquiétés”. Ce prix leur est adressé, comme « une exhortation à garder la tête haute, à continuer de se battre et d’espérer en des jours meilleurs.”
A noter, si Adriana Paz, Selena Gomez et Karla Sofía Gascó avaient aussi été récompensées pour leur jeu lors du festival de Cannes, les Golden Globes se sont focalisés sur l’américano-dominicaine Zoé Saldana pour la récompenser de la statuette du meilleur second rôle.
Et Emilia Perez n’a certainement pas encore terminé son triomphe. Le long métrage a été présélectionné quinze fois pour les Baftas, les Césars anglais qui se tiendront le 16 février à Londres. Distribué outre-Atlantique par Netflix, il représentera aussi la France aux Oscars…Les fans du cinéma français espèrent évidemment pour lui un succès de l’ordre de celui d’Anatomie d’une chute, récompensé par l’Oscar du meilleur scénario original en 2024.
Femmes matures et glamour
Autre signe de l’évolution des mœurs à Hollywood : la nomination de deux femmes plus matures (mais néanmoins toujours glamour…).
Outre la quadragénaire Zoé Saldana, déjà citée, la récompense de meilleure actrice de comédie a été attribuée à la “sexygénaire” Demi Moore (62 ans) pour son rôle dans The Substance. Ce film d’horreur humoristique a été réalisé par une autre femme, la française Coralie Fargeat. Il était cinq fois nominé pour ces Golden Globes notamment dans la catégorie meilleure actrice dans un second rôle, en la personne de l’actrice trentenaire Margaret Qualley. Sculpturale dans sa robe Chanel, elle est néanmoins repartie bredouille.
Un beau pied de nez à tous les “phobiques de seniors”, alors que Demi Moore y incarne justement la vedette d’une émission d’aérobic, virée le jour de ses cinquante ans… Et à qui un laboratoire propose une substance miracle qui lui permettrait de devenir la meilleure version d’elle-même, “plus jeune, plus belle, plus parfaite”.
«Je suis sous le choc, c’est la première fois que je gagne quelque chose. Il y a 30 ans, un producteur avait dit de moi que j’étais une actrice pop-corn. J’y ai cru. J’ai cru que j’avais terminé ma carrière. J’ai reçu le scénario de The Substance au moment le plus bas de ma vie. Merci à Coralie d’avoir cru en moi. Merci de ce cadeau de me laisser exercer une profession que j’aime», a expliqué avec émotion l’actrice dont la plastique toujours éblouissante était mise en valeur par sa robe bustier asymétrique aux reflets métallisés et à l’aspect futuriste, signée Armani Privé.
Demi Moore n’a pas été la seule représentante parmi les comédiennes “expérimentées” à être distinguée. La comédienne brésilienne Fernanda Torres, âgée de 59 ans, s’est imposée comme la meilleure actrice dans un rôle dramatique sous la dictature brésilienne dans Je suis toujours là de Walter Salles, face à des concurrentes nettement plus célèbres comme Angelina Jolie (Maria) ou Nicole Kidman (Babygirl). Lesquelles ne sont pas non plus, à respectivement 49 et 57 ans, dans la première partie de leur carrière….
Veine inclusive
Dans la même veine inclusive, est aussi ressortie la récompense de meilleur acteur comique, remise à l’américain d’origine roumaine Sebastian Stan, pour son rôle de comédien défiguré par une neurofibromatose, dans A Different Man. L’occasion pour l’acteur de demander au milieu du cinéma de mieux représenter le handicap à l’écran. Lui-même n’hésite pas à prendre des risques dans sa carrière comme en témoignait déjà, avant ce rôle, celui de Donald Trump dans le biopic consacré au nouveau Président américain, The Apprentice, et dont la diffusion s’est heurtée à la frilosité des distributeurs Outre-Atlantique.
D’autres observateurs ont aussi été sensibles à la victoire d’un outsider, le dessin animé Flow, une co-production letto-franco-belge qui l’a emporté face à Vice-Versa 2 et The Wild Robot, produits par les mastodontes Pixar et Dreamworks Animation. Le choix de l’absence de dialogue et le sujet, à savoir l’errance d’un chat après une inondation apocalyptique, n’avaient pourtant rien d’évident…
The Brutalist, aussi multi-récompensé
Plus attendu a été le succès de The Brutalist, une fresque de plus de trois heures qui avait déjà été récompensé du Lion d’argent à la Mostra de Venise cet été. Il a obtenu cette fois trois statuettes majeures : celles du meilleur film dramatique, du meilleur réalisateur (Brady Corbet) et du meilleur acteur. Adrien Brody a ainsi été préféré à Timothée Chalamet (Un parfait inconnu) et Ralph Fiennes (Conclave). Il a su camper avec talent le rôle d’un designer juif né en Hongrie, rescapé d’un camp de concentration et qui refait sa vie aux Etats-Unis. Il est cité comme l’un des grands favoris des Oscars.
Enfin, dans la catégorie des séries, Shōgun (Hulu), l’adaptation du roman de James Cavel, a obtenu quatre prix dont celui de la Meilleure série dramatique et trois prix d’interprétation. Anna Sawai a ainsi remporté le titre de meilleure actrice dans une série dramatique, tandis qu’Hiroyuka Sanada est devenu le premier japonais et premier artiste asiatique à décrocher le trophée de meilleur acteur dans une série dramatique. Leur compatriote et membre du casting de Shogun, Tadanobu Asano, a obtenu quant à lui le prix de meilleur second rôle dans une série, minisérie ou film télévisé.
Jeremy Allen White, le chef de The Bear, la série consacrée à la gastronomie nouvelle vague, a été désigné comme le meilleur acteur dans une série comique ou musicale.
Hacks a été saluée comme la meilleure série comique et son héroïne, Jean Smart, comme la meilleure actrice dans une série musicale ou comique. L’histoire, là encore, fait écho à celle du rôle incarné par Demi Moore dans The Substance, à savoir celle d’une célèbre humoriste de Las Vegas sommée de réinventer un numéro jugé vieillissant…
Enfin, mon petit renne a obtenu la statuette de la meilleure mini-série.
Repartis bredouilles ou presque
Mais qui dit gagnants, dit aussi perdants…
Anora, la palme d’or de Cannes, qui raconte les périgrinations d’une jeune prostituée américaine mariée au fils d’un oligarque russe, n’a pas convaincu le jury des Golden Globes. Dune 2 de Denis Villeneuve n’a pas non plus été retenu. En revanche, Zendaya, actrice star de la franchise de science-fiction a ébloui le tapis rouge avec sa robe en satin bronze signée Louis Vuitton et escarpins assortis. L’actrice-productrice – et amie à la ville de Selena Gomez – a d’ailleurs été recrutée par le malletier de luxe pour promouvoir ce mois-ci la relance de la collaboration historique avec l’artiste plasticien japonais aux fleurs riantes, Takashi Murakami.
Enfin, Wicked, qui ressuscite les sorcières du monde d’Oz, n’a pas eu de baguette magique pour dérocher une statuette majeure. Mais son succès incontesté dans les salles des Etats-Unis lui a valu le prix de la réussite au box-office.
Palmarès des Golden Globes 2025
Meilleur film dramatique : The Brutalist
Meilleur film en langue étrangère : Emilia Perez
Meilleur comédie ou film musical : Emilia Perez
Meilleur film d’animation : Flow
Performance au box-office : Wicked
Meilleure actrice dramatique : Fernanda Torres, Je suis toujours là
Meilleur acteur dramatique : Adrien Brody, The Brutalist
Meilleure actrice de comédie : Demi Moore, The Substance
Meilleur acteur de comédie : Sebastian Stan, A Different Man
Meilleur second rôle féminin : Zoe Saldana, Emilia Perez
Meilleur second rôle masculin : Kieran Culkin, A Real Pain
Meilleure réalisation : Brady Corbet, The Brutalist
Meilleur scénario : Peter Straughan pour Conclave
Meilleure bande originale : Trent Reznor & Atticus Ross pour Challengers
Meilleur chanson originale : El Mal par Clément Ducol, Camille, Jacques Audiard (Emilia Perez)
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Photo à la Une : Selena Gomez dans le rôle d’Emilia Perez © Page 114/Why Not Productions