Décédé ce 13 janvier dernier, le photographe Oliviero Toscani, connu pour les campagnes de Benetton, a dévoilé tout au long de sa carrière des clichés empreints d’une certaine provocation mais mettant en valeur la diversité du monde ainsi que les inégalités et les souffrances qui l’habitent. Retour sur cet héritage ayant redéfini les codes de la communication visuelle.
« La photographie publicitaire ne doit pas vendre un produit, elle doit vendre une idée » estimait Oliviero Toscani. Un mantra qui résume bien son parcours photographique. Né en 1942 à Milan d’un père photoreporter, l’artiste fait ses armes dans les rues de New York en mettant en clichés la vie urbaine. En 1976, il réalise la campagne Les contemporains pour le créateur Jean-Charles de Castelbajac.
En arrivant chez Benetton en 1982, sa carrière prend un nouveau tournant. Celui de la provocation pour livrer un message. Racisme, inclusion, peine de mort, VIH, religion, cause des femmes… Un véritable manifeste social. Adulées par les progressistes et critiquées par les bien-pensants, les campagnes sulfureuses de l’artiste pour Benetton ont propulsé l’image de la marque italienne dans une sphère à l’époque inexploitée par l’industrie de la mode.
La diversité et l’inclusivité, un sujet phare d’Oliviero Toscani
Pour la collection automne-hiver 1984, Oliviero Toscani a dévoilé sa première campagne « Toutes les couleurs du monde ». La photographie fait certes un clin d’œil aux teintes pop de la marque italienne mais s’avère être le reflet de la diversité, valorisant les diverses cultures. Sur un fond blanc, des personnes de toutes les ethnies prennent la pose avec des pulls de Noël, entre accolades et sourires.
La campagne hivernale de 1989 se nomme « l’Allaitement » et met en scène une femme de couleur noire nourrissant au sein un bébé de couleur blanche. Outre la diversité, cette photographie prône un certain féminisme, à l’heure où les seins nus et naturels des femmes sont bannis sur les réseaux sociaux et où des mères doivent encore se cacher pour allaiter leur enfant dans l’espace public. Pour la saison suivante, ce sont deux « Enfants sur le pot » qui ont été photographiés.
« Libération » date de 1993. On y voit de manière frontale 56 photos de sexes masculins et féminins, avec des formes et des couleurs diverses. Alors que cette décennie est marquée par le porno chic et l’hypersexualisation dans la mode, Benetton fait le choix de montrer des appareils génitaux en toute simplicité, toujours dans cette quête d’inclusivité et de diversité. Dans le même esprit, en 1996, la campagne « Cœur » dévoile trois cœurs humains où est marqué « white », « black », « yellow ».
En 1992, la campagne « Albinos » met en scène une femme albinos dans une tribu zoulou en Afrique du Sud lors d’une cérémonie de jeunes filles vierges. L’artiste milite aussi pour la justice équitable avec une image de 1989 de deux hommes, noir et blanc, menottés, dans le but d’insuffler le message que tout le monde doit être traité de la même façon dans un tribunal.
L’harmonie des religions
En 1986, le photographe a mis en avant un jeune musulman et un jeune juif. Deux amis, au-delà des religions, qui tiennent à deux mains un globe terrestre. Le même monde. Un cliché qui résonne encore aujourd’hui comme une célébration de l’amitié et du vivre-ensemble, peu importe les confessions de chacun.
Une des grandes campagnes d’Oliviero Toscani n’est autre que « Prêtre et Nonne », pour l’automne-hiver 1991. On y aperçoit deux religieux s’embrasser délicatement, ce qui n’a pas manqué d’outrer l’Eglise et la communauté catholique mais qui a aussi eu pour effet d’apporter une immense visibilité à Benetton. Comme le disent certains communicants : en positif ou en négatif, l’important est qu’on parle de la marque.
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Une autre image du VIH
En 1993, Oliviero Toscani s’attaque au VIH qui détruit à l’époque de nombreuses vies. Montrant un fessier frappé du tampon « HIV Positive », la photographie du même nom fait scandale. Elle sera même au cœur d’un procès après la plainte de personnes séropositives, assignant Benetton pour « atteinte à la dignité humaine ».
Comme « Prêtre et Nonne », la photographie « Sida, David Kirby » est emblématique de la communication de Benetton, toujours sur le sujet du sida. Photographiée par Therese Frare et reprise par la marque, l’image montre les derniers instants de David Kirby, atteint de la maladie et sur son lit de mort, entouré de sa famille en 1990. Une photo plus qu’émouvante.
Le message et non le produit
En 1991, l’artiste a encore une fois photographié un bébé dans la campagne « le Nouveau-né ». Avec un nourrisson tout juste né, encore attaché par le cordon ombilical et maintenu par un médecin, la photographie se veut brute et évince le produit pour ne valoriser que le message.
« Je déteste la photographie artistique […] La photo devient de l’art lorsqu’elle provoque une réaction en nous, que ce soit de l’intérêt, de la curiosité ou de l’attention » – Oliviero Toscani
Le photographie milanais quittera Benetton en 2001 et aura marqué, pendant 20 ans, l’image de la Maison de mode et plus largement l’histoire de la publicité. Ses photographies auront eu le mérite, comme il le souhaitait, de créer le débat et d’encourager la réflexion sur des thèmes sociétaux et sociaux. Jamais une marque n’aura autant mis en avant les maux de notre monde tout en célébrant l’amour et le vivre-ensemble.
Oliviero Toscani s’est éteint ce 13 janvier à l’âge de 82 ans.
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Photo à la Une : © Oliviero Toscani – Benetton