De l’opéra aux musées en passant par les églises, les œuvres vidéo monumentales de Bill Viola ont marqué les esprits. Retour sur l’histoire et la sensibilité artistique du vidéaste américain, décédé le 12 juillet 2024, dont les réflexions sur le temps, la vie et la mort, les éléments naturels et les états spirituels ont laissé une trace indélébile dans le paysage audiovisuel.
Atteint par la maladie d’Alzheimer depuis 2012, Bill Viola s’est éteint paisiblement chez lui en Californie, ce 12 juillet. Né en 1951 à New York, il renonce à ses études d’art plastique à l’université de Syracuse, qu’il trouve trop conventionnelles, pour se tourner vers une section moins normée, celle de l’experimental studio. C’est à ce moment qu’il côtoie directement la sphère audiovisuelle.
D’abord attiré par la musique électronique, il s’oriente vers la vidéo avant de devenir l’assistant du pionnier coréen Nam June Paik (1932–2006). Alors que l’art vidéo n’en est qu’à ses balbutiements, le jeune virtuose des images produit ses premières installations vidéo au début des années 70 sur de grandes surfaces. Aux côtés de quelques avant-gardistes comme lui, Bill Viola fait émerger ce nouveau mouvement artistique, avec une technique impeccable et des processus de captation des sons, d’enregistrement vidéo et de montage novateurs.
Une démarche spirituelle
Alors que son art est influencé par les peintres italiens du Quattrocento (Giotto, Lorenzetti et Duccio), au milieu des années 70, Bill Viola voyage en Asie. Il rencontre même, en 1980, un maître zen au Japon, Daien Tanaka, qui devient son maître spirituel. Son travail prend une dimension spirituelle, méditative, émotionnelle et intimiste. Il n’hésite donc pas à se mettre en scène et dévoiler sa famille.
Plusieurs thématiques reviennent, comme le temps, le ralenti, la conscience, la vie, la mort, le rêve, l’eau, le feu, le virtuel, le réel. Bill Viola disait d’ailleurs qu’il voulait « sculpter le temps ». « Le temps est la matière première du film et de la vidéo. La mécanique peut en être des caméras, de la pellicule et des cassettes, ce que l’on travaille, c’est du temps ». Il ralentit d’ailleurs le temps au sein d’installations immersives, utilise des moniteurs et se différencie par des projections monumentales. Toujours en utilisant les dernières technologies.
Ses œuvres les plus mémorables
En 1991, Bill Viola réalise The Passing. Réflexion sur la vie et la mort, cette bande vidéo est relative à la mort de sa mère et la naissance de son deuxième fils, deux événements quasi simultanés dans sa vie.
Quatre ans plus tard, il expose The Greeting lors de la Biennale de Venise, où il représente les Etats-Unis. Cette œuvre donne vie à la peinture Visitation du peintre maniériste Pontormo. Elle est d’ailleurs la première œuvre d’art vidéo à être acquise par le Metropolitan Museum of Art de New York en 2001.
Son travail de l’eau, élément qui le fascine, se retrouve dans Ascension (2000), The Dreamers (2013) et Inverted Birth (2014). Parmi ses autres œuvres notables, citons aussi The Crossing (installation son et vidéo, 1996), The Reflecting Pool (cassette vidéo, 1977) ou encore Martyrs (tableau vidéo quadriptyque, 2014). Sans oublier la production de l’opéra Tristan et Isolde avec Peter Sellars en 2005.
Ses expositions les plus importantes comptent Installations and Videotapes (1987) au MoMA et A 25-Year Survey (1997) au Whitney Museum of American Art à New York, ainsi que Hatsu-Yume (First Dream) (2006 – 2007) au musée d’art Mori à Tokyo. En 2014, le Grand Palais de Paris lance une exposition rétrospective majeure sur Bill Viola, avec des questions métaphysiques comme « Qui suis-je ? », « Où suis-je ? », « Où vais-je ? ».
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Photo à la Une : © Alessandro Moggi