Le Concert du Nouvel An, événement annuel le plus prestigieux de la musique classique, a eu lieu une nouvelle fois ce 1er janvier sous les ors du Musikverein de Vienne. Anton Bruckner fait son entrée dans le répertoire de l’orchestre philharmonique, d’ordinaire surtout accaparé par l’éminente dynastie des Strauss.
Point de repère intangible dans une époque aux prises avec une incertitude chronique, cet événement musical international ne désemplit pas. Seule entorse à sa programmation rassurante faisant la part belle à Johann Strauss, Johann Strauss II, Josef Strauss et Eduard Strauss et se clôturant invariablement par Le beau Danube bleu suivi de la Marche de Radetzky, neuf pièces (sur quinze) ont fait leur entrée cette année.
Parmi elles, Anton Bruckner dont on fête en 2024 le bicentennaire de sa naissance a été joué pour la première fois au Concert du Nouvel An.
Avec ses quelques 50 millions d’auditeurs à la télévision et à la radio issus de 90 pays, le concert du nouvel an de l’orchestre philharmonique de Vienne qui se déroule chaque année dans la capitale autrichienne les 30, 31 décembre et surtout le 1er janvier (unique représentation filmée en direct) est l’événement incontournable pour tout amateur de musique classique, profane comme connaisseur.
Fondé en 1939 mais filmé depuis 1958, le concert du nouvel an de Vienne peut prétendre aux côtés du Grand Concours de l’Eurovision au titre de plus ancien spectacle musical filmé, d’abord en mondovision puis en eurovision.
Au vu des tensions géopolitique mondiale, cette 84ème édition a été placée sous le signe de la paix et de la tolérance. Tout un symbole, c’est Christian Thielemann, le chef d’orchestre allemand de l’édition 2019 -précédent le confinement donc- qui a repris la baguette du prestigieux orchestre.
Digne héritier des Kapellmeisters germaniques
Particularité du Concert du Nouvel An, ce sont les musiciens du Weiner Phillarmoniker qui choisissent chaque année celui qui sera habilités à les diriger le jour J.
Pour l’édition 2024, leur choix s’est porté sur Christian Thielemann, chef d’orchestre berlinois et protégé du légendaire Herbert Von Karajan. Il succède ainsi à un autre habitué, l’Autrichien Franz Welser-Möst.
Christian Thielemann dirige ainsi pour la seconde fois l’orchestre philharmonique de Vienne.
Celui-ci aime se présenter comme le digne héritier des Kapellmeisters (littéralement “maitres de chapelle”), ces chefs d’orchestre touche à tout (concert philharmonique, opéra, offices religieux) rattachés à une ville allemande ou autrichienne, dans la plus pure tradition germanique.
Le chef d’orchestre de 64 ans est un habitué des grands compositeurs post-romantiques allemands et autrichiens, un répertoire qui va de Richard Wagner à Johannes Brahms, en passant par Richard Strauss.
Il a également enregistré l’intégral des symphonies d’Anton Bruckner, compositeur et organiste autrichien (1884-1896) qui a été joué pour la première fois au concert du Nouvel An.
En septembre prochain, Christian Thielemann succèdera au mondialement célèbre Daniel Barenboim en tant que directeur musical du Staatsoper de Berlin.
Chef principal de la Saatskapelle de Dresde depuis la saison 2011/2012, le maestro berlinois a également dirigé le Deutsche Opera de Berlin de 1997 à 2004 avant de devenir le directeur musical de l’Orchestre Philarmonique de Munich jusqu’en 2011. Il a fait ses débuts auprès de l’ensemble du festival de Bayreuth. Il a depuis dirigé de nombreux grands orchestres et assuré des concerts sur abonnement au Musikverein de Vienne mais aussi au festival de Salzbourg ainsi que dans des tournées au Japon, en Chine, en Europe et aux Etats-Unis.
Neuf oeuvres inédites
Depuis 1958, année de première télédiffusion, les époques passent et le Concert du Nouvel An ne se démode pas.
Au point que chaque édition se termine par trois bis.
Il s’agit d’une polka rapide suivie de deux œuvres majeures de Johann Strauss, le mondialement célèbre le beau Danube bleu pendant lequel le public applaudit en introduction, lui-même suivi par l’hymne pas si pacifique que ça, la marche de Radetzky où le public tape des mains en rythme avec la complicité du chef d’orchestre.
A première vue seuls les confettis surgissant des percussions – une grande première – ou les tableaux chorégraphiques du ballet de Vienne, filmés dans une Autriche de carte postale trahissent l’époque du diktat de l’image instagrammable.
Pourtant dans cette 84ème édition, la nouveauté est ailleurs : dans la programmation musicale.
Ainsi, pas moins de neuf œuvres ont fait leur entrée cette année, sur un total de quinze.
Hormis les douze œuvres relevant de la dynastie Strauss (pour l’essentiel de Johann Strauss notamment sa célèbre valse “Wiener Bonbons », valse, op.307, dédiée à la princesse Pauline Von Metternich), d’autres compositeurs étaient en vedette.
Karl Komzák II a ouvert la première partie du concert avec une marche quasi militaire – Erzherzog Albrecht-Marsch op. 136 – faisant résonner pour la première fois cette œuvre à pour cet événement dans le Musikverein de Vienne.
Joseph Hellmesberger II, compositeur, violoniste et chef d’orchestre autrichien a livré quant à lui une valse de circonstance “pour le monde entier” (« Für die ganze Welt »).
Le compositeur danois Hans Christian Lumbye, surnommé le Strauss du Nord a délivré un Galop : le Glædeligt Nytaar ! Galop.
Mais c’est le « Maître de Saint Florian » Anton Bruckner qui dénote cette année avec une œuvre de jeunesse virevoltante et espiègle à souhait : un quadrille, plus exactement le Quadrille WAB 121. Une oeuvre légère, parfaite pour contrebalancer le climat de tension géopolitique actuelle.
Riccardo Muti, prochain maestro
Après Christian Thielemann, ce sera au tour du maestro italien Riccardo Muti de prendre la baguette pour le Concert du Nouvel An et ce pour la septième fois !
En effet, l’homme a déjà dirigé le prestigieux orchestre en 1993, 1997, 2000, 2004 , 2018 et 2021.
Selon Daniel Froschauer, violoniste et directeur de l’orchestre “en tant que membre honoraire de orchestre depuis 2011, Riccardo Muti a contribué à façonner le répertoire et le son de l’orchestre d’une manière unique.”
Il aura la lourde tâche de célébrer le bicentenaire de Johann Strauss II, dont les œuvres se présentent comme des incontournables du répertoire du Concert du Nouvel An.
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Photo à la Une : © Philip Waldman/Musikverein