Selon la dernière actualisation de l’indice de Bloomberg classant les hommes les plus riches de la planète, Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon a délogé Elon Musk de la première place. Le dirigeant de Tesla, SpaceX et X est désormais à la deuxième marche du podium. Itinéraire croisé de deux génies de l’entrepreunariat.
Bloomberg, ô Bloomberg, suis-je l’homme le plus riche du monde ?
Non, Elon (Musk), tu ne l’es plus…Car c’est Jeff (Bezos) qui l’est aujourd’hui.
L’histoire ne devrait pas tourner au mélodrame comme Blanche-Neige. Mais le dernier indice de Bloomberg sur les hommes les plus riches au monde, mis à jour le 5 mars dernier, a rendu son verdict.
Avec une fortune de 197,7 milliards de dollars, Elon Musk, le dirigeant du constructeur automobile Tesla, de la société astronautique SpaceX et du réseau social X (ex Twitter) n’est plus le N°1 des milliardaires de la planète. Il s’est fait ravir la vedette par Jeff Bezos, dont la cassette s’élève à 200,3 milliards de dollars. C’est la première fois depuis plus de neuf mois qu’Elon Musk descend du haut du podium.
En tête du classement Bloomberg
Et c’est la première fois que Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon.com Inc. arrive en tête du classement Bloomberg depuis 2021, date de création de cet indice. Avant l’établissement de ce dernier, Jeff Bezos avait déjà décroché le titre d’homme le plus riche du monde en 2017, devant Bill Gates, le cofondateur de Microsoft. La liste était alors établie par le magazine Forbes.
En janvier 2021, selon le premier Bloomberg Billionaires Index, Elon Musk était pour sa part devenu, à 49 ans, l’homme le plus riche du monde avec une fortune alors estimée à 251,3 milliards de dollars.
Le mouvement qui a de nouveau hissé Jeff Bezos à la première place devant Elon Musk s’aligne sur celui des actions de leurs fleurons respectifs, à savoir Tesla pour le premier et Amazon pour le second. Bien qu’opérant dans des secteurs éloignés (la voiture électrique et la vente en ligne), tous deux font partie des “Sept Magnifiques” (soit les principaux moteurs des marchés boursiers Outre-Atlantique) et se sont démarquées dès leurs débuts par leur démarche disruptive et high tech.
Selon une estimation de Forbes, 99% de la fortune d’Elon Musk est composée d’actions Tesla et SpaceX. Tandis que Jeff Bezos tire le principal de sa richesse de sa position de premier actionnaire d’Amazon (9% du capital), qu’il a fondé en 1994 mais cessé de diriger mi-2021.
Des évolutions contrastées en bourse
Or, depuis 2021, Amazon et Tesla ont évolué aux antipodes en bourse. Alors que les actions d’Amazon ont plus que doublé depuis la fin de 2022, celles de Tesla ont perdu environ 50 % depuis leur record de 2022 et 25% depuis un an.
Mais les fortunes actuelles des deux milliardaires pourraient être quelque peu rognées d’ici peu.
Jeff Bezos a en effet vendu récemment pour 8,5 milliards de dollars d’actions Amazon. Et il va devoir payer une plue-value au fisc, qui pourrait lui coûter sa première place sur le podium Bloomberg, selon le Wall Street Journal.
De son côté, Elon Musk a aussi un caillou dans sa chaussure. Fin janvier, une juge du Delaware a annulé un plan de rémunération en actions de 55 milliards de dollars, accordé en 2018 à Elon Musk en tant que directeur général de Tesla. Un actionnaire de la marque automobile avait attaqué en justice ce programme faramineux. Or, les options incluses dans le plan annulé représentent une part non négligeable des totaux réalisés par Bloomberg…
Si les cartes sont rebattues, la nouvelle donne pourrait bénéficier au français Bernard Arnault. Dans le dernier Indice de Bloomberg, le fondateur et PDG de Lvmh, numéro un du luxe, conserve sa troisième place, grâce à sa fortune de 197 milliards de dollars. Mais selon le classement du magazine Forbes, Bernard Arnault affichait en 2023 la plus grosse fortune mondiale, devant Elon Musk.
Le match des milliardaires
Si le match des milliardaires est difficile à départager, force est de constater que les hommes les plus riches du monde ont eu des itinéraires très différents des deux côtés de l’Atlantique. Bernard Arnault, le représentant de la vieille Europe est parvenu à devenir milliardaire en partant du patrimoine mode et luxe du vieux continent tandis que les deux américains (né en Afrique du sud et ayant aussi la nationalité canadienne pour Elon Musk) ont, eux, bâti leur richesse grâce aux technologies d’aujourd’hui.
Mais si Jeff Bezos, 60 ans et Elon Musk, 52 ans partagent des points communs, leurs parcours divergent aussi sur bien des plans.
Tous deux affichent, on s’en doute, un profil exceptionnel : celui d’un surdoué pour Jeff Bezos, (et sans doute aussi pour Elon Musk,. Ce dernier a par ailleurs déclaré avoir le syndrome d’Asperger, une forme d’autisme, ce qui expliquerait “la façon” inhabituelle dont travaille son cerveau et dont il communique.
Enfants précoces, tous deux ont montré leurs talents d’entrepreneurs dès l’enfance. Elon code à l’âge de 12 ans un petit jeu vidéo qu’il vend 500 dollars à un magazine spécialisé. Tandis que Jeff est lycéen quand il crée sa première entreprise, un camp d’été pour enfants.
A la force du poignet et du génie
Tous les deux se sont fait à la force du poignet et surtout, de leur génie.
Si le père d’Elon Musk est un riche ingénieur et promoteur immobilier en Afrique du Sud, le jeune homme a préféré étudier au Canada puis aux Etats-Unis contre l’avis de son ascendant. Il a donc dû financer lui-même ses (brillantes…) études, avant d’obtenir une bourse à l’université de Stanford.
De son côté, Jeff Bezos, né aux Etats-Unis, n’a pas non plus pu compter sur son propre père pour l’accompagner dans ses débuts. Ce dernier, lycéen, l’a abandonné à sa naissance. Mais en revanche, le futur milliardaire a pu s’appuyer sur son père adoptif, Miguel Bezos. Il a ainsi pu obtenir un diplôme de l’université de Princeton, en l’occurrence un Bachelor of Arts and Science en sciences de l’informatique.
Mais pour arriver à la une des journaux économiques, les deux comètes de l’entrepreneuriat ont tracé des chemins assez distincts.
Après avoir fait ses griffes dans des entreprises financières de Wall Street, Jeff s’est surtout distingué en sentant avant tout le monde le potentiel du ecommerce, et par la géniale fondation d’Amazon en 1994. Le premier libraire en ligne est devenu aujourd’hui une plateforme généraliste incontournable, leader du secteur.
En 2000, il a aussi poussé encore plus loin le curseur de l’exploration, en fondant Blue Origin, spécialisée dans les voyages spatiaux.
Electron libre
Mais Elon est davantage un électron libre, un insatiable serial entrepreneur, toujours un pied dans le futur.
A l’exception notable de Tesla, où il a investi en 2004 avant d’en devenir l’actionnaire majoritaire, il a presque toujours fondé ou cofondé les entreprises qu’il a dirigées : la société de logiciels Zip2 en 1995, la banque en ligne X.com (devenue ensuite PayPal) en 1999, SpaceX en 2002, la société d’énergie solaire SolarCity en 2006, devenue Tesla Energy, The Boring Company, une société de construction de tunnels pour désengorger la circulation automobile et la société de neurotechnologie Neuralink, toutes deux en 2016, et la société xAI spécialiste de l’intelligence artificielle en 2023. Une revanche alors qu’il a fondé en 2008 OpenAI, à l’époque une association de recherche promouvant l’intelligence artificielle amicale et qu’il a quittée en 2018.
11 enfants pour Elon Musk
Côté vie privée, Elon Musk se montre aussi plus dispersé et prolifique que son rival. Au fil des mariages (avec la romancière canadienne Justine Wilson, l’actrice britannique Talulah Riley, la chanteuse canadienne Grime). et liaisons (avec Shivon Zilis, cadre dirigeante de sa start-up Neuralink), il totalise 11 enfants (officiels). Logique avec lui-même, il déclare lors d’une conférence fin 2021, que “les taux de natalité faibles sont l’un des plus grands risques pour la civilisation “ ! N’est pas Elon Musk qui veut…
En 2022, Elon Musk fait aussi parler de lui lors du procès qui oppose l’actrice américaine Amber Heard à son ex-mari Johnny Depp. L’acteur accuse en effet son ex-femme, d’avoir commencé une liaison (rendue officielle plus tard) avec Elon Musk alors qu’ils n’avaient pas encore divorcé.
De son côté, avec une seule ex épouse -MacKenzie Scott- dont il a divorcé début 2019 après 25 ans de vie commune, trois fils et une fille adoptée en Chine, Jeff Bezos fait presque pâle figure…Et ce n’est pas la liaison qu’il a eu avec la présentatrice de télévision Lauren Sánchez, cause de sa séparation avec sa femme, qui lui permet de rivaliser avevc le palmarès de célébrités séduites par Elon Musk.
Adeptes du libertarisme
Sur le plan de la sensibilité politique, enfin, Jeff Bezos et Elon Musk partagent quelques idées…mais pas toutes.
Tous deux sont des adeptes du libertarisme, un courant politique américain, associant libéralisme économique, capitalisme dérégulé et intervention de l’État réduite au minimum, dont l’idéal est une “société respectant au maximum la liberté”.
Les deux milliardaires ont aussi exprimé leur sensibilité à la cause écologique. En 2020, Jeff Bezos a créé son fonds de protection de la terre, le Bezos Earth Fund (fonds pour la terre), qu’il a doté, avec ses propres deniers, de 10 milliards de dollars. Il subventionne ainsi des projets portés par des scientifiques ou organisations non gouvernementales (ONG).
De son côté, Elon Musk a aussi indiqué vouloir combattre le réchauffement climatique, notamment via l’investissement ou la création des sociétés Tesla ou SolarCity (produits photovoltaïques et services). Mais son usage immodéré du transport en jet privé, dénoncé par des applications de flight tracking, est critiqué…
Des positions différentes face à Donald Trump
Face aux candidats américains à la présidence, enfin, Elon Musk et Jeff Bezos ne sont pas sur la même longueur d’onde.
Soutien du parti républicain, Elon Musk est devenu fin 2016 conseiller du président Donald Trump avant de démissionner quelques mois plus tard quand l’élu annonce son intention de quitter l’accord de Paris sur le climat. Il a ensuite rouvert le compte Twitter de Donald Trump à la suite d’un sondage auprès des utilisateurs de la plateforme. Mais il a soutenu la candidature de Ron DeSantis contre…Donald Trump pour les primaires du Parti républicain à la veille de l’élection présidentielle américaine de 2024.
Et visant Joe Biden, il critique depuis 2022, outre sa politique, son âge (78 ans, le jour de son entrée en fonction), dénonçant la “gérontocratie”. En sachant que Donald Trump aura lui-même 78 ans en juin 2024…
De son côté, Jeff Bezos entretient des relations plutôt fraîches avec Donald Trump. En 2015, ce dernier, alors candidat à l’élection présidentielle, l’accuse d’avoir acquis le Washington Post afin de “minimiser la pression fiscale pesant sur Amazon et son propriétaire”. Jeff Bezos tourne l’attaque en dérision. Mais après l’élection de Donald Trump en 2016, Jeff Bezos est bien contraint de souhaiter au nouveau président « un grand succès dans son service pour le pays ». Ce qui n’empêche pas Donald Trump de menacer Amazon d’une enquête antitrust !
Avant les prochaines élections, il y a donc de fortes chances que l’homme actuellement le plus riche du monde fasse preuve d’une certaine discrétion quant à son candidat favori…Mieux ne vaut pas injurier l’avenir !
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