Elon Musk fait de nouveau parler de lui avec sa Tesla Robotaxi. Ce nouveau service de taxis basé sur des voitures autonomes accumule les retards et voit sa date de livraison repoussée en octobre prochain. Mais d’où provient cette idée qui doit préfigurer le futur du transport citadin ?
Jamais à court d’effets d’annonce, le patron de Tesla et SpaceX, entre autres, avait créé la surprise avec son annonce du Robotaxi en 2019 lors du fameux Autonomy Day de Tesla. Cette année-là Elon Musk avait présenté ce robotaxi comme la première voiture 100% autonome de la firme d’Austin.
Initialement prévue en 2020 avant d’être décalée à 2024, la date du reveal était fixé au 8 août. Un évènement de taille alors que l’entreprise connait des difficultés croissantes et que sa dernière innovation automobile remontait à novembre 2019 avec le Cyber Truck. Coutumier du fait, Elon Musk a finalement décalé la présentation du modèle tant attendu au jeudi 10 octobre.
Un projet qui ne date pas d’hier
Si le projet au nom de code “Robotaxi” a été pour la première fois évoqué publiquement par Elon Musk en 2019, sa genèse remonterait à 2016 et au Master Plan part. 2 qui consistait à intégrer une conduite entièrement autonome (FSD) dans les modèles Tesla conventionnels.
Ce plan contenait déjà une rubrique “Autonomy”, en particulier concernant sa fonctionnalité propriétaire “autopilot” – système d’assistance conducteur avancé censé rendre la conduite plus sûre et moins stressante – et commençait comme suit : “Au fur et à mesure que la technologie évolue, tous les véhicules Tesla seront équipés du matériel nécessaire pour être entièrement autonomes, avec une capacité de fonctionnement en cas de défaillance, ce qui signifie que n’importe quel système de la voiture peut tomber en panne et que la voiture continuera à se conduire en toute sécurité.”
Quant à la raison pour laquelle Elon Musk s’intéresse à la conduite autonome, il évoque “lorsqu’elle est utilisée correctement, elle est déjà beaucoup plus sûre qu’une personne conduisant seule et qu’il serait donc moralement répréhensible d’en retarder le lancement par crainte d’une mauvaise presse ou d’un calcul mercantile de responsabilité légale.”
En 2019, le Robotaxi se fait plus présent avec une anticipation qui laisse songeur : le milliardaire canadien table sur 1 million de modèles en circulation (alors sous forme de Tesla Model 3) dès l’année suivante. Il s’agit alors de bâtir un service de transport en commun reposant sur la flotte de Tesla ainsi que sur les voitures de certains propriétaires de Tesla.
En 2022, Elon Musk se veut, comme à son habitude, dithyrambique, promettant à ses investisseurs présents dans la salle du Tesla Cyber Rodeo, une capacité de conduite de niveau 5, autrement dit, faisant l’économie de toute intervention humaine et décrite sous l’acronyme FSD. L’annonce se mêle alors aux projets de son pick-up électrique cybertruck, son humanoïde Optimus et ses avancées en matière d’intelligence artificielle (préfigurant l’aventure entrepreneuriale Xai).
Véritable prouesse technologique, cette conduite autonome du robotaxi est décrite comme efficace “quelque soit le type de trajet et les conditions de circulation.”
Le fringant pdg ne manque pas de partager les différents freins rencontrés dans le développement d’un tel projet, en particulier le fait que l’infrastructure routière est avant tout “conçue pour les conducteurs humains avec des cerveaux et yeux biologiques”. Son ambition consiste donc à “développer des réseaux neuronaux et des caméras capables de surpasser les facultés humaines.”
Toujours en 2022, Elon Musk donne quelques pistes quant au rétroplanning du projet avec une production de masse prévue pour 2024.
Deux ans plus tard, autre son de cloche : l’assistance de conduite se révèle être en l’état un système FSD de niveau 2 tout juste sorti de sa version bêta, autrement dit nécessitant une supervision humaine.
De même, le projet initial reposant pour l’essentiel sur l’autopartage à partir d’un réseau de volontaires propriétaires de voitures Tesla et permettant à ces derniers de gagner semble avoir été abandonné.
Avec ou sans volant ?
L’attente du reveal de Tesla est d’autant plus palpable côtés investisseurs, que le fabricant automobile fait face à une tempête totale (“Perfect storm”) entre une concurrence de plus en plus véroce, une chute des ventes, des prix tirés par le bas, des licenciements en cascade et un turnover particulièrement élevé. Le titre Tesla a même dévissé de 40% en bourse depuis le début de l’année.
Sans compter que le probable rendu final, disponible sur la toile est un simple rough (dessin industriel de concept car) dont le design vantée par Musk comme “futuriste” rappelle furieusement la forme géométrique d’un cybertruck.
Ce dessin, depuis largement diffusé sur les réseaux sociaux, est en fait issu de la biographie dédiée à Elon Musk signée Walter Isaacson, sortie à l’automne 2023 (à qui l’on doit un autre succès de librairie consacré au patron d’Apple, Steve Jobs).
Bien que Elon Musk ne soit pas réputé pour la ponctualité de ses échéances, il faut lui reconnaître sa capacité à nourrir les conversations les plus passionnées. Ainsi le grand débat sur le web relatif au robotaxi consiste à savoir si le projet présenté comme n’ayant “ni volant ni pédale” est possible. Son pdg n’a d’ailleurs précisé si la version présentée en octobre sera “avec ou sans volant”, or d’après de nombreux le media tech, la question est loin d’être aussi anecdotique qu’elle n’y parait.
Certains aficionados de la marque canadienne vont jusqu’à décrypter la pensée d’Elon Musk pour savoir si à l’image d’un Swiftie – fan intarissable sur la carrière et l’univers de la chanteuse Taylor Swift – il n’y aurait pas un sens caché dans les propos du patron de la firme d’Austin. Elon Musk a toutefois choisi le timing pour démentir la rumeur sur l’arrêt de production de la Tesla à 25 000 dollars connue sous le nom model 2, certains internautes considérant le robotaxi et la Tesla à 25K comme étant un seul et même projet. Ces derniers en voulaient pour preuve l’annonce selon laquelle la plateforme qui produirait le robotaxi serait mutualisé avec le modèle Tesla plus accessible.
Afin d’inciter les actionnaires du groupe à voter en faveur d’un plan de rémunération de 55 milliards de dollars, Tesla a publié en mai une vidéo sur X de ce qui pourrait présenter l’intérieur du futur robotaxi. On y voit un habitacle proche du dessin industriel qui circulait jusqu’alors : un véhicule deux places avec un écran central. Les fauteuils semblent plus proche des équipements observables dans les transports communs que dans les modèles Tesla conventionnels.
Comme le rapporte Bloomberg, le report de cette présentation de deux mois supplémentaires devrait permettre à Tesla de travailler davantage ses prototypes tout en apportant certaines modifications techniques nécessaires et ainsi rassurer les actionnaires.
Bien qu’il soit trop tôt pour savoir si Tesla avec son robotaxi révolutionnera ou non le futur du transport ou encore si le modèle en circulation permettra de dormir dans l’habitacle voire de sonner l’émergence de bureaux sur roues, la conduite autonome séduit de plus en plus de concurrents. Le modèle de véhicule développé par Waymo, lui, roule déjà.
Lire aussi > La revanche de l’IA : comment Elon Musk veut détrôner Microsoft et Open AI
Photo à la Une : © Tesla