À 94 ans, Warren Buffett a annoncé le 3 mai 2025 son retrait surprise de la direction de sa société d’investissements, Berkshire Hathaway, lors de l’assemblée générale annuelle. Avec le départ de “l’Oracle d’Omaha”, une page majeure de l’histoire du capitalisme se tourne.
Investisseur patient, raisonnable et patrimonial, Warren Buffet a marqué de son empreinte légendaire le marché de la finance mondiale de ces soixante dernières années.
A rebours d’une vision communément admise de la finance vue comme un moyen d’accumuler rapidement de la richesse, Warren Buffett y voit un terrain d’étude quasi scientifique.
Homme d’affaires, investisseur et philanthrope, celui que Wall Street a surnommé “l’oracle” s’est hissé au rang de 6ème fortune mondiale à raison de 154 milliards de dollars (143 milliards d’euros) selon le dernier classement du magazine Forbes.
Il est un des rares capitaines d’industrie américains à ne pas avoir vu sa fortune pénalisée par les tensions commerciales actuelles avec les Etats-Unis.
Des débuts précoces
Né en 1930 à Omaha, dans le Nebraska, d’un père courtier en valeurs mobilières et homme politique, Warren Buffett montre dès l’enfance un flair entrepreneurial : il revend des chewing-gums, livre des journaux – plus précisément le Washington Post – gagnant dès 15 ans, 175 dollars par mois.
Ses premières actions, il les achète à l’âge de 11 ans. Six actions exactement dont trois pour lui et l’équivalent pour sa sœur à 35 dollars l’unité. Apprenant par l’échec, il se jure de ne jamais réitérer son retrait « prématuré » lors de l’acquisition de sa première valeur : l’entreprise de gaz naturel Cities Service Preferred. Il avait en effet estimé avoir vendu ses parts trop tôt suite à une baisse temporaire. Il en gardera une vision de l’investissement sur le long terme épluchant patiemment les comptes des sociétés dans lesquelles il investira.
Après des études à l’Université du Nebraska puis à la Columbia Business School où il décroche une maitrise en économie, il a la chance de suivre les cours de Benjamin Graham, économiste et investisseur connu pour sa théorie de l’investissement sur la valeur dont il adopte la philosophie : acheter des entreprises solides, bien gérées mais sous-évaluées et les conserver sur le long terme.
En 1956, Warren Buffett, alors âgé de 26 ans, fonde sa première entreprise, Buffett Associates Ltd.
L’empire Berkshire Hathaway
Neuf ans plus tard, Warren Buffett prend le contrôle de Berkshire Hathaway, une société textile en déclin, qu’il transforme par une série de rachat et d’investissements en une holding tentaculaire. En effet, alors que n’importe qui se seraient empressé de revendre les actifs de la société, l’investisseur en herbe choisit de revoir le modèle économique de l’entreprise.
Suivant cette logique, il rachètera notamment l’assureur américain Geico et les piles Duracell. Mais surtout il prendra des actions chez Coca-Cola, Apple, Chevron, Bank of America ou encore American Express, appliquant une stratégie fondée sur la valeur et la longévité.
Avec lui, Berkshire Hathaway devient l’un des conglomérats les plus respectés au monde et la 8ème capitalisation boursière mondiale, avec plus de 800 milliards de dollars d’actifs, autant dire une histoire hors norme pour une entreprise américaine hors tech.
Milliardaire mais frugal et philantrope
L’un des paradoxes de Warren Buffett est sa modestie légendaire. Malgré une fortune personnelle estimée à 154 milliards de dollars (143 milliards d’euros), il vit toujours dans sa maison d’Omaha achetée en 1958, roule dans une voiture standard, boit du Coca-Cola Light et mange au McDo. Il passe ses journées à lire et à jouer au bridge, loin de l’ostentation de ses homologues milliardaires de la Silicon Valley.
Buffett n’a cessé de répéter qu’il n’avait aucun besoin de laisser sa fortune à ses enfants. En 2006, il commence à faire d’importants dons à la Bill & Melinda Gates Foundation. En 2010, il lance en collaboration avec Bill Gates le Giving Pledge, incitant les milliardaires à donner la majorité de leur richesse. Il a déjà reversé plus de 50 milliards de dollars.
Plus surprenant, Warren Buffet, ouvertement démocrate, s’est démarqué de ses homologues ultra fortunés avec sa position favorable à une lourde taxation des milliardaires, sans doute l’un de ses rares échecs.
La relève
Son successeur est déjà connu : Greg Abel, actuel vice-président des activités hors assurance de la société Berkshire Hathaway et dauphin désigné depuis 2021. C’est ce canadien de 62 ans passé sous les radars qui prendra les rênes de la société au début de 2026, mettant la main selon Bloomberg sur “un mastodonte de 1200 milliards de dollars, détenteur d’un portefeuille d’actions de société comme Apple et American Express qui englobe des secteurs comme l’assurance, l’énergie, les chemins de fer et les produits de grande consommation”.
Si le fringant nonagénaire a annoncé son retrait, il garde néanmoins un pied dans sa société en tant que conseiller. Pour autant le style de management sera très probablement amené à évoluer. En effet, il sera difficile d’égaler son autorité tranquille, son humour acide, et sa capacité unique à traverser les crises sans céder à la panique.
Warren Buffett n’a jamais été un financier comme les autres. Il a prouvé qu’on pouvait réussir sans bruit, sans tapage ni excès, en respectant des principes de bon sens. « C’est l’un des plus grands investisseurs de notre époque. Ses résultats parlent d’eux-mêmes: il a surpassé le S&P 500 sur un an, cinq ans, dix ans et vingt ans » en termes de rendement, relève l’analyste financier Art Hogan, de B. Riley Wealth Management, cité par l’AFP. ».
En se retirant, Warren Buffett ne laisse pas seulement un empire, mais un état d’esprit. Dans un monde où la vitesse, le court-terme et la spéculation règnent, il a prôné la réflexion, la simplicité et la patience ; d’ailleurs sa maxime reste un phare pour les investisseurs : « Soyez craintif quand les autres sont avides, et avide quand les autres sont craintifs. » Un principe simple, devenu intemporel.
Lire aussi > Bryan Johnson, l’homme qui ne voulait pas vieillir
Photo à la Une : © Michael Prince