La célèbre photographe américaine, spécialiste des portraits de stars et collaboratrice des plus grands magazines américains (Rolling Stone, Vogue, Vanity Fair), a été admise parmi les 16 membres étrangers de l’Institution française. Anna Wintour, avec qui elle travaille de longue date au sein du magazine Vogue, lui a remis son épée, accessoire must de l’académie, et taillé un discours sur mesure…Nicolas Ghesquière le créateur Louis Vuitton avait imaginé son costume.
Comme certaines de ses photos, Annie Leibovitz est désormais “ Immortelle”… Rien à voir avec le transhumanisme mais en revanche avec le surnom donné aux académiciens de l’Institut de France. La célèbre photographe américaine est en effet entrée le 20 mars dernier à l’Académie des beaux-arts. Soit l’une des cinq Académies de l’Institut de France, installée quai de Conti, qui comprend aussi l’illustre Académie française, dédiée aux hommes et femmes de lettres…
Pour la professionnelle de 74 ans, déjà multiprimée (prix de la photographie appliquée, de l’ICP à, New York, médaille du centenaire de la Royal Photographic Society, commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres…), il s’agit d’une énième reconnaissance de son travail, mais pas de la moins prestigieuse…
Elle fait en effet désormais partie du cénacle restreint des 67 membres de l’Académie des Beaux Arts, et de ses 16 membres associés étrangers, qui se sont tous illustrés dans des arts comme la peinture, l’architecture, la musique, la danse et donc…la photographie. Installée au fauteuil V, elle a ainsi succédé au chinois Ieoh Ming Pei, l’architecte de la pyramide du Louvre, disparu en 2019.
Un habit vert signé Nicolas Ghesquière
En toute logique pour cette photographe devenue aussi célèbre que les personnalités de la mode et de la culture gravées par ses pellicules, pour le compte des magazines Rolling Stone, Vanity Fair ou Vogue, Annie Leibovitz a fait son entrée sous la coupole de l’Institut de France en “habit vert”….signé Nicolas Ghesquière.
Un exercice de style réussi pour le directeur artistique Femme de Louis Vuitton, qui a su revamper avec talent la base de ce costume traditionnel datant de la période Napoléonienne. Habillée dans un tissu bleu foncé, brodé de feuilles d’olivier en fils de soie vert et doré, Annie Leibovitz ne détonnait pas avec ses pairs de l’Académie.
Lors de la cérémonie d’investiture, deux autres femmes très en vue étaient à l’honneur.
Patti Smith, une amie proche de la photographe et assumant comme elle la longue chevelure argentée des femmes d’expérience, est venue chanter, accompagnée de sa fille au piano.
Et pour lui remettre son épée d’académicienne, c’est une autre figure féminine, toute puissante dans le monde de la mode, Anna Wintour herself, qui était au rendez-vous. Drapée dans un très élégant et classique tailleur Margiela imaginé par Galliano, cachées par ses inséparables lunettes noires, la directrice éditoriale et artistique monde des éditions Condé Nast a remis à Annie Leibovitz une version écologiste et pacifique de “l’accessoire” incontournable des académiciens. Son épée est en effet inspirée d’un bâton branchu évoquant la rivière Hudson de son enfance…Anna Wintour a aussi pu vanter dans un discours la «vision aux rayons X» d’Annie Leibovitz. Pilier des défilés de mode, la célèbre journaliste de mode sait de quoi elle parle : elle travaille de longue date avec la photographe au sein du magazine Vogue
Une “grande photographe”
“Pour une personne britannique ou américaine, la seule chose plus impressionnante qu’un défilé de mode d’une maison française, c’est l’Académie française – et suivant ce principe, la seule chose plus intimidante qu’Annie Leibovitz, c’est Annie Leibovitz brandissant une épée.” a-t-elle déclaré avec humour.
Avant Anna Wintour, le photographe franco-brésilien Sebastião Salgado, lui-même déjà académicien et ami d’Annie Leibovitz, a aussi salué le parcours “d’une grande photographe issue d’un pays qui a une énorme tradition de portraitistes comme Irving Penn ou Richard Avedon” mais toujours en vie, pour sa part…Il a insisté sur son rôle central au sein des magazines Rolling Stone, Vanity Fair et Vogue et sa façon de “poser la question de l’intime dans une société de starification”.
Lors de la cérémonie d’investiture, d’émouvantes photos prises par Annie Leibovitz dans son intimité et d’autres, publiques, ayant fait le tour de la planète ont été projetées.
John Lennon photographié nu quelques heures avant sa mort
Parmi les plus connues, on citera celles de John Lennon, prises pour le magazine Rolling Stone le matin du 8 décembre 1980, dans son appartement et où il pose nu, enlaçant sa compagne Yoko Ono. Quelques heures plus tard, le célèbre chanteur des Beatles meurt assassiné.
Autre cliché retentissant, mais pour d’autres raisons, celui pris en 1991 de l’actrice Demi Moore, posant elle aussi dans le plus simple appareil et…enceinte, au grand dam de certains de ses compatriotes.
Plus récemment, en novembre 2022, Annie Leibovitz avait photographié Lionel Messi et Cristiano Ronaldo jouant aux échecs sur une mallette Louis Vuitton pour un spot publicitaire du célèbre malletier. Cette image des deux super super vedettes du football était aussitôt devenue virale et avait dépassé les 30 millions de mentions « j’aime » sur le compte de Cristiano, soit la publication la plus likée de cette année là !
Mais si le hasard a pu parfois interférer dans le sort de ses clichés, il n’a guère sa place dans le travail professionnel proprement dit d’Annie Leibovitz. Entourée d’une équipe d’éclairagistes, d’accessoiristes et de stylistes, elle “glamourise” ses portraits, à la fois très classiques et très sophistiqués, par un savant jeu d’éclairage et une post production attentive.
Le rôle…immortel de la photographie
Lors de sa cérémonie d’investiture, la photographe a pu elle-même livrer son approche personnelle de la photographie, et son rôle, toujours actuel (immortel ?), dans notre société.
“Le pouvoir de la photo, c’est le pouvoir de partager notre expérience avec les autres au-delà des différences de temps, de géographie, d’éducation ou de croyance, a-t-elle souligné. D’être témoin, le pouvoir de montrer ce qui autrement ne serait pas cru. Le pouvoir d’arrêter et de retenir ces moments qui nous dépassent. Que tant de personnes aient ce pouvoir entre leurs mains, et plus que jamais… c’est la grandeur de la photographie. En comprenant les autres on pourrait mieux se comprendre soi-même. Je pense sincèrement que cet honneur dont vous me gratifiez aujourd’hui exprime la conviction que, bien qu’elle évolue, la photographie est plus juste que jamais, a plus de force dans nos vies qu’auparavant.”
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Photo à la Une : © Académie des Beaux-Arts