En déplacement aux Emirats Arabes Unis le dimanche 15 mai, Emmanuel Macron a rendu hommage à l’ancien président de ce pays et a rencontré le nouveau : Mohammed Ben Zayed. Visite ayant pour autre but de renforcer le partenariat stratégique entre ce pays et la France. Mais que se cache-t-il sous ce rapport stratégique entre les deux pays ?
Étant le premier dirigeant occidental à se rendre dans la capitale émirati, Abu Dhabi, Emmanuel Macron a rendu hommage au cheikh Khalifa ben Zayed Al-Nahyane, l’ancien président émirati, décédé vendredi dernier. « Il était respecté de tous pour les valeurs de paix, d’ouverture et de dialogue qu’il incarnait. Mon soutien à son frère, nouvellement élu Président des Émirats arabes unis, ainsi qu’au peuple émirien » a-t-il déclaré sur Twitter.
في ابو ظبي للاشادة بذكرى الشيخ خليفة بن زايد آل نهيان. كان يحظى باحترام الجميع لقيم السلام والانفتاح والحوار التي كان يجسدها. دعمي الكامل لأخيه الذي تم انتخابه رئيسا لدولة الإمارات العربية المتحدة وكذلك للشعب الإماراتي. pic.twitter.com/X8DxMYocrn
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 15, 2022
Il a par la suite félicité le nouveau président des EAU, Mohammed Ben Zayed al Nahyane, tout en soulignant sa « sa détermination à poursuivre et à développer tout ce qu’ils ont entrepris ensemble depuis cinq ans » .
Les dessous du pays de l’innovation et des hautes technologies
Bien qu’ils aient fêté leur 50 ans d’existence, les Emirats Arabes Unis sont parvenus à devenir très rapidement l’un des pays les plus ambitieux et avancés du monde à tous les niveaux possibles. Réelle plaque tournante pour la finance mondiale, les technologies, le tourisme ou encore les sciences, ce pays est devenu en quelques années un modèle d’innovation à l’internationale.
Présentant un grand nombre d’avantages en termes de sécurité de ses habitants, d’attractivité touristique ou culturelle, ce n’est toutefois que ce qui se trouve sur la partie visible de l’iceberg.
Les EAU représentent un allié stratégique, industriel et économique d’une haute importance pour la France. La récente signature de vente d’armes de la France vers les EAU, passée inaperçue, n’est pourtant pas si anodine que cela. Un récent rapport de la FIDH, la Fédération Internationale pour les Droits Humains et de l’Observatoire des armements révèlent de nombreuses et accablantes violations des droits humains perpétrées par les Emirats Arabes Unis ; et pointe du doigt la complicité possible de la France.
Si les EAU demeurent – légitimement ? – un pays avec lequel la France entretient d’excellents rapports commerciaux et sécuritaires, il n’en demeure pas moins « une dictature particulièrement répressive, où toute voix dissidente risque l’emprisonnement et la torture » explique la FIDH. Ce dernier poursuit en révélant les responsabilités directes et indirectes dans des violations d’une haute gravité commises durant la guerre au Yémen.
Le rapport rédigé par la FIDH met également en lumière de « graves violations des droits humains » que le pays perpétue au sein même de son territoire. En dépit d’avoir adhéré en 2012 à la Convention des Nations unies contre la torture, ils n’ont pas adhéré au protocole, bien que facultatif, autorisant l’Organisation des Nations Unies à vérifier, en cas de plaintes, que les EAU respectent bel et bien ces engagements, point non négligeable et quelque peu suspect de la politique menée par les EAU.
En adhérant à ce premier protocole, le pays s’engageait à « respecter en définitive le principe de l’interdiction absolue de la torture » , ce qu’ils n’ont pas fait selon la FIDH. La fédération révèle que « les autorités émiraties continuent à pratiquer la torture » envers les personnes qu’ils considèrent comme des menaces. Sont principalement visés les journalistes, personnalités religieuses, défenseurs des droits humains et opposants politiques. La privation de sommeil, le refus de traitement médical, les menaces verbales, les agressions sexuelles, la torture à mort, et les chocs électriques sont quelques-unes des tortures exercées par ce régime envers les « menaces ».
C’est notamment en 2015 que le pays a été suspecté d’avoir entrepris l’une de leur méthode de torture à un journaliste et poète jordanien, potentiellement considéré comme une menace : Tayseer Al-Najjar. Ce dernier avait été arrêté et emmené dans un lieu inconnu sans n’avoir pu consulter un avocat ni entrer en contact avec sa famille. Accusé, un an plus tard, d’avoir commis des cybercrimes alors qu’il dénonçait le bilan des Émirats Arabes Anis en matière de droits humains sur Facebook, il sera condamné à trois ans de prison en 2017. Il mourra avant de pouvoir être libéré, de « complications liées à des maladies attrapées en détention » .
Les femmes militantes prônant une défense des droits humains sont également une autre cible des acteurs étatiques et non étatiques. Si elles en viennent à être emprisonnées, la FIDH révèle qu’elles sont, elles également, victimes de tortures et violences puis effacées de la sphère publique.
Entre 2016 et 2019, les auteurs du rapport de la FIDH révèlent que huit cas de « graves violations des droits humains » ont été perpétrés par des auteurs ayant « été identifiés comme étant soit directement des officiers émiratis » , ou des membres des forces mandataires des Émirats.
Quel rôle français dans ces accusations ?
Loin d’être un pays tout lisse, mine d’or de l’innovation et de la technologie, les EAU se révèlent alors réel régime répressif ayant récemment exercé et à plusieurs reprises des méthodes de répression d’une violence extrême allant même jusqu’à la torture, envers plusieurs individus. Pour la FIDH, le rôle français – également britannique et allemand – dans ce genre de pratiques est évident. Comme précisé auparavant, la France exporte ses armes vers les Emirats Arabes Unis, faisant d’elle une institution « profondément impliquée dans l’industrie de défense émiratie » .
La France s’est engagée en 2008 et 2013 « à ne pas vendre ou transférer d’armes s’il existe un « risque clair “ que ces équipements soient utilisés pour commettre des violations graves du droit humanitaire international » et « à interdire toute vente ou exportation d’armes » dont elle sait qu’elles « pourraient être utilisées pour commettre des violations du droit international humanitaire ou du droit international des droits humains » . Alors, la poursuite des partenariats et engagements entre la France et les EAU suscite donc de nombreuses interrogations, et notamment sur la complicité éventuelle des entreprises françaises fournissant ces équipements et des autorités françaises ayant donné leur accord pour leur exportation.
Enfin, la FIDH et l’Observatoire des Armements appellent tous deux la France à « placer la légalité internationale au cœur de ses relations avec ses “alliés stratégiques“ », et demandent aux entreprises hexagonales exportant des armes vers les Émirats de mettre fin à ces ventes, « conformément à leur responsabilité internationale de respecter les droits humains dans tous les pays où se déroulent leurs activités » .
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