Petite histoire de… la Patrouille de France, chevaliers du ciel du 14 juillet

Maîtres du ciel et de la voltige aérienne, ambassadeurs de l’aviation française par delà les frontières, la Patrouille de France constitue toujours l’un des moments forts du traditionnel défilé militaire du 14 juillet sur l’avenue des Champs-Elysées. Mais quelle est donc l’histoire de cette formation serrée qui, à chacun de ses passages, drape le ciel de fumées tricolores ? 

 

Ils sont neuf et pas un de plus. 

 

Neuf pilotes émérites qui, en fendant les airs, montrent tout le savoir-faire de leur escadre en matière de voltige, tout en rendant hommage à l’excellence aéronautique des professionnels de l’armée de l’Air et de l’Espace, reproduisant des figures et des scénarios observés sur des théâtres d’opération. 

 

Car oui, l’histoire de la Patrouille de France doit autant à quelques hommes d’aventure aux prémices de l’aviation moderne, qu’aux exploits des as de la première guerre mondiale. Au même titre que les Red Arrows de la Royal Air Force britannique ou les Blue Angels de l’aéronaval américain… Ils forment l’élite de l’aviation française. Pour y prétendre, encore faut-il justifier d’un haut niveau de pilotage sur avion à réaction. 

 

Adolphe Pégoud, pionnier de la voltige

 

En septembre 1913, Adolphe Pégoud, fils de cultivateurs et originaire de Montferrat (Isère) réalise à Buc (Yvelines) le premier looping de l’histoire de l’aviation à bord de son Blériot XI. 

 

Stupéfait par le nombre important de morts chez les pilotes, il a l’idée de tester en direct le premier parachute, en sacrifiant son propre appareil. Lors de cet essai, il s’aperçoit que l’appareil continue de réaliser des arabesques dans le ciel malgré l’abandon du poste de pilotage. 

 

A la demande de Louis Blériot, il devient le premier à voler sur le dos ou “tête en bas” le 1er septembre 1913 et quinze jours plus tard, parvient à réaliser un looping aérien complet. En parvenant à “boucler la boucle”, il devient célèbre dans toute l’Europe et multiplie les démonstrations jusqu’en Russie. Ainsi, le 12 octobre il anime la première démonstration aérienne, devant une foule de 200 000 personnes. La tournée débute ainsi par Vienne, Berlin, Hanovre, Gand et Bruxelles. 

 

En 1914 alors que la guerre éclate, Adolphe Pégoud refuse un important contrat avec les Etats-Unis où il devait former les futurs pilotes afin d’intégrer la nouvelle armée de l’air française, créée le 29 mars 1912. Il devient alors, à 26 ans, le premier As de la Grande Guerre. Mais après 6 victoires au compteur, le sous-lieutenant Pégoud est malheureusement abattu par un pilote allemand en août 1915. 

 

Si l’homme est mort pour la patrie, ses exploits inspirent de nombreux pilotes qui une fois la paix revenue reprennent les démonstrations, dont Albert Fronval, Marcel Doret et Michel Detroyat. 

 

Une démonstration en patrouille

 

La première patrouille recensée est celle d’Etampes-Mondésir. Comprenant trois appareils Morane Saulnier MS-230, elle est créée en 1931 par un groupe de moniteurs de l’Ecole de Perfectionnement au Pilotage, sous les ordres du capitaine Amouroux. 

 

La dextérité des pilotes de la patrouille leur vaut de se produire à divers meetings aériens nationaux mais aussi internationaux. En 1935, elle se développe et dispose désormais de cinq appareils. Deux ans plus tard, elle rejoint la base de Salon-de-Provence sous la dénomination de “Patrouille de l’Ecole de l’Air”. La seconde guerre mondiale interrompt ses différentes activités. 

 

Au lendemain de la guerre, en 1947, l’EPAA, ou Escadrille de Présentation de l’Armée de l’Air N°58 est créée par le Ministère de l’Air. Elle est alors sous le commandement du capitaine Perrier, ancien pilote de la Patrouille d’Etampes et équipée de douze Stampe SV-4. Devant le succès rencontré, l’Armée de l’Air va jusqu’à créer plusieurs patrouilles. 

 

Un baptême dans les airs

 

La troisième escadre du Commandant Delachenal, basée à Reims, obtient son nom de “Patrouille de France” lors d’un meeting le 17 mai 1953 sur le terrain de Maison-Blanche en Algérie. C’est le commentateur du spectacle aérien, à la fois pilote et journaliste, Jacques Noetinger qui le trouve. Le 14 septembre de la même année, l’État-Major officialise son nom. 

 

Pendant dix ans, la patrouille change d’escadre à quatre reprises. 1956 marque les premiers meetings à l’étranger. Un an plus tard, le premier pod fumigène est installé. Les pilotes s’entraînent dans un premier temps à des lâchers de fumigènes rouges, puis tricolores en 1958

 

En 1959, la deuxième escadre de Dijon reçoit la charge exclusive de l’entraînement de la patrouille. Celle-ci accompagne le général De Gaulle lors d’une importante visite d’Etat au mois de décembre de la même année, dans les territoires de l’ex-Afrique Occidentale Française, à savoir, le Sénégal, le Mali et le Niger. 

 

Alors que la Patrouille de France subit de plein fouet des restrictions budgétaires, le ministère des Armées parvient à sauver la formation, en conservant la Patrouille de l’Ecole de l’Air en 1964. La décision est officialisée par le premier ministre Pierre Messmer. Durant seize ans, ce sont les onze CM 170 “Fouga Magister” de Salon-de-Provence qui incarnent alors toute l’excellence aéronautique. 

 

Il faut attendre 1981 pour que l’Alpha Jet devienne le fidèle destrier de la Patrouille de France avec sept appareils puis huit un an plus tard. Cet avion d’entrainement avancé facilite les sorties du territoire grâce à sa plus grande autonomie de vol. Hors des frontières du pays, la Patrouille de France s’est notamment illustrée en 1975 par le survol du palais royal de Marrakech à la demande du roi du Maroc Hassan II ou encore de New York en 1986Plus proche de nous, en 2020, pour le centenaire du Grand Liban, la patrouille en survolant Beyrouth largue un fumigène de couleur verte, symbole d’espoir. 

 

En 2022, Emmanuel Macron devient le premier président de la république à voler à bord de la patrouille (Athos 5). 

 

Un modèle de cohésion

 

La Patrouille de France est composée de 9 pilotes et d’un personnel de 80 individus, allant des mécaniciens aux secrétaires en passant par les agents d’opérations, les photographes et les chargés de communication. 

 

Chaque année, trois nouveaux pilotes intègrent la patrouille. Le recrutement se fait sur cooptation des pilotes en place tandis que les candidats doivent justifier d’un titre de chef de patrouille et totaliser a minima de 1500 heures de vol sur des avions à réaction. 

 

Chaque pilote répond à l’indicateur Athos suivi d’un numéro, lequel renseigne sur leur rôle et leur grade respectifs. Le Leader (Athos 1) occupe son poste durant un an, il est le véritable chef d’orchestre de la patrouille. Il est entouré de deux Intérieurs (Athos 2 et Athos 3), tous deux en première année au sein de cette formation. Le leader est talonné par le Charognard (Athos 4), lequel deviendra leader l’année suivante. Les Solos (Athos 5 et Athos 6) sont chargés des croisements. Les Extérieurs (Athos 7 et 8) sont les plus éloignés du leader. Enfin, le Remplaçant (Athos 9) s’avère le plus expérimenté au sein de la patrouille, au point de pouvoir remplacer n’importe quel pilote. 

 

Le vol en patrouille serré nécessite un entraînement de haute volée. En effet, les pilotes sont confrontés à des vitesses de 300 à 800 km/h à des distances de 2 à 3 mètres, sans compter que l’enchaînement des figures donne lieu à des accélérations de -3 à +7G (force de gravitation). 

 

La Patrouille de France s’entraîne ainsi tous les jours, à raison de deux à trois vols journaliers, durant la période hivernale. Il s’agit autant de perfectionner les techniques de pilotage que de travailler sur l’esprit de cohésion en pratiquant des sports collectifs. Comme le rappelle le commandant de la patrouille, Alexandre Richard, “l’indicatif Athos” est un clin d’œil aux trois mousquetaires d’Alexandre Dumas, traduisant l’idée que l’union fait la force.”

 

La saison des démonstrations (une quarantaine par an) débute généralement au mois de mai pour se clôturer à mi-octobre. A la tournée des territoires français, s’ajoutent également des démonstrations hors de l’espace aérien français avec cette année l’Espagne, l’Italie et la Roumanie. 

 

Malgré ces entraînements intenses et réguliers, les accidents d’aéronefs ne sont pas impossibles. Dernier en date, le 22 mars 2025, deux avions tricolores se sont percutés en plein vol lors d’une démonstration à Saint-Dizier (Haute Marne). Fort heureusement, les pilotes ont eu le temps de s’éjecter de leur appareil. Au lendemain de cet épisode, la Patrouille de France a toutefois rappelé sur les réseaux sociaux qu’elle était “soudée, déterminée et plus unie que jamais.” “Inspirer, servir, se dépasser, ensemble” restent les quatre valeurs cardinale qui font la spécificité de la Patrouille de France. 

 

Relevant de l’Armée de l’Air et de l’Espace, soit la composante la plus féminisée des armées françaises (25% des effectifs), la Patrouille de France s’oriente lentement mais surement sur le chemin de la parité. En témoigne en novembre 2009, Virginie Guyot a été la première femme à diriger la patrouille. Pour le commandant actuel Alexandre Richard, si peu de femmes figurent parmi les pilotes de chasse, c’est d’abord parce que le métier ne leur est ouvert que depuis 1997. 

 

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Photo à la Une : Unsplash

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