Le père de l’abolition de la peine de mort, Robert Badinter a rendu la vie le 9 février 2024. Un hommage national a été organisé ce mercredi 14 février sur la place Vendôme en présence d’Emmanuel Macron.
Place Vendôme, ce mercredi 14 février, Emmanuel Macron prend la parole à l’occasion de la journée nationale d’hommage à Robert Badinter, décédé le 9 février 2024. L’ancien garde des sceaux sous Mitterrand avait fait de l’abolition de la peine de mort son cheval de bataille, obtenant gain de cause en 1981.
À Robert Badinter. pic.twitter.com/Xv2CVjbAWZ
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) February 14, 2024
La cérémonie d’hommage a débuté à midi avec l’entrée du cercueil sur la place Vendôme depuis le ministère de la Justice. Un court film retraçant la vie de Robert Badinter a été diffusé, accompagné de la 7e symphonie de Beethoven. Après l’éloge funèbre du Président de la république, les vestiges de l’avocat humaniste ont quitté les lieux à 12h45.
Qui était Robert Badinter ?
Robert Badinter s’est éteint à Paris, la ville qui avait accueilli sa naissance il y 95 ans. Professeur de droit, militant, avocat, ministre, Président du Conseil constitutionnel, sénateur, essayiste, il a défendu toute sa vie une vision humaniste de la justice. Issu d’une famille juive émigrée de Russie (actuelle Moldavie), Robert Badinter et sa mère ont réussi à fuir la Gestapo dans les années 40, tandis que son père a été déporté.
Passionné par la justice, il s’inscrit au barreau de Paris en 1951. Avec Henry Torrès, son mentor, il partage une conception intransigeante de son métier. “Tu es un avocat” quand “Tu défends un homme qui a tué ou volé, parce que c’est un homme d’abord” affirmait Torrès.
En 1972, il tente, sans y parvenir, de sauver Roger Bontems et Claude Buffet de la guillotine. En vue d’une évasion, les deux hommes codétenus avaient pris en otage trois personnes, dont deux ont été égorgés par Buffet jugé coupable et Bontems complice. Badinter devient alors un fervent militant de l’abolition de la peine de mort.
Le militant
L’avocat pénaliste écrit en 1973 un ouvrage reprenant l’affaire Buffet-Bontems intitulé “L’Exécution” (éditions Grasset). En 1977, il réussit à épargner la sentence fatale à Patrick Henry, malgré l’indignation des foules.
“Dans la même cour d’assises où furent jugés Buffet et Bontems. Cris de la foule qui demande la mort de Patrick Henry. Cet assassin d’enfant. Cris de la foule qui demande la mort de Robert Badinter, cet avocat des assassins. Les morts vous écoutent, répétait Robert Badinter. Le combat contre la mort devint sa raison d’être. Après Patrick Henry, Robert Badinter sauva la tête de cinq autres condamnés”, rappelle Emmanuel Macron ce mercredi lors de son éloge.
Selon l’Ipsos, 61% de la population française était pour la peine de mort en 1980. Malgré ses opposants, l’avocat humaniste poursuivit son combat. “La justice française ne sera plus une justice qui tue“ avait promis François Mitterrand avant son élection. Puisqu’il faut parfois mettre en oeuvre ses promesses électorales, le plus fervent défenseur de l’abolition de la peine de mort a finalement accédé au poste de ministre de la Justice.
Quelques mois après l’accession au pouvoir de Mitterrand en mai 1981, Robert Badinter prononce son discours mythique devant l’Assemblée, duquel l’abolition de la peine de mort sera établie en France.
“Robert Badinter avait choisi la vie … Il fut pendant cinq ans le ministre le plus attaqué de France” a insisté Macron sur la place Vendôme, prévoyant d’ores et déjà de le faire entrer au Panthéon.
Au délà de la peine de mort
De 1986 à 1995, Badinter a été le président du Conseil constitutionnel puis il a siégé au Sénat sous la bannière du PS jusqu’en 2011. Durant sa carrière, il a également dépénalisé les relations homosexuelles pour les moins de 21 ans (devenant identiques à celles des hétérosexuels) et il a amélioré les conditions d’incarcération.
Reconnu par tous comme un véritable homme de gauche, Robert Badinter s’inspirait de son héros, Victor Hugo, dans ses combats humanistes. En 2013, il écrit un opéra, “Claude” inspiré du roman “Claude Gueux” de son auteur favori.
Son dernier livre, intitulé “La Démocratie illibérale”, sortira le 26 décembre 2024 chez fayard.
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Photo à la Une : Robert Badinter à l’Assemblée nationale le 17 septembre 1981 © Yan Morvan