Le rideau s’est ouvert sur «Red Crystal Curtain», une œuvre très remarquée de la Grande Dame du Verre, Maria Grazia Rosin, dans les salons du Palais Bragadin, la demeure Renaissance de Sigrid et Xavier de Montrond sise dans le quartier du Castello, à Venise.
C’est une mise en scène réussie que l’on peut découvrir à l’occasion de la neuvième édition de la Venice Glass Week, l’événement international très attendu qui rend hommage aux artistes du verre du 13 au 21 septembre 2025.
Le Festival a reçu des centaines de candidatures provenant de 54 pays. Les heureux élus sélectionnés exposent à Venise, Murano et Mestre dans 130 lieux différents. Au détour d’une galerie, d’un palais, d’un workshop, d’une conférence, ils embrasent l’imaginaire d’un public averti, passionné et toujours plus exigeant depuis la première édition lancée en 2017.
Ce moment artistique privilégié a un nouvel hastag #TheMagicOfGlass.
Celui-ci traduit fort bien l’enchantement qui nous saisit lorsque l’on aperçoit le Red Crystal Curtain en verre de Murano, installé au Palais Bragadin, au milieu du mobilier ancien, des miroirs et des lourdes tentures qui encadrent les baies vitrées donnant sur le canal.
« Cela pourrait être le rideau de l’Opéra lyrique à l’époque de Carlo Goldoni », lâche l’artiste vénitienne Maria Grazia Rosin qui se prête avec décontraction à un jeu de photos lors de notre rencontre à l’heure des levers de rideaux dans les théâtres. Entre chien et loup, à l’heure où la lumière décline et où les sculptures de verre se parent de mystère.
Ce que l’on contemple dans ce rideau, ce n’est pas seulement la beauté du verre, sa transparence et l’assemblage des pièces, mais aussi ce qu’il raconte. Cette œuvre est un hommage aux verriers de Murano, une ode à la lenteur, à la patience, dans la chaleur du geste et dans les éclats de la lumière.
Maria Grazia Rosin sublime le verre, son matériau préféré. Elle le convoque, le détourne, l’amuse, le fait parler. C’est un rideau de scène en velours rouge qu’elle crée, puis tire pour observer la vie vénitienne, ses us et coutumes. La commedia dell’arte se poursuit au XXIème siècle sur la scène de Venise, La Sérénissime.
Quelle œuvre d’art pourrait aussi bien casser le rythme de l’immensité des salles d’un Palazzo qu’un rideau de théâtre en verre ? Il fallait y penser… Un ou plusieurs décors de cristal peuvent ainsi habiller des maisons de 500, 3 000 m2 et plus.
La Comtesse Sigrid de Montrond a eu un coup de cœur pour le rideau de cristal en forme de triptyque de Maria Grazia Rosin, qui a tout naturellement trouvé sa place dans la pièce de réception de son palais. Cette œuvre étonnante est désormais la star du Palazzo Bragadin. Elle séduit, interroge, fait des émules.
Maria Grazia Rosin, la Grande Dame du Verre, à l’honneur lors de la 9ème édition de la Glass Week 2025
On ne présente plus Maria Grazia Rosin. La Grande Dame du Verre est une artiste bien connue en Italie, dont la notoriété dépasse largement les frontières. Ses œuvres font partie des expositions permanentes du Corning Museum of Glass de New-York, du Carnegie Museum of Art de Pittsburgh, du Kunst Museum de Düsseldorf, du Museum of Art d’Indianapolis, du Musée de Montréal et bien sûr, du Musée du Verre de Murano. Elle expose régulièrement en Europe, et plus particulièrement en Italie, figure de proue de l’art du verre de Murano.
Née en 1958 à Cortina d’Ampezzo, elle étudie à l’institut d’Art de Cortina, puis à Venise sous la direction du peintre et graveur Emilio Vedova, militant antifasciste, peintre informel expressionniste. Elle est diplômée de l’Académie des Beaux-Arts de Venise en 1983. En 1992, elle collabore avec la Fondation Bevilacqua La Masa et prend son envol en travaillant le verre de Murano.
Ses œuvres singulières se distinguent par la créativité, l’esthétisme visuel et la qualité du matériau. Au fil du temps, elle collabore avec des verriers de Murano comme Pino Signoretto, Andrea Zilio et Gianluca Pagnin.
Son passé de peintre et de graphiste permet à Maria Grazia Rosin d’imaginer des pièces précises, sophistiquées et complexes à réaliser. Elle s’inspire par exemple du monde sous-marin et animal, mais aussi de l’être humain, de ses névroses et des petites pilules qu’il prend pour aller mieux…
Elle est remarquée pour ses dernières créations, notamment des lustres en forme de pieuvre. Utilisant une technologie de premier plan, elle crée des installations de verre, de lumière et de musique dans un univers océanique et gélatineux peuplé de créatures primitives.
Elle donne aussi forme à des vases, à des flacons de produits détergents (pour la ménagère chic de moins de 50 ans), à des verres pour « avaler la pilule »…
Cette artiste étonne et nous offre un regard distancié sur notre époque, avec une pointe d’humour et un doux sourire. La Lagune n’est jamais loin. Elle rassure, apaise, calme les passions.
La Glass Week bat son plein. Au détour d’un salon du Palazzo Bragadin, nous découvrons les lampes, les bougeoirs, les chandeliers, à la fois délicats et puissants, réalisés par Sigrid de Montrond.
Ces luminaires, aux accents baroques, nous plongent dans une époque où les lumières tamisées magnifiaient le teint de la maîtresse de maison et de ses amies. Les généreuses bonbonnières évoquent une époque où l’on savourait des bonbons à la violette ou à la rose.
La musique de Joseph Haydn envoûte le lieu et ajoute à la nostalgie d’un monde révolu qui, pourtant, semble ressuscité au Palais Bragadin.
Notre hôte serait-elle magicienne ?
Tour à tour costumière, puis décoratrice, Sigrid de Montrond est « tombée en amour » pour des antiquités qui n’intéressaient personne. Elle s’est penchée sur le destin de luminaires cassés ou démontés, abandonnés chez les verriers de Murano depuis plusieurs décennies. Les plus antiques remontent au XVIIIème siècle. Un trésor !
« J’ai souhaité récupérer ces pièces endormies pour leur donner une nouvelle vie », explique la créatrice, qui, comme dans un conte de fées, s’est transformée en Belle au Verre Dormant.
L’artisanat novateur semble se déployer naturellement à Venise, réunissant tradition et modernité dans un heureux mariage.
C’est dans sa propre galerie à Saint-Germain-des-Prés, l’Atelier Visconti, du nom éponyme de la rue, que la Comtesse a exposé sa collection baptisée « Luce di Murano », en 2024. Certaines pièces, dont des compositions monumentales, sont parties dans des maisons de prestige en Europe et à Dubaï.
En avant-première, elle nous a raconté son aventure dans l’article paru dans Luxus Magazine, le 18 avril 2024.
Sigrid de Montrond aime habiller les palais, mais aussi les femmes.
Elle excelle à coudre le verre pour créer … des colliers. Mais quels colliers !
Chaque bijou est une pièce unique, minutieusement réalisée à la main, à partir d’un choix rigoureux et d’un assemblage subtil de pièces de lustres anciens de Murano.
Le collier devient l’élément central d’une tenue, tant il en impose par sa taille, mais aussi sa flamboyance. De quoi éblouir dans les dîners en ville !
La collection intitulée « L’affaire du collier » est un clin d’œil à l’affaire du collier de la reine qui a défrayé la chronique à la fin du XVIIIème siècle. La célèbre parure de diamants a inspiré de nombreuses œuvres dont la nouvelle intrigue de la série Marie-Antoinette, disponible sur Canal +.
Sigrid de Montrond apparaît comme une créatrice « tendance », en accord avec la mode du vintage. Le verre ancien remplace le diamant. Cela n’a pas échappé à sa clientèle…
« Lorsque l’on porte l’un de mes colliers, il vaut mieux être sage si l’on ne veut pas qu’il se casse ! », souligne Sigrid de Montrond, qui arbore l’une de ses créations avec une grande élégance.
Il ne s’agit pas de fréquenter les vernissages ou autres évènements mondains, car le verre est un matériau noble et fragile qui demande la plus grande prudence.
De Venise à Paris, Sigrid de Montrond est la meilleure ambassadrice de ses colliers. Un coup d’œil rapide dans un miroir de la salle d’apparat, elle est prête à accueillir les premiers invités de la Glass Week.
A vos agendas pour la Glass Week du 13 au 21 septembre 2025
Palazzo Bragadin
Découverte du « Red Crystal Curtain » de Maria Grazia Rosin du 13 au 20 septembre 2025, uniquement sur rendez-vous de 11h à 18h.
Calle del Cafetier 6480
contacts : [email protected], +33 6 11169889
[email protected], +39 338 4645965
Lire aussi > Phil de Rodrigue, le Kiraz des Parisiennes, nouveau style
Photo à la Une : Maria Grazia Rosin, la Grande Dame du Verre, devant son œuvre « Red Crystal Curtain » au Palais Bragadin ©Corine Moriou