Au début de l’ère victorienne, un homme visionnaire invente une industrie articulée autour de la découverte, de l’aventure, du mélange des cultures et, surtout, autour du rêve. Thomas Cook est considéré comme le premier voyagiste du monde, orchestrant un séjour en groupe dès 1841. Portrait.
Rien n’aurait pu présager un tel destin. Né à Melbourne au Royaume-Uni en 1808, le petit Thomas Cook commence à travailler à ses 10 ans dans un marché, avant d’officier dans un atelier d’ébéniste jusqu’à sa vingtaine tout en aidant sa mère dans sa boutique. En 1841, alors âgé de 33 ans et ancien missionnaire évangéliste, il organise son tout premier voyage de Leicester à Loughborough, soit une vingtaine de kilomètres, à l’occasion d’une conférence anti-alcool. Un véritable fléau au Royaume-Uni à l’époque. Thomas Cook réussit alors à persuader la Midland Railway d’affréter un train pour l’événement, demandant aux 570 personnes de payer un billet comprenant le trajet et un repas. Sans aucune expérience, sans même vraiment le savoir, Thomas Cook venait d’orchestrer le tout premier voyage de groupe et de lancer un empire touristique sans précédent.
De plus en plus de destinations
Fort de ce succès, il planifie une excursion à Liverpool pour 1200 clients en 1845. Ces derniers ont droit à plusieurs étapes au pays de Galles, pour visiter les châteaux et les montagnes de la région. En prime, Thomas Cook publie une brochure de voyages, avec indications importantes et renseignements sur l’itinéraire. Une première !
Dans le même esprit, l’entrepreneur lance la première revue de tourisme baptisée The Excursionist en 1851. Quatre ans plus tard, un hôtel est même construit sous son égide, à Leicester.
En 1855, un premier circuit à l’étranger est organisé en Europe, en Belgique, en Allemagne, et en France, allant de Strasbourg vers Paris. L’entreprise propose même un forfait complet de voyage, avec les trajets, l’hébergement et la nourriture. Une formule all inclusive encore plébiscitée aujourd’hui. En 1863, c’est à Paris que Thomas Cook développe davantage son business et ses offres en négociant un tarif spécial avec la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest. Un nouveau package de voyage est alors proposé à la clientèle.
Des voyages à travers le monde
En 1869, l’agent de voyage dévoile la première croisière sur le Nil, puis des excursions en Australie, en Inde, en Amérique ou encore en Palestine au fil des années. En 1872, Thomas Cook révèle… son tour du monde… en 222 jours. Si les vacances sont déjà réservées aux personnes fortunées, ce tour du monde n’a pu ravir qu’une poignée de voyageurs. « Quand Jules Verne publie, en 1872, son Tour du monde en 80 jours, les Anglais lisent, dans le Times, le récit du vrai voyage de Thomas Cook… » indiquent les journalistes Béatrix de l’Aulnoit et Philippe Alexandre dans le livre Thomas Cook, 1808-1892, L’inventeur des voyages, publié aux éditions Robert Laffont en 2018.
Quelques années plus tard, des « coupons d’hôtels internationaux» sont proposés, grâce aux relations entre la compagnie et les établissements. L’ancêtre des chèques vacances. Thomas Cook, qui a déjà ouvert plusieurs agences, observe le monde, analyse les différences touristiques entre les pays, noue des collaborations pour faire prospérer son activité et, surtout, continue de démocratiser le voyage pour tous. Les clients internationaux et la presse font l’éloge de ces vacances idylliques et novatrices qui révolutionnent le temps libre.
A sa mort en 1892, son empire est laissé aux mains de sa famille, son fils et ses trois petits-enfants. Tout comme le fondateur, la progéniture rivalise d’inventivité pour les voyages, entre avancées technologiques et activités divertissantes. En 1919, la firme est d’ailleurs la première à réaliser des trajets en avion.
La famille vend en 1928 la société à la Compagnie belge des wagons-lits et des grands express européens. L’entreprise est vendue à plusieurs reprises avant d’être acquise en 2001 par le groupe touristique allemand C&N Touristik AG. Thomas Cook Group est alors renommé Thomas Cook AG. En 2019, la compagnie annonce sa faillite, perturbée par une fusion mal menée, une dette difficile à rembourser, le boom d’internet dans la réservation de vacances, les incertitudes liées au Brexit et n’ayant pas réussi à obtenir une importante aide financière. La fin d’un beau voyage.
Après un arrêt complet des activités lors de la crise sanitaire, l’industrie du tourisme commence à retrouver ses niveaux d’avant pandémie. Fin 2024, la reprise devrait même être totale et la croissance pourrait progresser de +2% par rapport à 2019, dont les destinations avaient engendré 1 500 milliards de dollars, selon l’organisation mondiale du tourisme.
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