Pour une mode toujours plus éthique : le combat décisif de la filière française du cuir

Le cuir, comme le textile ou les pierres précieuses, est sous le feu des projecteurs, soupçonné de tous les crimes : polluant, indifférent aux enjeux sociétaux, générateur de souffrance animale, entre autres. Or la filière française du cuir a entrepris depuis plusieurs années une réflexion sur l’impact écologique de son industrie au niveau de l’épuration de l’eau, de la protection de l’air ainsi que de la réduction et de la revalorisation des déchets. Elle va encore plus loin dans sa démarche, consciente que la sécurité et l’information du consommateur tout comme la bientraitance animale, sans oublier le bien-être et la formation des artisans du cuir, sont au cœur d’un modèle éthique du secteur.

 

Le cuir est l’un des composants majeurs d’objets du quotidien que le consommateur utilise sans même réfléchir : sac à main, sac de voyage, ceinture, chaussures, accessoires de mode accompagnent chacun dans sa vie quotidienne. L’attente forte des clients porte tout d’abord sur la traçabilité des peaux. Pour répondre à cette question, le Centre Technique du Cuir (CTC) a mis au point un système de traçage des peaux par laser : chacune est identifiée par un code si bien que, de l’abattage de l’animal jusqu’à la fabrication du produit fini, le fabricant sait d’où provient la peau.

 

 

La traçabilité permet également de lutter contre la contrefaçon. Selon une étude IFOP de 2018, 37% des consommateurs achètent des produits de luxe contrefaits. Or qui dit contrefaçon dit produits de mauvaise qualité, parfois traités avec des composants chimiques dangereux pour la santé. C’est pourquoi les pouvoirs publics et les marques prennent de sévères mesures pour lutter contre la contrefaçon.

 

Enfin, ce traçage garantit la qualité des soins donnés aux animaux et donc de leur peau aboutissant, au final, à un beau produit. Comme le dit Jean-Christophe Muller, directeur général des tanneries Haas, « la traçabilité recouvre deux enjeux : celui du consommateur qui souhaite avoir des informations sur la bientraitance animale en s’assurant que l’élevage et l’abattage ont été faits dans de bonnes conditions et celui des professionnels qui, en plus de ces informations, souhaitent l’amélioration de la qualité des peaux.»

 

Ces deux enjeux cruciaux amènent les maisons à s’intéresser de près aux élevages des animaux dont ils vont utiliser la peau. J.M. Weston, marque de chaussures limousine bien connue, choisit des vaches allemandes ou autrichiennes de race simmental ou allgaü. Selon Didier van Cauwelaërt dans son livre consacré à J.M. Weston, la qualité des chaussures est due à l’alimentation de qualité donnée aux animaux qui donne aux vaches une peau souple et durable.

 

 

L’industrie du cuir et les marques de luxe vont encore plus loin dans leur souci éthique, s’intéressant à la préservation d’espèces menacées de disparition. C’est le cas, par exemple, des crocodiles sous l’influence de l’IFCA (International Crocodilian Farmers Association) en association avec l’université de Pretoria en Afrique du Sud . Grâce à ce type d’actions auxquelles les grands groupes de luxe comme Hermès, LVMH ou Kering, adhèrent, les marques espèrent produire l’intégralité de leurs créations de manière éthique à l’horizon 2025.

 

L’innocuité du cuir doit aussi être garantie par le fournisseur et, à la fin de la chaîne, par la marque. D’où l’importance, par exemple, du tannage du cuir. Le consommateur peut donc se demander si le type de tannage employé joue dans l’innocuité ou la toxicité (même réduite) du produit fini, surtout les chaussures en contact direct avec la peau. Le tannage au chrome a, bien sûr, mauvaise réputation en raison de la possible transformation du chrome 3 en chrome 6 s’il est mal travaillé.

 

 

Or la législation européenne est très stricte sur ce procédé : la formule du chrome 3 employé dans le tannage du cuir n’est pas toxique à la différence du Chrome 6.

 

Toutefois, les meilleures tanneries de France, travaillant souvent avec des marques de luxe aux exigences élevées, se tournent de plus en plus vers le tannage végétal, procédé ancien que la technologie a permis d’améliorer et que pratique l’artisanat de luxe, comme la marque française Femer ou la marque britannique SKIIM.

 

Malheureusement, le tannage végétal ne peut répondre à tous les besoins de l’industrie car sa sensibilité au soleil limite les possibilités de coloration. Certains tanneurs lui préfèrent donc le tannage synthétique qui n’utilise pas de métaux lourds mais dont les polymères de synthèse sont issus de l’industrie pétrolière.

 

Protection et bien-être des animaux, procédés de tannage moins polluants, souci de la santé des consommateurs, tous ces points sont traités avec efficacité et talent par l’industrie du cuir française faisant de celle-ci l’une des plus éthiques dans le luxe.

 

 

RETROUVEZ CET ARTICLE DANS LE NUMERO AUTOMNE-HIVER 2020-21 DE LUXUS+ MAGAZINE.

 

 

 

Photos à la Une : © CNC

Evelyne Resnick, franco-américaine, a cofondé l'agence de communication Resmo. Elle est spécialisée dans les stratégies internationales pour les marques de luxe et de vin. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages en français et en anglais. Elle est également professeur de marketing international à l'ISG Bordeaux et dirige plusieurs programmes spéciaux pour les étudiants.

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