A l’été 1924, Paris devient une nouvelle fois ville olympique. Hormis le palmarès qui place la France en troisième position en nombre de médailles derrière les Etats-Unis et la Finlande, cette édition tient lieu de modèle pour la tenue des jeux de Paris 2024. Cette année-là les Jeux Olympiques obtiennent notamment leur devise actuelle tandis que la Ville Lumière s’offre une superbe vitrine à l’international.
Cette VIIIe Olympiade qui courre alors sur 84 jours avec sa session estivale du 4 mai au 27 juillet 1924, a déjà bien plus fière allure que le dernier événement tenu au sein de la ville Lumière, six Olympiades plus tôt.
Au cours de cette édition de Paris 2024, les Etats-Unis règnent en maître avec une moisson de 99 médailles olympiques dont 45 en or, creusant l’écart avec la Finlande (38 médailles) elle-même talonnée par la France (37 médailles).
Les nations fondatrices des Jeux, encore traumatisées par l’hécatombe de la Première Guerre mondiale, refusent de convier l’Allemagne vaincue.
Un bras de fer victorieux
Après le fiasco organisationnel des jeux de Paris en 1900 – noyé dans la programmation de l’exposition universelle – France finit par décrocher pour la seconde fois de son histoire, le précieux statut de pays organisateur.
Un choix tout sauf évident, alors que Amsterdam et Barcelone avaient la préférence du Comité olympique face à Paris.
D’autant plus que la France venait d’organiser la même année les premiers jeux olympiques d’hiver. Ces derniers officiellement baptisés « Semaine des sports d’hiver de la VIIIe Olympiade » se déroulent dans la ville d’hôte de Chamonix du 25 janvier au 5 février.
Il faut dire que pour rien arranger, Paris ne dispose pas d’infrastructure digne d’accueillir un tel événement sportif international. En retard sur ses congénères européennes, la Ville Lumière obtient par l’apport de 4 millions de francs (une somme moindre qu’initialement prévue) de la part du Racing Club, la construction du Stade Olympique Yves-du-Manoir à Colombes. L’ouvrage confié à l’architecte Louis-Faure Dujarric doit remplacer les simples gradins en bois présents sur ce site.
Un modèle de diversité
Pour cette VIIIe Olympiade, 17 sports figurent au programme olympique pour 126 épreuves, au cours desquelles se sont affrontés 3089 athlètes, dont 135 femmes (soit 4,37% des athlètes).
De fait, contrairement aux Jeux de 1904, toutes les minorités, populations coloniales ou groupes spécifiques peuvent concourir. Ainsi, malgré la ségrégation en vigueur aux Etats-Unis, l’athlète africain-américain William DeHart Hubbard décrochera l’or olympique dans l’épreuve de saut en longueur. Même si avec 7 m 46 il rate de peu le record olympique (7 mètres 76 par l’américain Robert LeGendre) Il sera ainsi le premier médaillé d’or afro-américain, dans une épreuve individuelle, tous sports confondus.
Dotée d’une aura internationale sans précédent, 44 nations (contre 29 lors de la précédente édition) font le choix de participer aux Jeux Olympiques de Paris et d’y envoyer leurs meilleurs athlètes. Cinq pays participent aux jeux pour la première fois : l’Equateur, l’Irlande, la Lituanie, les Philippines et l’Uruguay.
Le direct récemment permis par la radio attire près de 1000 journalistes.
Si la Russie refuse de prendre part à ce qu’elle perçoit comme la manifestation d’un “capitalisme bourgeois”, l’Allemagne, elle n’est tout simplement pas invitée, les stigmates de la Grande Guerre étant encore vivaces. La patrie de Goethe reste ainsi la seule des nations momentanément bannies des Jeux comme c’était le cas à Anvers en 1920 aux côtés de l’Autriche, la Hongrie, la Turquie et la Bulgarie.
Par son organisation, les Jeux de Paris 1924 préfigurent le Grand Paris avec la tenue d’épreuves dans toute la région parisienne. Ainsi, le village olympique et son stade Yves-du-Manoir attenant est édifié à Colombes (Haut-de-Seine), il sera le théâtre de la cérémonie d’ouverture le 5 juillet 1924 mais aussi des épreuves d’athlétisme, de rugby et de football. Pour Paris 2024, le stade accueillera de nouveau des épreuves olympiques, à savoir le hockey sur gazon
L’aviron a lieu à Argenteuil, le cyclisme et le marathon à Meudon, le stand de chasse à Versailles et à Issy-Les-Moulineaux tandis que les terrains de polo se partagent entre Bagatelle et Saint-Cloud.
Nouveaux rituels
Les Jeux de Paris 1924 dotent officiellement les Jeux Olympiques de leur devise actuelle à savoir “Citius, Altius, Fortius” (plus vite, plus haut, plus fort), mise en avant par Pierre de Coubertin, qui l’a empruntée à l’abbé Henri Didon.
Le format actuel de la cérémonie de clôture voit également le jour avec le déploiement des trois drapeaux olympiques : celui du Comité International Olympique, celui du pays hôte ainsi que celui du prochain pays accueillant les jeux.
Mais surtout, les Jeux de Paris voient la création du tout premier village olympique, construit à proximité du Stade de Colombes. Il se composait alors d’une soixantaine de baraquements en bois, chacun équipé de trois lits. Trois repas étaient prévus pour les athlètes qui se partageaient lavabos, douches et salles à manger. Ce premier village olympique offrait en prime de nombreux services aux athlètes comme un bureau de change, un service de blanchissage, un salon de coiffure, un kiosque à journaux ou encore un bureau de poste.
Ces constructions devant permettre un accès direct aux terrains sportifs n’avaient pas vocation, contrairement aux Jeux de Paris 2024, à être une installation permanente.
Exclusivement réservé aux hommes, il faudra attendre les jeux de Melbourne de 1956 pour que les villages olympiques accueillent enfin les femmes.
Le muscle et l’esprit
Fait méconnu, les Jeux de Paris n’avaient pas pour but de célébrer exclusivement le sport.
Dans la plus pure tradition antique et selon les vœux du baron Pierre de Coubertin, président du comité olympique de l’époque et fondateur des jeux olympiques modernes, les jeux comprenaient des épreuves artistiques.
Ces jeux olympiques des arts ou Pentathlon des muses voient le jour aux Jeux de Stockholm de 1912. Il a l’idée de concevoir cinq épreuves autour de l’architecture, la littérature, la musique, la peinture et la sculpture.
Vivement critiqué voire boudé par des délégations majeures comme les Etats-Unis et l’Océanie, ce format disparaîtra du programme olympique à l’issue des Jeux d’après-guerre de Londres en 1948.
L’Amérique reine du bassin
Si les Etats-Unis dominent le classement de cette VIIIe Olympiade, c’est notamment grâce aux exploits de son playboy de nageur Johnny Weissmuller et futur Tarzan des écrans de cinéma.
Cet apatride né en Hongrie et vivant aux Etats-Unis est aussi le premier nageur à passer sous la barre de la minute pour le 100 mètres nage libre en piscine olympique avec un temps de 58 secondes 6 dixième en 1922.
Mais c’est en juillet 1924 que Johnny Weissmuller entre dans la légende, à la piscine des Tourelles où se déroule l’épreuve reine du 400 mètres nage libre. Il impose sa puissance face à l’Australien Boy Charlton et au Suédois Arne Borg. Dans le rapport officiel, le dirigeant Émile-Georges Drigny relate “Une bataille nautique comme il est rare d’en voir et comme on n’en verra peut-être plus”. L’américain l’emporte dans les derniers mètres, pulvérisant en 5 minutes et 4 secondes le record olympique de l’épreuve, record qui tiendra jusqu’en 1972.
Avec son crawl parfait, il surpasse également ses concurrents au 100 mètres. Le nageur renouvelle même l’exploit lors de la finale en équipe du 4×200 mètres nage libre avec à la clé un nouveau record du monde.
Le triomphe du “Finlandais Volant”
Championne incontestée des terrains d’athlétisme d’alors, la Finlande crée l’événement avec la figure mythique de Paavo Nurmi, “l’homme au chronomètre”.
Le finlandais décroche l’or dans pas moins de cinq disciplines reines de la course : en individuel sur 1500 m, 5000 m et 10 000 m mais aussi en équipe sur 3 000 mètres. Champion incontesté du cross-country, il remporte l’individuel ainsi que le par équipe.
De ces épreuves, la course de 5 000 mètres, l’opposant à Ville Ritola restera dans les mémoires, le finlandais remportant l’épreuve en 14 min 31,2 s contre 14 min 31,4 s.
Particulièrement éprouvant l’épreuve de cross-country se déroule dans la plaine de Colombes par 45°C à l’ombre. Un calvaire au point que sur les 38 participants, 23 abandonnent. Nurmi survole cet enfer.
Ces performances lui vaudront le surnom de “Finlandais Volant” par la presse. Ce surnom sera attribué à d’autres coureurs finlandais des Jeux Olympiques de l’entre-deux-guerres tels que Ville Ritola, Hannes Kolehmainen et Volmari Iso-Hollo.
Il faudra attendre 2004 pour qu’un autre champion – le marocain Hicham El Guerrouj – décroche l’or dans quatre disciplines lors d’une même édition grâce au doublé 1500-5000 mètres.
Toujours dans l’univers de la course, les Britanniques Harold Abrahams et Eric Liddell sont sacrés champions respectivement au 100 mètres et au 400 mètres. Le film Les Chariots de feu de Hugh Hudson retrace leurs étonnants parcours.
La fine lame Roger Ducret
Si la France décroche 37 médailles dont 13 en or, un seul nom évoque l’exploit tricolore : Roger Ducret.
Âgé de 36 ans, l’escrimeur parvient à décrocher une médaille dans chacune des épreuves auxquelles il participe (soit 5 sur 6).
Il remporte ainsi aux Jeux de Paris trois médailles d’or (fleuret individuel, fleuret par équipe, épée par équipe) ainsi que deux médailles d’argent (épée individuelle et sabre).
Seul Nedo Nadi a été capable de surpasser cet exploit aux Jeux d’Anvers de 1920. Ce dernier avait remporté l’or dans l’ensemble des catégories où il concourait, à savoir fleuret individuel, sabre individuel, fleuret par équipe, épée par équipe et sabre par équipe.
Fine lame, Roger Ducret n’en est pas moins une fine plume. Le temps des Jeux, il écrit ainsi pour trois journaux: L’Echo des sports, l’Intransigeant et la Petite Gironde. Après sa carrière sportive, l’homme devient d’ailleurs journaliste sportif au Figaro et à l’Echo des Sports.
L’escrimeur Roger Ducret n’est pas le seul athlète tricolore à briller à ces Jeux de Paris. “Les Mousquetaires” du tennis français Henri Cochet, Jean Borotra, René Lacoste et Jacques Brugnon se partagent l’argent et le bronze en simple et en double messieurs.
Enfin, la France décroche sa première et unique médaille d’or de Water-polo.
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Photo à la Une : Affiche officielle des Jeux de Paris 1924, détails © Mairie de Paris