Sadeck Berrabah, le perfectionniste des lignes du corps

Artiste multidisciplinaire français révélé cet été au monde entier lors des jeux de Paris 2024, Sadeck Berrabah est un danseur-chorégraphe autodidacte dont le style fait date dans le milieu du luxe et de la pop music. Innovateur ayant connu une brève période de débrouille dans la rue, il s’est fait un nom dans le domaine du tutting, une forme de danse où bras et mains évoluent dans des figures géométriques.

 

Quel est le point commun entre les défilés de Christian Louboutin et Coperni, les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, les Grammy Awards, Chris Brown et Shakira ?

 

Réponse : Sadeck Berrabah, connu sur les réseaux sociaux sous le nom de scène de SadeckWaff.

 

Exemple de résilience, cet ancien bègue, un temps SDF puis maçon, a réussi à transformer sa passion précoce pour le dessin et la géométrie et son amour de la danse en une nouvelle discipline chorégraphique qui ne manque pas de poésie.

 

Mêlant les influences, entre le hip-hop et la danse contemporaine, il est devenu une figure qui compte sur la scène mondiale.

 

MJ, Michel Courtemanche et Dragon Ball Z

 

C’est à la frontière allemande, à Forbach plus exactement, en Moselle, entre Metz et Strasbourg, qu’est né Sadeck Berrabah.

 

Introverti à l’école et presque bègue, le jeune homme se réfugie dans le dessin et la géométrie, avec pour compagnons les personnages de mangas comme Dragon Ball Z, et le goût de la perspective.

 

Son amour de la danse naît au contact de Michael Jackson et de ses clips musicaux plus épiques les uns que les autres tels que le pharaonique Remember The Time (1992) avec Eddie Murphy et le mannequin Iman. Cette vidéo diffusée sur MTV résume bien la complexité technique, le métissage des cultures et le goût du storytelling.

 

L’homme au moonwalk n’est d’ailleurs pas l’unique source d’inspiration de ce natif de l’Est de la France : Michel Courtemanche, dont il dévore la VHS, le fascine. Il y découvre un autre artiste multidisciplinaire chevronné maîtrisant tout aussi bien le mime, la danse que les numéros de claquettes.

 

La danse devient vite comme son autre moyen d’expression, via l’adoption de la culture du “carton par terre”, en vigueur dans le hip-hop et le break. Au fil des battles, il commence à se forger un nom.

 

L’homme aux millions de vues

 

A 18 ans, ses parents se séparent et il lui faut faire la douloureuse expérience de la rue. Cette période de trois ans s’avère difficile mais forge son caractère. En arrivant à Montpellier, il débute comme freestyler (danseur solo) avant de faire du popping (contractions musculaires), sa spécialité. En parallèle, il gagne sa croûte en exerçant successivement les métiers de plombier puis de maçon.

 

 

2017 marque le début de son ascension fulgurante. Sa vidéo “Géométrie Variable” – du nom de son groupe de danseurs – postée à la fin du mois de mars sur les réseaux sociaux devient virale. Le choix musical – électro – pour illustrer ses figures à rebours d’un hip-hop plus attendu fait toute la différence. Son talent est alors repéré par Shakira. La chanteuse colombienne le recrute pour incorporer des éléments chorégraphiques inédits dans son clip Girl Like Me (2020) en duo avec les Black Eyed Peas. A date, le clip a été vu 800 millions de fois !

 

 

De Jennifer Lopez pour World Of Dance au tableau de J Balvin aux Grammy Awards 2022, en passant par America’s Got Talent, son nom devient synonyme d’ingéniosité et de créativité outre atlantique.

 

 

Les marques de luxe ne tardent pas elles aussi à s’arracher son talent chorégraphique, tel Moncler pour son show aux 1952 danseurs, s’activant au pied d’un Duomo de Milan confiné, à l’occasion des 70 ans de la marque. L’homme aux semelles rouges, Christian Louboutin le réclamme à son tour pour la fashion week 2023.

 

Il est ensuite contacté pour assurer le show de la passation des JO de Tokyo avec ceux de Paris. Pour l’occasion, il revoit à la hausse le nombre de ses danseurs, passés de 3-5 à 64. Avec la complicité de Laurence Dufort de Studio Attitude il délivre un message universel d’espoir en pleine pandémie.

 

Alors qu’il inclut des personnes en situation de handicap visibles et invisibles, notamment des personnes en chaises roulantes et des sourds et muets, il est à nouveau contacté pour assurer le show des Jeux Paralympiques de Paris 2024.

 

Un point fixe pour force

 

Développant une passion pour les effets scéniques et vidéographiques, ce perfectionniste du mouvement propose une vision inédite de la maîtrise du corps.

 

Pour lui, les lignes du corps, sont comme il le déclare à France TV, “des points, des carrés, avec lesquels on peut jouer sur les isolations du corps et le point fixe”, sorte de transposition de la ligne de fuite du dessin.

 

 

La clé pour proposer ses chorégraphies basée sur le tutting, consiste pour chacun de ses danseurs à “comprendre son rubik’s cube avec des points et demi partout”.

 

Mixant le popping (contraction musculaire), le toyman (danse imitant un jouet articulé), le touching (mouvements inspirés des bas reliefs égyptiens) et la danse hip-hop, le chorégraphe de 34 ans se propose de connecter les corps entre eux. Et plutôt que de le faire avec une ou deux autres personnes, il préfère associer une centaine d’individus.

 

Parce que ses spectacles gomment les différences, son message se veut universel, soit “peu importe qui tu es ou d’où tu viens.”

 

Murmuration

 

En 2023, il adapte ses créations visuelles dans un spectacle, Murmuration. Ce ballet hypnotique, poétique et résolument moderne s’inspire de la synchronicité des nuages d’oiseaux comme ceux que forment les étourneaux.

 

 

Après une tournée des Zéniths de France sold out et son triomphe avec plus de 150 000 spectateurs depuis sa création au théâtre 13e Art (Place d’Italie, Paris), Murmuration monte encore d’un cran  avec son spectacle “Level 2”.

 

 

En tout, 35 représentations du 15 novembre 2024 au 29 janvier 2025 sont prévues. Cette murmuration revisitée fait intervenir une soixantaine de danseurs reprenant les moments iconiques de Sadeck Berrabah ainsi que ses toutes nouvelles chorégraphies.

 

Un show “extended” à découvrir sans plus tarder avant qu’il n’entame une tournée mondiale, à la hauteur de sa destinée.

 

Lire aussi > RENCONTRE – L’artiste Charles Belle dans un film fascinant : une expérience sensorielle de l’Art

 

Photo à la Une : © Sadeck Waff

Victor Gosselin is a journalist specializing in luxury, HR, tech, retail, and editorial consulting. A graduate of EIML Paris, he has been working in the luxury industry for 9 years. Fond of fashion, Asia, history, and long format, this ex-Welcome To The Jungle and Time To Disrupt likes to analyze the news from a sociological and cultural angle.

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