Pour célébrer le 80ème anniversaire de celle que l’on surnomme “l’enfant terrible de la mode”, retour sur le parcours tumultueux de l’iconique Vivienne Westwood.
La très célèbre styliste Vivienne Westwood a fêté ses 80 ans le jeudi 8 avril, l’occasion idéale de retracer le parcours de celle qui a été un précurseur de la mode punk dans les années 70. Lauréate de plusieurs prix, elle s’est récemment vu décerner le prix de Dame Commandeur de l’Ordre de l’Empire Britannique. Passionnée, engagée, et rock’n’roll, Madame Westwood peut se vanter d’avoir, durant ses cinquante ans de carrière, révolutionné la mode de tout une époque.
La créatrice Vivienne Westwood est née en 1941 dans un petit village du comté de Cheshire (devenu Derbyshire), en Angleterre. Son père est alors un modeste cordonnier, et sa mère travaille dans une usine à coton. Aînée d’une famille de trois enfants, Vivienne Westwood grandit en apprenant la doctrine calviniste. Dans les années 50, sa famille déménage dans une ville de la banlieue nord-ouest de Londres, Harlow.
Très vite, la jeune Vivienne s’intéresse à la mode, et quitte le domicile familial à l’âge de 17 ans pour intégrer une école londonienne, la Harrow School Art (qui est aujourd’hui renommée Université de Westminster), où elle y étudie la mode. Pourtant, au terme de ses études, Vivienne Westwood se tourne d’abord vers l’enseignement et donne des cours à des classes d’école primaire jusqu’en 1971.
C’est en 1962 que Vivienne Isabel Swire épouse Derek Westwood, avec qui elle entretenait une relation depuis trois ans. Ce dernier est alors à la tête d’une boîte de nuit londonienne, et Vivienne est adepte de la night-life. Le couple s’installe ensemble l’année de leur mariage, et ont un fils, Benjamin Westwood. Leur union prend fin en 1966, alors qu’un personnage décisif fait irruption dans la vie de Vivienne.
En effet, un an plus tôt, Vivienne Westwood fait la connaissance de celui qui changera à jamais le cours de sa vie, Malcolm McLaren. Malcolm est alors étudiant en art plastiques, et vit en colocation avec son frère. Elle divorce de Derek Westwood, tout en conservant son nom, et a un fils avec Malcolm en 1967, qu’ils nomment Joseph.
Militant dans l’âme, Malcolm participe aux révoltes étudiantes de 1968, et il initie Vivienne au détournement, une stratégie situationniste qui consiste à se servir de l’esthétique, notamment dans le milieu de la mode, comme d’une arme de revendication politique. En 1971, Malcolm McLaren et Vivienne Westwood, accompagnés de l’ami de Malcolm, Patrick Casey, s’installent dans une boutique tamisée, située au 430 de l’avenue Kings Road, à Londres. La boutique prendra plusieurs noms, et s’appellera d’abord “Let It Rock”, se spécialisant dans la vente de vêtements vintage du style urbain des années 50s et de t-shirt graphiques aux messages anti-système.
Vivienne confectionne des pièces provocantes et cette période aura une grande influence sur le style de la créatrice. C’est le début de l’ère du punk, et la boutique commercialise alors des pantalons de cuir aux inspirations sadomasochistes qui firent rougir de colère les britanniques conservateurs. Les collections proposées par le couple connurent toutefois un franc succès, et les stocks sont rapidement épuisés. La boutique suit alors les tendances et se renomme “Paradise Garage”, s’inspirant du style “bikers”, très populaire à l’époque grâce au mouvement initié par Elvis Presley, des “Teddy Boys”. Vivienne Westwood ajoute ainsi des clous, chaînes et paillettes, et elle confectionne des t-shirts arborant des slogans tels que “Rock and Roll” ou encore “Elvis”.
Au milieu des années 70, la boutique se renomme “Too Fast To Live, Too Young To Die” et s’inspire du style des années 40, attirant le public des milieux undergrounds londoniens. En 1974, la boutique devient “SEX”, et Vivienne s’intéresse au cuir et aux tenues affriolantes. Certaines pièces contenants des visuels pornographiques seront même interdites, jugées trop explicites. Le nom de Vivienne Westwood et ses créations commencent alors à se répandre dans toute l’Angleterre, et grâce à ses contacts dans l’industrie musicale, Malcolm McLaren lui présentera le groupe Sex Pistols, dont il est le manager, ainsi que les New York Dolls, que Vivienne habillera. Les groupes lui serviront de vitrine pour ses créations, mais ils seront également un prétexte pour la créatrice d’exposer ses convictions politiques, avec des slogans tels que “À bas le Coca-Cola”.
En 1977, Vivienne Westwood renomme à nouveau sa boutique du quartier de Chelsea, devenue “Seditionaries: Clothes for Heroes”, une manière d’affirmer encore plus son opposition face à l’ordre établi. Alors que le tube des Sex Pistols “God Save the Queen” connaît un succès mondial, Vivienne dessine son célèbre t-shirt arborant le visage de la reine d’Angleterre. En 1981, elle organise son premier défilé à Londres, qu’elle nomme “Pirates”. Le défilé sera salué par la critique, et Vivienne Westwood est propulsée sur le devant de la scène. La créatrice choisit, chaque saison, un thème particulier pour ses défilés. En 1982, elle lance la collection “Savage”, une ode à l’Ouest sauvage et à la culture des natifs américains. Mais, en 1983, le couple formé par Vivienne et Malcolm se sépare brutalement, et la styliste décide de renommer sa boutique “World’s end”, attristée devant le devenir du style punk, dont le public s’est emparé sans forcément partager sa vision.
Néanmoins, cela n’empêchera pas Vivienne Westwood de se renouveler toujours plus, et la même année, elle imagine une collection inspirée du roman de Philip K. Dick, Blade Runner, et dévoile sa ligne “Punkature”. Sa collection automne-hiver 1984-1985 se nommera Clint Eastwood, en référence au célèbre acteur d’Hollywood. La créatrice raffole alors des inspirations historiques, et fait plusieurs clin d’oeil à l’époque victorienne et romantique, comme avec sa collection printemps-été 1985, intitulée “Mini-Crini”, où la styliste revisite les tenues du 17ème siècle façon Westwood.
Dans les années 80, le style de Vivienne Westwood est chamboulé et la créatrice ferme la porte au mouvement punk pour se consacrer à ce que l’on appelle ses “années païennes”, où la styliste s’inspirera des habits de la haute bourgeoisie anglaise. Lors de la saison automne-hiver 1987-1988, la collection « Harris Tweed” influença toute une génération. Lors d’une interview pour le magazine The Independent en 2011, Vivienne explique d’où lui vient l’inspiration de cette fameuse collection. Une petite fille, aperçue dans un train, l’a en effet poussée à concevoir ses pièces: “Elle ne devait pas avoir plus de 14 ans. Elle avait un petit chignon tressé, une veste Harris Tweed, et un sac dans lequel il y avait ses chaussons de danse classique. Elle avait l’air calme et digne”.
Vivienne continue toutefois d’exprimer ses opinions politiques à travers son art, et alors qu’elle est choisie comme couverture du magazine “Tatler” en 1989, la créatrice imite Margaret Thatcher, qui est alors la première ministre de la Grande-Bretagne, vêtue d’un tailleur commandé par la Dame de Fer elle-même à la créatrice. La même année, elle est élue par John Fairchild de “WWD” parmi les six meilleurs stylistes du monde. Dans les années 90, à l’ère des supermodels comme Naomi Campbell ou Kate Moss, Vivienne Westwood adapte à nouveau son style, et, alors au sommet de sa carrière, la créatrice s’inspire du tailoring des costumes anglais et français du 19ème siècle. Elle se marie en 1993 avec un étudiant en design, Andreas Kronthaler, qui partage encore sa vie aujourd’hui.
Les années 90 furent des années très importantes dans la carrière artistique de Vivienne Westwood, et la créatrice imagine alors sa première collection masculine. Lors du défilé automne-hiver 1993-1994, elle habille Naomi Campbell, qui fera une chute mémorable du haut de ses talons de 12 cm. Pour sa collection automne-hiver 1994-1995, elle remet les corsets d’extérieur au goût du jour, surprenant la critique. Enfin, pour sa collection printemps-été 1995, intitulée “Erotic Zones”, elle présentera la super modèle Kate Moss, imitant Marie-Antoinette, dégustant une glace au chocolat, les seins nus.
Depuis les années 2000, Vivienne Westwood milite avec ferveur pour la défense de l’environnement, et s’engage avec l’ONG Greenpeace pour la campagne “Save the Arctic”. Elle imagine alors un t-shirt graphique, montrant la terre en forme de cœur, dont les bénéfices furent intégralement reversés à Greenpeace. “Le changement climatique est ma priorité, pas la mode”, dira t-elle au magazine The Guardian en 2014. L’année suivante, lors d’une manifestation contre l’extraction du gaz de schiste qui se tenait à Londres, Vivienne se présente devant les bureaux du Premier Ministre David Cameron, déguisée en char d’assaut.
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Ce qui est certain, c’est que Vivienne Westwood a su imposer sa vision de la mode, quelles que soient les époques et les tendances, tout en restant fidèle à ses convictions politiques et à son style particulier, qui lui vaudra d’être élue “British Designer of The Year” durant trois années consécutives. Précurseur du mouvement punk, à l’avant-garde du mouvement androgyne avec la collection automne-hiver 2015-2016, Unisex, Vivienne Westwood continue d’inspirer et de façonner la mode depuis plus de 50 ans.
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Photo à la Une : © Duncan Atkinson/News Licensing