Oscars 2025 : Anora triomphe avec cinq statuettes

Palme d’or à Cannes, Anora truste la 97e cérémonie des Oscars. Ce conte de fée moderne, réalisé par Sean Baker, rafle pas moins de cinq trophées. The Brutalist apparaît comme l’autre vedette de la soirée avec son rôle titre récompensé du prix du meilleur acteur. Favori des Césars, Emilia Pérez du français Jacques Audiard pâtit de la polémique autour de son actrice-star. 

 

 

Ce dimanche 2 mars 2025, Sean Baker est entré dans l’histoire des Oscars. Son film indépendant Anora, histoire d’une strip teaseuse sauvée du milieu par le fils d’un oligarque russe, décroche cinq titres dont le titre suprême

 

Si la sensation du moment, The Brutalist, se présente comme l’autre grand gagnant de la soirée, Emilia Pérez de Jacques Audiard déçoit, confirmant la malédiction qui semble s’acharner sur les productions françaises, le dernier titre du meilleur film ayant été obtenu par un français en 1993 par Régis Wargnier pour Indochine

 

Malgré quelques allusions à la guerre en Ukraine – notamment au travers du speech d’Adrien Brody, sacré meilleur acteur – cette 97e cérémonie des Oscars aura également marqué les esprits par sa faible politisation, une grande première si l’on repense aux éditions précédentes. Au point, comme l’a souligné France Télévision, que l’image du président Donald Trump n’a été directement écornée à aucun moment de la soirée. 

 

Sacré à Cannes… et Los Angeles

 

Serait-ce la robe rose à nœud et bustier noir de 1956 signée Dior, arborée par son actrice fétiche ou bien le sujet de l’élévation sociale et du transfuge de classe, au cœur du mythe américain ? 

 

Palme d’or de la 77e édition du Festival de Cannes, le long métrage Anora a de nouveau fait parler de lui. 

 

Fait rare pour être souligné, le film de Sean Baker, à l’image du film coréen Parasites en 2019, a été sacré des deux côtés de l’Atlantique. 

 

Cette tragi-comédie mêlant le mythe de Pygmalion, mafia et oligarques russes a décroché cinq statuettes. Outre le graal du meilleur film,  le long métrage remporte les trophées de meilleure actrice, meilleur réalisateur, meilleur montage et meilleur scénario original. 

 

Le présentateur Conan O’Brien, s’est d’ailleurs fendu d’un des rares pics politiques de la soirée : “La soirée est très bonne pour Anora. C’est une super nouvelle ! Deux victoires déjà. J’imagine que les Américains sont contents que quelqu’un s’oppose enfin à un Russe très puissant.”

 

Étant tout à la fois réalisateur, scénariste et monteur de son propre film, Sean Baker devient avec quatre nominations, la première personne récompensée dans quatre catégories pour un même film, selon le magazine Variety. 

 

Du haut de ses 25 ans, Mikey Madison remporte quant à elle le prix de la meilleure actrice, rendant du même coup dans son discours, un hommage appuyé aux travailleuses du sexe. 

 

Adrian Brody, impérial

 

Film encensé par la critique, The Brutalist, de Brady Corbet, n’est pas reparti de la cérémonie les mains vides. 

 

S’attachant à déconstruire le rêve américain, le film narre le difficile parcours de reconstruction et d’intégration d’un architecte hongrois, survivant des camps de la mort, parti refaire sa vie de l’autre côté de l’atlantique au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. 

 

Le film remporte les titres de meilleure musique de film et de meilleure photographie

 

Mais c’est le titre de meilleur acteur dévolu à Adrian Brody, vingt-deux ans après avoir été sacré pour le Pianiste de Roman Polanski, autre film avec pour toile de fond la Shoah, que l’on retiendra. 

 

L’acteur américain est apparu en costume sur mesure Giorgio Armani avec un smoking bleu nuit à revers crantés d’un seul bouton, gansé de satin complété par une chemise blanche et un nœud papillon. 

 

A 51 ans et pour sa deuxième nomination aux Oscars, Adrien Brody remporte la statuette du meilleur acteur face à Timothée Chalamet (Un parfait inconnu), Ralph Fiennes (Conclave), Colman Domingo (Sing Sing) et le Donald Trump plus vrai que nature campé par Sebastian Stan (The Apprentice). 

 

Coutumier du fait, l’acteur n’a pas manqué de dépasser la durée dévolue aux lauréats par l’Académie des arts et des sciences du cinéma pour son speech et de faire de la politique à sa façon. 

 

“Je suis ici une nouvelle fois pour représenter les traumatismes persistants, les répercussions de la guerre, de l’oppression systématique, de l’antisémitisme et du racisme.”

 

Dans une allusion qui fait écho autant à la politique de Donald Trump – sans pour autant le citer – qu’à la guerre en Ukraine, il a dit prier “pour un monde plus sain, plus heureux et plus inclusif”. Et d’ajouter “Et si le passé peut nous apprendre quelque chose, c’est de nous rappeler de ne pas laisser la haine s’exprimer sans entraves.

 

Une mise en garde, qui n’est pas sans rappeler la sortie de Cillian Murphy lors de la précédente cérémonie des oscars pour le film Oppenheimer, biopic sombre sur le concepteur de la bombe atomique. 

 

L’acteur irlandais, lauréat du titre de meilleur acteur en 2024 avait conclu son speech par Nous avons fait un film sur l’homme qui a créé la bombe atomique, et pour le meilleur ou pour le pire, nous vivons tous dans le monde d’Oppenheimer. Je voudrais donc dédier ce prix aux artisans de la paix partout dans le monde”. 

 

Des prises de paroles qui font écho avec la sortie en salle depuis le 19 février du film La Fabrique du Mensonge de Joachim Lang. Une œuvre aussi fascinante que terrifiante sur la mise en place de propagande nazie par Joseph Goebbels et Adolf Hitler. Une période d’une grande violence qui appelle à être vigilant après le récent salut, rappelant fortement celui de cette époque d’Elon Musk et l’incartade brutale entre Donald Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, vendredi dernier. 

 

Déception française

 

Côté français, Emilia Pérez de Jacques Audiard avait tout pour briller lors de cette soirée et signer le premier carton de Saint Laurent Production : 13 nominations aux oscars (un record pour un film non anglo-saxon), une critique dithyrambique tant par la presse que par la profession, dont quatre prix aux derniers Golden Globes et un sujet d’actualité. 

 

Sans compter, une Zoé Saldaña et une Selena Gomez, actrices stars du film, toutes en élégance et glamour très Old Hollywood avec respectivement une robe pourpre Saint Laurent rehaussée par des gants longs semi opaques et une robe scintillante à fond nude signée Ralph Lauren. 

 

Pourtant, les choses ne se sont pas passées comme prévues. Si ce film sur la transition de genre d’une narcotrafiquante mexicaine a réussi à décrocher deux statuettes (meilleure chanson originale avec El Mal et meilleure actrice dans un second rôle pour Zoé Saldaña), il a surtout été sabordé par la polémique dans laquelle il est empêtré depuis quelques mois. 

 

L’Académie semble ne pas avoir oublié les tweets trans phobiques de son actrice principale, Karla Sofia Gascon, au point de rater la catégorie qui lui allait comme un gant, celui de Meilleur film international. 

 

En lieu et place, c’est le film brésilien I’m Still Here (Je suis toujours là), de Walter Salles qui a donc décroché le précieux sésame. Le film s’intéresse à l’enquête d’une mère et de ses cinq enfants pour obtenir la vérité sur l’arrestation du père de famille sous la dictature militaire de 1971. 

 

Autre surprise amère tout aussi tricolore, The Substance, le film, réalisé par Coralie Fargeat et mettant en scène Demi Moore dans sa quête vaine d’éternelle jeunesse, doit se contenter des trophées de meilleurs  maquillages et coiffures. 

 

Les actrices du film ont toutefois brillé par leur allure avec une Demi Moore en robe à sequins argentée à sequins Armani Privé et son moi rajeuni dans le film, interprété par la britannique Margaret Qualley – remarquée pour son entrée très James Bond Girl – vêtue d’une robe Chanel noire, période Karl Lagerfeld, de 2005. 

 

Le canadien Denis Villeneuve s’en sort lui aussi avec les trophées techniques (meilleur effet visuel et meilleur mixage son) pour sa saga de science-fiction Dune : Deuxième Partie

 

David contre Goliath

 

Faiblement politisée, la cérémonie des Oscars a cependant donné la primeur au “cinéma indépendant”. 

 

Autrement dit, l’Académie a choisi de saluer des productions à faible budget et non produites par les grands studios hollywoodiens tout comme les plateformes de streaming. 

 

Anora a ainsi été réalisé selon son réalisateur Sean Baker avec un budget contraint, 6 millions de dollars, le reste ayant “été réalisé grâce au sang, à la sueur et aux larmes d’artistes indépendants incroyables”. 

 

Autre singularité de cette édition, le film franco-belge letton Flow, le chat qui n’avait plus peur de l’eau, de Gints Zilbalodis, a remporté le prix du film d’animation, face notamment à Vice Versa 2 de Disney. Cette œuvre contant les aventures d’un  chat survivant à l’extinction de l’espèce humaine, dotée d’un budget très réduit de 3,5 millions d’euros, a dépassé les 20 millions d’euros dans le monde. 

 

Les précédentes éditions des Oscars sacrant des superproductions comme le Retour du Roi de Peter Jackson, ultime volet de la saga du Seigneur des Anneaux (11 oscars sur onze nominations en 2004) ; Mad Max Furiosa (6 statuettes en 2015) ou plus récemment Oppenheimer et Barbie (respectivement 7 et 6 oscars en 2024), semblent désormais révolues. 

 

Ainsi, si Wicked, adaptation de la comédie musicale à succès de Broadway centrée sur certains personnages du Magicien d’Oz et Dune : Deuxième Partie ont sauvé la face avec quelques trophées, il s’agissait essentiellement de prix mineurs. Voulue comme le succès capable de détrôner le record Barbenheimer (contraction de Barbie et d’Oppenheimer), le film mettant en vedette pour la première fois devant la caméra la chanteuse pop Ariana Grande, a ainsi dû se contenter des meilleurs décors et des meilleures créations de costumes. Doté d’un budget de 145 millions de dollars, Wicked a rapporté près de 471 millions de dollars sur le marché américain et 251 millions à l’international, faisant de lui le 26ème film le plus lucratif de l’histoire, échouant à 6 millions de dollars près derrière La Reine des Neiges de Disney. 

 

En regardant du côté des nominations, on constate que Gladiator II de Ridley Scott, Maria de Pablo Larraín ou encore Nosferatu de Robert Eggers ont été totalement ignorés. Et que dire de l’absence aux nominations du phénomène Challengers, à l’origine de la déferlante mode tenniscore l’année dernière, mettant en lumière l’actrice Zendaya. 

 

Pour le quotidien Parisien, cela ne fait aucun doute : avec 14 statuettes, jamais le cinéma indépendant n’avait été autant récompensé dans l’histoire des oscars. 

 

Un tournant qui pourrait s’expliquer par la quête d’authenticité et d’originalité qui anime plus que jamais l’époque, loin des histoires formatées, des suites à n’en plus finir et des surenchères d’effets spéciaux. 

 

A moins que ce ne soit le fiasco de certains “succès très attendus”, comme “Joker Folie à Deux” (2024), qui a calmé les ardeurs des studios envers les blockbusters. Fort du succès du précédent volet, le réalisateur Todd Phillips s’était vu accorder un budget de 200 millions de dollars, hors frais marketing… pour n’engranger que 121 millions de dollars de recettes à l’échelle internationale

 

Palmarès complet de la 97e cérémonie des Oscars

 

Meilleur film : Anora de Sean Baker

 

Meilleur réalisateur : Sean Baker (Anora)

 

Meilleure actrice : Mikey Madison (Anora)

 

Meilleur acteur : Adrien Brody (The Brutalist)

 

Meilleure actrice dans un second rôle : Zoe Saldaña (Emilia Pérez)

 

Meilleur acteur dans un second rôle : Kieran Culkin (A Real Pain)

 

Meilleur scénario adapté : Conclave écrit par Peter Straughan

 

Meilleur scénario original : Anora, écrit par Sean Baker 

 

Meilleur film animation : Flow de Gints Zilbalodis

 

Meilleur documentaire : No Other Land de Basel Adra, Yuval Abraham, Rachel Szor et Hamdan Ballal

 

Meilleur Montage : Anora, monté par Sean Baker 

 

Meilleur film international : I’m Still Here (Je suis toujours là) de Walter Salles (Brésil)

 

Meilleure musique de film : The Brutalist composée par Daniel Blumberg

 

Meilleure chanson originale : El Mal écrite par Karla Sofia Gascón et Camille dans Emilia Pérez

 

Meilleur montage : Anora – écrit par Sean Baker 

 

Meilleur son : Dune : Deuxième Partie  – Gareth John, Richard King, Ron Bartlett et Doug Hemphill

 

Meilleure photographie : The Brutalist – Lol Cawley

 

Meilleurs effets visuels : Dune : Deuxième Partie 

 

Meilleurs décors : Wicked – Nathan Crowley et Lee Sandales

 

Meilleurs costumes : Wicked – Paul Tazewell

 

Meilleurs maquillages et coiffures : The Substance – Pierre-Olivier Persin, Stéphanie Guillon et Marilyne Scarselli

 

Meilleur court métrage d’animation : In the shadow of the Cypress de Shirin Sohani et Hossein Molayemi

 

Meilleur court-métrage de fiction : I’m Not a Robot de Victoria Warmerdam et Trent

 

Meilleur documentaire : No Other Land

 

Meilleur court métrage documentaire : The Only Girl in the Orchestra de Molly O’Brien et Lisa Remington

 

Lire aussi > Golden Globes 2025 : Emilia Perez quatre fois récompensé

 

Photo à la Une : Anora © Augusta Quirk/Anora Productions/Le Pacte

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