[vc_row][vc_column][vc_column_text]Fille et petite-fille de lapidaires, Isabelle Langlois est fascinée depuis l’enfance par la beauté de la nature. Elle a choisi de la sublimer tout au long de sa carrière en donnant naissance à des bijoux de caractère qui sont une ode à la vie. Créatrice joaillière, elle nous offre sa vision artistique et pose un regard sur l’univers de sa Maison (fondée en 1992) tout comme sur son attachement instinctif à la couleur, élément essentiel du bijou et de l’émotion qu’il nous procure.
Que signifie la joaillerie pour vous ?
C’est tout d’abord le lien avec mon grand-père et la culture familiale très forte dans laquelle j’ai grandi. Ensuite, c’est un univers d’expression formidable et un sujet à partager. Le bijou est le support de l’affectif, de l’esthétique et de la préciosité. Il se charge de positif quand il a été porté par quelqu’un et surtout lorsqu’on le reçoit de sa mère, de sa grand-mère ou de son histoire. En ce qui me concerne, la joaillerie, c’est avant tout l’affectif à tous les niveaux.
Comment choisissez-vous vos associations de couleurs et de matières pour créer des émotions ?
Tout mélange peut- il être porteur de sensations lorsque la bonne harmonie est trouvée ?
Tout est possible en matière d’harmonie. Il faut que les couleurs chantent ensembles et je sais celles qui chantent harmonieusement. Pour autant, certaines compositions peuvent toujours nous surprendre. Un marron et un bleu canard peuvent être un peu durs mais bien composés ils donnent un très beau mélange. Il faut un équilibre entre la puissance de la couleur et la surface qui lui est attribuée, surtout lorsque plusieurs couleurs se côtoient. Par exemple, le rubis est la pierre la plus difficile à marier et s’il est très gros il devient très délicat de l’accorder avec d’autres couleurs. Le violet est la teinte qui s’harmonise le mieux avec ce rouge. Mais à l’inverse, en vous prenant un exemple extrême, le rubis avec la topaze bleue London Blue est un véritable challenge… que je relève bien sûr ! Mais pour le moment, je n’ai pas encore trouvé la parfaite solution.
Quelles seraient les différences dans votre manière d’aborder le bijou, la couleur, les pierres ou la création entre le moment où vous avez débuté et maintenant ?
Ce que je vais vous répondre va vous étonner : j’arrive à concrétiser aujourd’hui ce que je voulais réaliser il y a 20 ans. J’ai le bonheur de voir dans la vitrine des bijoux que j’imaginais déjà des années auparavant et que je n’arrivais pas à obtenir.
Et c’est l’expérience qui vous permet maintenant de les obtenir ?
C’est une forme de ténacité dans la confiance accordée à notre imagination. A cet égard, il y a quelqu’un d’extraordinaire, un véritable maître : Joël Rosenthal. Comme un grand scientifique tel Einstein qui avait déjà conscience du résultat avant de l’avoir démontré, en joaillerie également l’esprit humain est capable d’imaginer un rendu avant d’avoir trouvé la solution adéquate. Je ne me compare pas à Einstein mais j’avais déjà imaginé ce que je voulais et il m’a fallu un peu de temps pour y parvenir. Il m’a aussi fallu prouver à tous que mes idées intéressaient également d’autres personnes. Et le partage est important.
Avez-vous un nouveau projet ? Une nouvelle collection en préparation ?
Mon nouveau challenge est la création de bijoux pour hommes. Je vois bien que ces derniers, surtout les jeunes-hommes, portent des vrais bijoux avec des pierres. Je compte me détacher du style très féminin qui me caractérise et partir sur des couleurs profondes, comme des saphirs sombres et denses, mélangées avec quelques gemmes pétantes et éclatantes tels des grenats. Je pense également à tout un dégradé de diamants, du blanc au noir. Mais surtout aux saphirs : des jeux de saphirs foncés aux clairs, en passant par toutes les nuances. Je vois aussi des formes masculines, des lignes géométriques, un rendu pur et brut. Je comptais appeler cette collection “MAN” puis j’ai décidé d’aller jusqu’au bout de ma démarche et de l’appeler “MEC”.
A l’occasion d’un séjour à Bali est née votre collection Batik, rendant hommage aux femmes balinaises et à leur art de vivre. Les cultures sont-elles souvent une source d’inspiration pour vous ? Si oui, que cherchez-vous à traduire de ces dernières dans vos collections ?
J’étais très jeune quand je suis allée à Bali et j’ai eu un choc devant ces tissus et ces femmes balinaises, toutes leurs couleurs qui suggéraient la végétation et les fleurs avec une grâce incroyable et tellement humaine en même temps. Les autres cultures sont effectivement une grande source d’inspiration, comme avec les bijoux indiens. On ne peut pas faire plus bijou que l’Inde qui transforme n’importe quel élément en un joyau multicolore merveilleux. Mais je ne suis pas ouverte à toutes les cultures. Seules celles qui font parler la couleur trouvent écho en moi.
Vos bijoux sont en effet colorés, originaux, voire même insolites. Ils expriment un caractère, un parti pris. Par un subtil mélange de concret et d’abstrait, vous représentez avec délicatesse tout un monde comme avec votre collection Etoile de Mer. Le créateur joaillier doit insuffler son âme et son caractère dans un bijou pour ne pas l’aseptiser. Mais il doit également laisser la place à l’acquéreur et à son imagination afin que ce dernier puisse se l’approprier. Dans une création, comment trouve-t-on le point d’équilibre parfait entre différence et universalité, entre originalité et traductibilité ?
Quand quelqu’un vient choisir un de mes bijoux, il est déjà attiré par mon univers. Son émotion fait écho à la mienne : il se connecte à mon idée. Personne ne trouvera dans mes collections un bijou sans émotion. De par mon style en effet mais également grâce aux pierres de couleurs qui sont un refuge émotionnel exceptionnel. Ces dix dernières années nous l’ont prouvé, elles sont indéniablement le meilleur placement à faire. Donc chez moi, il faut avoir un coup de cœur, c’est certain.
Elizabeth Taylor a dit : « Je n’ai jamais pensé à mes bijoux en tant que trophées. Je suis là pour en prendre soin et les aimer, car nous ne sommes que des gardiens temporaires de la beauté. » La beauté se fane mais les bijoux demeurent. Tout comme les autres créations artistiques qui saisissent les cœurs par leur aura siècles après siècles et qui narrent l’histoire d’une époque. Dans un ou plusieurs siècles, que révèleront les bijoux Isabelle Langlois de notre époque et de votre témoignage au monde ?
C’est une ambition énorme qui ne m’a pas totalement échappée. Parmi mes amis, nombreux sont plus riches que moi mais je les nargue en leur disant que dans 100 ans j’aurais laissé ma petite trace au monde – ma revanche ! J’espère, je suis même convaincue que dans un siècle il y aura au moins une femme qui aimera un des bijoux que j’ai réalisés. J’en suis sûre.
Je n’en doute pas car plus un bijou est ancien, plus il se charge de valeur. Il est le témoin du monde. Cette année nous fêtons les 100 ans de l’Art Déco et il est indéniable qu’à l’heure actuelle ils sont toujours désirés. Non seulement ceux qui en prennent le style sont recherchés, mais surtout ceux qui datent de cette période.
Absolument ! La toute première collection que j’ai faite s’appelait Charlemagne. Elle est née grâce à un bijou qui me fascinait depuis l’enfance : une couronne de Charlemagne avec des pierres de couleurs et des perles mélangées, sans aucun diamant. Un grand contraste avec les diamants de la couronne d’Angleterre qu’on voyait partout. Les bijoux anciens nous marquent irréfutablement. De mon côté, comme vous l’avez compris, les plus colorés me fascinent.
Pourquoi les couleurs sont-elles si cruciales selon vous?
Je pense que la meilleure démonstration du caractère essentiel de la couleur sont les fleurs. Elles sont la source de la vie et du monde végétal. Ce sont d’ailleurs les fleurs de couleurs que nous aimons tant. Voici ce qu’a choisi la nature comme mode d’attraction. Comment ne pourrions-nous pas être attirés par ces dernières ? Je lisais un article sur les parties du cerveau qui sont excitées par la vue des couleurs. Il expliquait que la vision du rose par des enfants leur apportent un sentiment de bonheur et de paix. Il est évident que chaque personne a ses couleurs de prédilection. Nous pouvons donc penser que mon esprit est excité par un rose orange, la teinte que je préfère. Et chacune peut avoir une résonance différente. Mais il est certain que les couleurs ont un impact neurologique dans le développement de notre bien-être. Les émotions qu’elles nous procurent ont une existence physique manifeste.
Photo à la Une : © Isabelle Langlois[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]