En septembre, dans la presse mode, sur Internet ou sur les abribus… les campagnes des marques de luxe les plus emblématiques annexent toujours plus de territoires et notre temps d’attention. Cette saison, le luxe affirme plus que jamais son statut de produit culturel avec des campagnes automne-hiver plus cérébrales et documentées que jamais.
Longtemps dénigrées par les publicitaires, n’y voyant qu’un packshot produit augmenté, les campagnes de luxe s’offrent une cure de jouvence.
Pour la collection automne-hiver 2023, il est question de renaissance – culturelle – avec Ferragamo qui rend directement hommage à sa façon aux peintres italiens du Quattrocento. Ou sur une tonalité plus contemporaine, avec Versace, qui ressuscite les supermodels des décennies 1980-1990, dans le sillage du numéro de septembre de Vogue et du documentaire Netflix dédié au phénomène de ces femmes puissantes.
C’est aussi une renaissance stylistique avec Jacquemus qui s’offre avec Gigi Hadid, la top adorée des millennials, un bain de jouvence plein d’espièglerie et de surréalisme.
Pour cette rentrée, Luxus Plus a sélectionné pour vous huit campagnes de mode pour se lever du bon pied un jour de bureau et préparer gaiement sa to-do list de rigueur.
Versace
La Maison italienne, en plein renouveau, connaît une fétichisation sans précédent de la part des jeunes générations, nourrie notamment par la diffusion sur Arte d’un documentaire consacré à son histoire de Méduse et de succession.
Après avoir proposé l’antithèse absolue du Quiet Luxury, anticipant le rose fuschia du blockbuster Barbie pour son défilé estival La Vacanza, mettant en vedette la chanteuse Dua Lipa depuis la piscine-miroir du Château de la Croix des gardes, sur les hauteurs de Cannes, place à un rendu plus austère autour de la silhouette, entre ombres et lumières.
Cette saison, le duo de photographes Mert Alas et Marcus Piggot ont choisi de croquer dans un esprit Power Dressing 80s – tout en épaulettes carennées – un parterre de mannequins composé de Gigi Hadid, Karolina Spakowski, Angelina Kendall et Anok Yai. Autrement dit, une vision chorale de l’héritage de la maison fait à la fois d’icônes historiques et de New Faces.
La campagne alterne entre photos de studio en noir et blanc très Newtoniennes (Helmut, par l’autre), et prises de vues en couleurs dans le palais classique de Versace, situé Via Gesù 12 à Milan.
Le résultat est à l’image de l’identité de la femme Versace, une histoire de puissance, d’esprit tailleur et d’attitude.
Comme le déclare la créatrice emblématique de la Maison italienne, Donatella Versace, “Sur le plateau, j’ai adoré que les mannequins se sentent fortes, autonomes et féroces, exactement comme vous devriez vous sentir lorsque vous portez du Versace.”
Ferragamo
Avec cette nouvelle campagne qui promeut la collection automne-hiver 2023 de son directeur artistique Maximilian Davis, Ferragamo n’a pas peur de convoquer une référence aussi lointaine que les chefs-d’œuvre de la Renaissance italienne, en partenariat avec la Galerie des Offices de la ville de Florence.
Conçu par Giorgio Vasari en 1569 pour servir de bureaux à Cosimo I de Medici, grand-duc de Toscane et un des premiers musées modernes ouvert en 1769, la Galerie des Offices est indissociable de l’histoire de Ferragamo servant “de phare, promouvant l’importance des nouvelles idées, de l’art, de la beauté et de la créativité.”
La campagne dépeint une société en pleine évolution composée de mannequins, musiciens et producteurs. La creattive economy d’hier et d’aujourd’hui, en somme.
Intitulée “New Renaissance”, la campagne automne-hiver 2023 de la Maison italienne met en scène les top-modèles Vittoria Ceretti, Anok Yai, Lina Zhang, Jessica Stam, Mona Tougaard, Paul Hameline, Iván de Pineda, Malick Bodian et Taemin Park, eux-mêmes rejoints par la consultante créative et stratège Zainab Jama, la chanteuse et compositrice Kelela, l’artiste sonore Yasmina Dexter et le photographe Tyler Mitchell.
Tyler Mitchell met ici en perspective cuirasses et robes de cour d’une tapisserie d’art classique des XVe et XVIe siècle avec un vestiaire plus contemporain, fait d’articles de prêt-à-porter, chaussures et sacs sensuels, élégants et sophistiqués.
Une vision de beauté et d’élégance qui célèbre le lien intemporel de Ferragamo avec la ville de Florence, point de départ du voyage d’artisanat et de créativité du fondateur. Une ville partageant avec la Maison les valeurs d’excellence, de maîtrise artistique et d’humanisme.
La composition n’est pas sans rappeler le roman initiatique du fondateur et ce qu’il a nommé sa première renaissance, à savoir « l’histoire du petit garçon aux pieds nus et sans instruction qui est devenu un célèbre cordonnier ».
Cette métamorphose a été rendue possible par un mélange audacieux d’héritage italien et de talent aventureux comme lorsqu’il ouvrit sa boutique américaine au 6683 Hollywood Boulevard. Une implantation aux allures de chef-d’œuvre de la Renaissance italienne, renforcée par des murs recouverts de batik simulant des tapisseries du XIVe siècle, des canapés sculptés à la main et des rideaux luxueux complétant des colonnes classiques.
La Renaissance italienne constitue une période prolifique pour l’artisanat et l’innovation. L’actuel siège de la Maison, le Palazzo Spini Feroni, somptueuse demeure du XIIIe siècle léguée par Salvatore Ferragamo à Florence en 1927, en est la plus pure expression.
Montblanc
Avec « The Library Spirit« , la Maison suisse spécialisée dans les instruments d’écritures nous projettent dans son saint des saints qu’est la bibliothèque et pour son deuxième chapitre, la revisite à la sauce british.
Un lieu d’éveil et de découverte éminemment magique, tant cet espace est propice à l’imagination et à la réflexion. Un lieu qui entrepose par centaines, voire par milliers le médium le plus simple et le plus technique que l’humanité ait jamais créé : le livre. Ah, l’expérience du pouvoir des mots imprimés sur le papier !
Un objet en voie de disparition, alors que le temps d’attention est désormais grapillé par un rien, une série Netflix, une recherche sur son mobile…
Ici, le photographe de renommée mondiale Mariano Vivanco pose son œil sur la London Library, reconnue comme l’une des principales institutions littéraires au monde.
Fondée en 1841 à St James’ Square, l’établissement dispose d’une collection de près d’un million d’ouvrages L’endroit est d’ailleurs fort connu pour ses abonnés fondateurs tels que Charles Dickens et Charles Darwin et ses membres notables du monde des arts littéraires et visuels, dont Virginia Woolf et Stanley Kubrick.
Jacquemus
Gigi Hadid a la charge d’incarner la nouvelle collection créée par Simon Porte Jacquemus, dans un esprit lingerie, tout en transparence et délicatesse, à la manière de la dentelle de Calais à l’honneur.
Baptisée le “Chouchou”, la collection élégante et sensuelle – avec son défilé estival versaillais – se teinte avec le regard du photographe Johnny Dufort d’une humeur mutine et d’un esprit surréaliste pour vanter l’exploration sensorielle d’une probable nouvelle gamme de produits.
Entre nostalgie et réinvention, entre Lady Diana et Marie Antoinette, sans oublier le chef d’œuvre de Jacques Demy Peau d’âne, les références historiques et royales se télescopent, donnant à voir un charme d’antan et chic.
Dans cet esprit boudoir rococo revisité, il y est également question de jeu, au niveau des tissus, des silhouettes et des couleurs. Le blanc immaculé côtoie des rouges vibrants, sans oublié la noirceur remarquable d’une “revenge dress”.
Miu Miu
La marque dédiée aux jeunes générations du groupe Prada propose une mise en scène très intellectuelle, à l’image des campagnes de sa maison-mère.
Pour sa nouvelle campagne intitulée « Miu Miu : LIVE !« , il est question d’espaces (temps) liminaires, se situant “entre le temps réel et le temps à venir, entre des espaces transitoires et démocratiques en nuances de gris”.
D’après le communiqué officiel, les personnages qui habitent ce monde – notamment l’auteur-compositeur-interprète Ethel Cain, les acteurs Emma Corrin, Mia Goth et Zhao Jinmai, les mannequins Amelia Gray Hamlin et Annabelle Weatherly, ainsi que le mannequin et défenseur des droits LGBTQ+, Zaya Wade – sont tout à la fois tournés vers l’extérieur et vers l’intérieur.
La campagne s’interroge sur la notion de perturbation voire de disruption du quotidien avec des comportements des plus lunatiques, voire spasmatiques. Performance immédiate chassée par l’égocentrisme puis la distance : “Une désorientation étudiée se produit – le familier est perturbé.”
On retrouve cette idée de perturbation jusque dans la garde-robe. D’élégants twin sets, des jupes crayon au genou et des tailleurs surdimensionnés en laine sèche et lourde couvrent le corps…et le découvrent. Ce qui est universellement reconnu – le sincère – est subverti, regardé d’une manière différente.
Une vision contemporaine de l’impermanence des choses avec des silhouettes très #Librarianfashion, comprendre style intello façon bibliothécaire des années 1970.
Vision sans dessus dessous, les matières jouent sur la transparence, tandis que les collants sont directement exposés à la vue façon nouveau pantalon, un gimmick lancé par la famille Kardashian, Kendall Jenner en tête.
Chanel
Cette saison, la Maison de la rue Cambon menée par Virginie Viard livre une vision centrée sur la délicatesse et la fluidité.
Par petites touches joyeuses, le camélia, fleur d’hiver, se faufile avec grâce dans la collection de prêt-à-porter automne-hiver 2023. Un romantisme suspendu dont l’imprimé s’épanouit sur les poches, les vestes et les boutons
La collection fait la part belle à une grammaire stylistique appréciée de la génération Z, faite de manteaux asymétriques, de robes fendues, de bermudas à devant incliné et de volants qui apportent une touche ludique.
Zone érogène longtemps peu exposé, le dos se révèle, orné de perles et de paillettes. De leur côté, les tricots intègrent des fils fantaisie.
Le duo de photographes de mode Inez van Lamsweerde et Vinoodh Matadin immortalise ici la mannequin française d’origine algérienne de 19 ans – double juvénile de l’actrice et réalisatrice Maiwenn dans le Film La Du Barry – Loli Bahia.
Lancée par Nicolas Ghesquière en 2020 pour le défilé Louis Vuitton, cette “beauté éclatante” – la signification de Bahia en arabe – enchaîne les défilés, de Saint Laurent à Versace, en passant par Prada , Fendi et maintenant Chanel.
Pour la Maison au camélia, elle campe ici une femme-artiste à l’esprit bohème avec un “je ne sais quoi” de psychédélique très seventies.
Le résultat donne une campagne énergique rélevée par un coloroma précis fait de noir, de blanc et de différentes teintes de rose.
L’actuelle directrice artistique Virginie Viard insiste sur une certaine ambiance anglaise, avec des “couleurs délavées, le rose foncé, les pièces artisanales, les touches des années 60 et 70, les manteaux confortables et enveloppants, les matières authentiques.”
Stella McCartney
La figure de proue de l’éco responsabilité dans le luxe revient avec une campagne tout en délicatesse et poésie dans l’univers équestre, territoire d’expression plutôt associé à la Maison Hermès et Longchamp.
Et l’écuyère n’est autre que la mannequin et influenceuse Kendall Jenner. Un dialogue entre l’humanité et l’équidé empli de respect et de sincérité comme en témoigne une interview de 2016 où Jenner déclarait au Harpers Bazaar : « J’ai toujours aimé les animaux. J’ai fait de l’équitation pendant 10 ans et je pensais devenir cavalière professionnelle puis vétérinaire ».
Le photographe Harley Weir a immortalisé la belle dans le décor minimaliste et immaculé des Salines de Camargue, entourée des poneys blancs de la région, dressés par Jean-Paul Pignon.
Une affinité élective que n’a pas manqué de confirmer la créatrice : « Je savais que la Stella de cette saison devait aimer les chevaux autant que moi ». Et d’ajouter, « Kendall monte à cheval depuis qu’elle est enfant, tout comme moi, et possède son propre ranch ; on peut voir à quel point elle est à l’aise avec ces créatures sensibles et elles avec elle.”
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Photo à la Une : Ferragamo