Petite histoire du luxe: La montre Breguet de Thérésa Tallien

Jeudi 25 mars a eu lieu une vente aux enchères organisée par l’étude Beaussant Lefèvre, au cours de laquelle un garde-temps unique a été proposé: une montre Breguet “à tact” ayant appartenu à Thérésa Tallien. L’occasion de retracer l’histoire de celle que l’on surnomme la “reine du Directoire”.

 

Cette semaine, les montres ayant appartenu à des figures historiques féminines s’envolent aux enchères. Après la vente aux enchères de l’opérateur Osenat du 22 mars, sur le thème de “l’Empire”, où a été adjugée la montre de col appartenant à l’impératrice Marie-Louise, seconde épouse de Napoléon 1er, pour 15 000 euros, c’est un autre garde-temps très rare qui a été vendu le 25 mars.

 

En effet, c’est à Drouot, lors de la vente aux enchères de bijoux et d’orfèvrerie organisée par la maison Beaussant que la montre “de souscription à tact” de chez Breguet, appartenant autrefois à Thérésa Tallien, a été vendue. Fait d’or et d’émail bleu translucide, ce modèle a été conçu au 18e siècle par Abraham-Louis Breguet lui-même.

 

Celui que Talleyrand surnommait “le diable de Breguet”, devenu maître horloger en 1784, confectionnait alors des modèles de garde-temps pour les nobles de toute l’Europe. Ainsi Abraham-Louis Breguet réalisa des commandes pour Marie-Antoinette, Napoléon, le duc d’Orléans, ou et même pour la reine de Naples, Caroline Murat, à qui il offrit, en 1810, la première montre-bracelet de l’histoire.

 

 

La montre Breguet vendue aux enchères ce 25 mars 2021 appartenait à l’origine à Madame Tallien, fille d’un riche banquier espagnol et femme d’influence sous le Directoire. William Pitt, le premier ministre d’Angleterre sous George III, dira même que Thérésa Cabarrus était “capable de fermer les portes de l’enfer”. Le modèle est estimé entre 15 000 et 20 000€.

 

Les montres de gousset à tact d’Abraham-Louis Breguet furent commercialisées dès 1799, après avoir été perfectionnées par le maître horloger durant quatre ans. Le modèle, pensé pour pouvoir lire l’heure avec discrétion, répondait à un problème de l’époque, alors qu’il était mal venu de consulter l’heure en société, signe d’impolitesse et d’ennui envers l’hôte.

 

Pour lire l’heure sur la montre de gousset à tact, surnommée “montre pour aveugle”, il suffit de passer la main sur le verso de la boîte, où la position de l’aiguille des heures apparaissait sur le relief. Pour connaître les minutes, il suffit ensuite de passer ses doigts sur les saillies, qui étaient souvent incarnées par des diamants ou des perles. Ce concept innovant séduit même Jérôme Bonaparte et Joséphine de Beauharnais, pour qui Breguet confectionne une montre de gousset à tact en 1800.

 

 

Au début des années 1780, Thérésa Cabarrus arrive d’Espagne pour s’installer à Paris, alors âgée de 15 ans. Elle épousa le marquis Jean-Jacques Devin de Fontenay, qui était conseiller aux enquêtes du Parlement de Paris. Néanmoins, elle divorça en 1793, pour cause d’infidélité et de mensonge dans son couple et ouvrit un hôtel particulier dans le quartier du Marais. Paris était alors à l’aube d’une révolution, et Thérésa accueillait dans son établissement des révolutionnaires comme Mirabeau, Rivarol ou La Fayette. Elle adhère même au Club de 1789 et fréquente le club des Jacobins.

 

Alors que la Révolution Française éclate, Thérésa Cabarrus fut forcé de quitter Paris pour se réfugier à Bordeaux. Là-bas, elle porte secours à des proches, menacés par des arrestations sous le joug de la Terreur, et est de ce fait surnommée “Notre-Dame de Bon Secours” , après avoir fait éviter la guillotine à plus d’une centaine de citoyens. Toutefois, elle fut arrêtée sous couvert de la loi des suspects, mise en place par la Convention le 17 septembre 1793 et est emprisonnée au fort du Hâ. Le député révolutionnaire Jean-Lambert Tallien, est alors de passage à Bordeaux, ville qui est à ce moment-là sous le contrôle des jacobins. Thérésa Cabarrus échappe ainsi à la guillotine, et est libérée le 26 juillet 1794.

 

Cinq mois plus tard, elle épousera Jean-Lambert Tallien, avec qui elle eut quatre enfants. Le couple s’installe près des Champs-Elysées, à La Chaumière. L’influence de Madame Tallien grandit davantage à cette période, mais elle divorce moins de huit ans plus tard, en 1802. Dans la haute société de l’époque, c’est elle qui imposera les normes, et lancera les tendances, comme ses perruques colorées et ses robes provocatrices. À son sujet, le musicien Auber écrit même que “quand elle entrait dans un salon, elle faisait le jour et la nuit. Le jour pour elle, la nuit pour les autres !”.

 

 

Elle aura plusieurs amants, et c’est l’un d’entre eux, Gabriel-Julien Ouvrard, qui lui commandera la fameuse montre Breguet. Rencontré au château de Grosbois à l’occasion d’une chasse, Gabriel-Julien Ouvrard fut très sensible aux charmes de la grande dame, et le 25 février 1801, il lui offre le modèle acquis pour la coquette somme de 4 000 francs et enregistrée sous le numéro 665 dans les archives. La montre à tact de Breguet fut vendue en 1817, sous la Restauration, avant de réapparaître aux enchères organisées par l’étude Beaussant Lefèvre, le jeudi 25 mars 2021.

 

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Photo à la Une : © Presse

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