Pendant des années, l’idée de quitter la France en tant que particulier fortuné (HNWI) était quelque chose que l’on pouvait envisager, mais rarement mettre en œuvre. Ce n’était pas courant. Ce n’était pas nécessaire. La plupart des gens construisaient leur vie et leur entreprise localement, se débrouillaient du mieux possible avec le code des impôts et vivaient leur vie.
Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Prenons l’exemple d’un de nos clients : un entrepreneur français de 49 ans qui a récemment déménagé avec sa famille. Après avoir passé plusieurs années à Paris, il a conclu que la France ne correspondait plus à son mode de vie ni à ses projets d’avenir. Avec 5 millions d’euros d’actifs liquides et 3 millions d’euros de biens immobiliers, il ne cherchait pas à fuir, mais à élaborer un plan.
Nous l’avons aidé à obtenir la citoyenneté de Saint-Kitts-et-Nevis grâce à leur programme de citoyenneté par investissement. Sa demande a été approuvée en cinq mois, sans obligation de résidence physique. Ce déménagement lui a apporté quelque chose d’essentiel : une stratégie de sortie de l’Europe et un filet de sécurité en cas d’instabilité politique.
Afin de mettre officiellement fin à sa résidence fiscale en France, nous l’avons aidé à rompre ses liens avec la France, à restructurer ses avoirs sous une entité basée au Luxembourg et à obtenir le statut de non-résident fiscal en France.
Pour notre client, il ne s’agissait pas d’échapper à l’impôt, mais de garantir clarté et contrôle dans un environnement de plus en plus incertain.
Une évolution plus large
Ce cas n’est pas inhabituel. Chez Savory & Partners, nous avons aidé plus de 180 clients français à obtenir une seconde résidence ou la citoyenneté depuis 2016. Le récent regain d’intérêt n’est pas motivé par la panique ou la politique, mais par un rééquilibrage discret. Les individus planifient plus sérieusement leur avenir.
Cette seule année 2025, la France devrait connaître une augmentation de 6,7 % du nombre de millionnaires quittant le pays. En soi, ce chiffre est modeste. Mais dans le contexte des trois dernières années, il reflète une tendance croissante à la remise en question.
Les politiques qui façonnent l’humeur
La trajectoire budgétaire de la France est l’un des facteurs qui motivent ces décisions. L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) s’applique aux biens immobiliers d’une valeur supérieure à 1,3 million d’euros. Les droits de succession peuvent atteindre 45 %. Plus récemment, une proposition visant à instaurer un impôt minimum de 2 % sur les particuliers disposant d’un patrimoine supérieur à 100 millions d’euros a pris de l’ampleur.
Ce ne sont pas les taux eux-mêmes qui sont les plus préoccupants. C’est le ton et la trajectoire. Un débat est en cours sur l’introduction d’un régime fiscal fondé sur la citoyenneté, similaire à celui des États-Unis. S’il était adopté, cela signifierait que même les personnes qui quittent la France pourraient continuer à être imposées sur leurs revenus mondiaux, à moins qu’elles ne renoncent complètement à leur citoyenneté.
Ces propositions ne seront peut-être pas toutes adoptées. Mais le fait qu’elles soient sérieusement envisagées suffit à modifier les comportements. Pour de nombreux clients, la question centrale n’est pas l’impôt, mais la planification stratégique. Ils se demandent si les systèmes sur lesquels ils s’appuient aujourd’hui seront toujours adaptés dans dix ans.
Où vont les individus
Les destinations les plus souvent citées sont toujours les mêmes. Dubaï, Lisbonne et Singapour offrent chacune quelque chose de différent, mais elles ont toutes en commun plusieurs caractéristiques essentielles : la stabilité politique, des opportunités économiques et un cadre réglementaire prévisible.
Dubaï, en particulier, est devenue un point de mire. Après avoir obtenu sa deuxième citoyenneté et restructuré ses affaires, notre client s’est installé aux Émirats arabes unis grâce à un visa d’investisseur. Il y est devenu résident fiscal. À Dubaï, il bénéficie d’un taux d’imposition nul sur le revenu, d’une exonération des plus-values et d’une absence d’impôt sur les successions ou sur la fortune. L’écosystème financier du pays est très international, efficace et bénéficie d’une confiance croissante de la part des investisseurs mondiaux à la recherche de visibilité à long terme.
Lisbonne continue d’attirer ceux qui recherchent une base européenne avec des politiques plus prévisibles. Singapour attire ceux qui ont une exposition internationale et qui ont besoin d’une présence opérationnelle sur plusieurs marchés.
Londres, en revanche, a perdu une partie de son attrait. Les changements apportés au régime des non-résidents et l’incertitude générale qui règne autour de l’orientation fiscale du Royaume-Uni en ont fait un choix moins évident pour la relocalisation.
Une réflexion plus large sur la citoyenneté
Les personnes mobiles à l’échelle mondiale reconnaissent de plus en plus que la citoyenneté n’est plus seulement une question de nationalité. Il s’agit également d’une construction financière et juridique. Et pour ceux qui ont des intérêts commerciaux ou de la famille dans plusieurs pays, la flexibilité est importante.
L’acquisition d’une seconde citoyenneté ou d’un second lieu de résidence s’inscrit souvent dans une stratégie plus large, qui comprend la protection des actifs, la planification successorale et la mobilité. Il ne s’agit pas de décisions émotionnelles. Elles sont logiques et prises bien avant toute crise.
Si la France décidait d’imposer ses citoyens à l’étranger, nous assisterions probablement à une augmentation des renonciations. C’est là que notre client est déjà préparé, puisqu’il possède un deuxième passeport. Renoncer à sa nationalité d’origine n’est pas une décision que l’on prend à la légère. Mais c’est un sujet qui revient de plus en plus souvent dans les conversations.
Le choix qui s’offre à nous
La France a une fière tradition d’esprit d’entreprise, de créativité et d’influence culturelle. Mais si l’environnement devient tel que ceux qui contribuent le plus se sentent le moins confiants en leur avenir, quelque chose finira par céder.
Il est tout à fait possible de concevoir un système fiscal à la fois équitable et compétitif, qui récompense la réussite tout en maintenant un modèle social solide. Mais cela nécessitera un cadre plus prévisible et un message plus clair sur ce que l’avenir nous réserve.
D’après ce que nous entendons, bon nombre des familles les plus riches de France n’attendent pas de savoir ce qu’il adviendra. Elles prennent des mesures dès maintenant, non pas parce qu’elles ont renoncé à la France, mais parce qu’elles veulent avoir le choix. Et elles considèrent de plus en plus cela comme une responsabilité, et non comme un luxe.
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Photo à la Une : rivages de Nice, considérée désormais comme ville la plus chère de France © Arno Smit Inda/Unsplash