RENCONTRE – L’artiste Charles Belle dans un film fascinant : une expérience sensorielle de l’Art

Peintre de la nature, des grands formats, dessinateur infatigable, Charles Belle est un artiste qui fascine autant qu’il intrigue. Après avoir été exposé dans le monde entier et avoir réalisé une collaboration remarquée avec le Chef doublement étoilé Steven Naessens, l’artiste est actuellement à l’affiche au cinéma dans le film Par-delà les silences. LUXUS MAGAZINE l’a rencontré à cette occasion. Entretien.

 

 

Ces chemins de traverses qui relient toutes les formes d’art entre elles, Charles Belle les emprunte avec joie et générosité, nourrissant des aventures passionnantes avec des cinéastes, des poètes, des écrivains, des Chefs, des musiciens, des compositeurs, des circassiens. La démarche qui a conduit à la réalisation de Par-delà les silences est unique, démesurée, à la limite de l’envisageable… Le cinéaste François Royet a passé 16 années à filmer le moindre geste de Charles Belle, le moindre regard, la moindre respiration, dans son atelier et lors de ses créations dans la forêt. Ensemble, ils côtoient les territoires mystérieux de l’Art.

 

Et cela sans aucun didactisme, il n’y a presque aucun mot dans ce long-métrage très accessible même sans être un amateur d’art. Ce film ouvre les portes aux voyages intérieurs, à notre humanité profonde. Il s’agit d’une expérience à vivre, une exploration organique et sensorielle loin du chaos du monde. 

 

Par-delà les silences a été sélectionné par le Musée du Louvre pour être présenté en avant-première exclusive. Il est désormais au cinéma et rencontre un succès public inattendu. 

 

À Paris, le Cinéma Saint-André des Arts (6e) le garde à l’affiche depuis déjà 11 semaines face au public toujours plus nombreux.

 

 

LUXUS MAGAZINE : Vous avez été filmé pendant plus de 16 ans dans l’intimité de votre atelier. Comment avez-vous vécu cette expérience de voir votre processus créatif documenté sur une si longue période ?

Charles Belle : Ni le cinéaste, ni moi n’avions de programme. Je peignais, il filmait. Nous étions, chacun dans notre art, dans ce plaisir d’agir. Les choses se sont passées ainsi avec François Royet. Il n’y avait même pas de projet de film au départ. C’est une aventure totale, unique et nous partagions les mêmes réflexions. 

 

LM : Pouvez-vous nous parler de votre collaboration avec François Royet ? Comment s’est-elle construite au fil des années ?

Charles Belle : La question qui nous rassemble, François Royet et moi, est celle de l’origine de l’envie de créer. Nous nous retrouvons souvent autour de la beauté du banal, de la poésie du presque rien, de la splendeur d’une lumière et de l’esprit des choses. C’est une collaboration naturelle qui s’est organisée au fil des saisons et des projets. François Royet filmerait encore aujourd’hui à l’atelier si je n’avais pas mis un terme à cette séquence de 16 ans. Il a des centaines d’heures de rushes et il lui manque encore des images, des images, des images.

 

LM: La présence de François Royet et de sa caméra a-t-elle influencé votre manière de travailler ? Est-ce que le fait de savoir que vos gestes allaient être filmés a changé votre approche de certaines œuvres, ou au contraire, François Royet a-t-il fait en sorte de rendre son impact le plus faible possible ?

Charles Belle : Bien sûr, il y avait quelques contraintes car le cinéma, même avec une équipe d’une seule personne (!), implique une gestion matérielle conséquente. Mais je ne crois pas que sa présence ait pu influencer mon geste de peintre. Il a été le plus discret possible, il n’est jamais intervenu dans le déroulé des choses, il ne commentait jamais rien. Il essayait de capter l’instant. S’il passait à côté de quelque chose, il ne me demandait jamais de « refaire ». Donc, assez vite, nous avons trouvé chacun notre territoire.

 

 

LM : Votre œuvre s’inscrit dans une recherche de l’abstraction et de l’indicible. Comment décririez-vous ce qui vous pousse à créer, à aller au-delà de la simple représentation du sujet ?

Charles Belle : Les territoires de la peinture et ceux de la poésie se croisent parfois et c’est heureux. Je n’ai pas d’intention lorsque je travaille et en peinture, « le sujet n’est pas le sujet ». L’essence de la poésie est abstraite, celle de la peinture aussi. La poésie ne se limite pas aux mots ou à la ponctuation, elle se trouve entre les mots. La peinture, ce n’est pas la couleur ni le pinceau, elle nous apparait, on la perçoit. Et moi, je continue de travailler jusqu’à ce que je ressente un trouble particulier, des émotions, des sentiments et cela n’a rien à voir avec la fidélité aux apparences, ni avec la réalité concrète.

 

LM : Vous avez confié que certaines œuvres, comme celles réalisées en pleine nature, étaient destinées à rester cachées aux yeux du public. Comment expliquez-vous cette relation intime avec la nature dans votre création ?

Charles Belle : La contemplation simple est une disposition particulière qui me nourrit et j’en suis gourmand. Certains remercieront Dieu ou d’autres inventions, moi je me satisfais de ma présence au monde et je savoure. Les dessins auxquels vous faites allusion, « confiés à la forêt », sont restés près de 2 ans dans la forêt. À cette période, j’étais sûr qu’il s’agissait de mon ultime œuvre et je la destinais à la forêt, je ne voulais plus faire partie des humains. Et puis les turbulences sont passées… 

 

 

LM : Ce film, baptisé « Par-delà les silences » mélange documentaire et fiction, sans commentaires ni explications. Pensez-vous que cette approche muette permet de mieux comprendre l’essence de l’art et de la création ?

Charles Belle : Il n’y a pas de fiction dans ce film, tout est véritable. La tempête est une vraie tempête, la neige et les sentiments sont authentiques. Pourtant, ce n’est pas non plus un documentaire. C’est un film ! L’absence de discours est délibérée. C’est un film muet mais loin d’être silencieux. François Royet a fait un immense travail autour de la musique et des sons lors du montage. Il fait confiance aux images pour raconter les sentiments, les doutes, les errances et il nous permet ainsi de ressentir avec précision et efficacité la force et la fragilité de cet élan qui précède la création, l’art.

 

LM : Selon vous, en quoi ce film pourrait toucher un large public, même au-delà des amateurs d’art ? Qu’espérez-vous que les spectateurs en retiendront ?

Charles Belle : Les amateurs d’art ? Qui sont-ils ? Les visiteurs de mes expositions sont de toutes sortes. Le film semble lui aussi intéresser un public pluriel et ce n’est pas pour me déplaire. Les témoignages que je reçois sont souvent très élogieux et l’émotion que les gens expriment est palpable. Beaucoup nous parlent du trouble profond qu’ils ont vécu avec ce film. Parfois des gens qui n’ont rien à voir avec le domaine de l’art, ressortent en pleurant. Des enfants se mettent à vouloir faire des expériences de dessin dans la forêt… La vérité et la sincérité dans l’expression caractérisent le travail de François Royet et ce sera probablement imprimé dans la mémoire de chacun.

 

LM : Avec une carrière aussi riche, exposée dans de grandes foires d’art contemporain et institutions culturelles, comment voyez-vous l’évolution de votre art au fil du temps ?

Charles Belle : Ah… je ne vois pas d’évolution possible.

 

LM : En 2022 et 2023, une rétrospective majeure vous a été dédiée en France. Qu’avez-vous ressenti en voyant votre œuvre traverser ainsi le temps et les lieux ?

Charles Belle : Il y avait un peu plus de 150 œuvres exposées, c’était le premier événement de cette ampleur autour de mon travail dans les institutions publiques en France. Ces expositions mettaient en perspective des aspects pluriels de mon travail et permettaient d’en avoir une lecture plus complète. J’ai pu prendre conscience de la densité et de la profondeur de ce que j’ai accompli jusque-là. C’est sérieux l’art !

 

 

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Photo à la Une :  © Charles Belle

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