Immersion dans l’exposition « Harper’s Bazaar : Premier Magazine de Mode » au Musée des Arts Décoratifs

Jusqu’au 3 janvier prochain, le Musée des Arts Décoratifs (MAD) de la ville de Paris présente une grande rétrospective dédiée à l’iconique magazine de mode américain Harper’s Bazaar, de sa création en 1867 à nos jours, soit un siècle et demi d’histoire de mode.

 

C’est au sein des nouvelles galeries de la mode, entièrement rénovées grâce au mécénat du couple américain Stephen et Christine Schwarzman, tous deux impliqués depuis de nombreuses années dans le secteur de l’art et propriétaires d’une collection d’œuvres mirifique, que le MAD a inauguré sa nouvelle exposition temporaire consacrée au précurseur des magazines de mode.

 

 

Après une coupure liée à la crise du Covid-19, l’exposition a rouvert ses portes le 23 juin dernier et présente sur deux étages une soixantaine de créations de couture et de prêt-à-porter, issues essentiellement des collections du musée, ponctuées de prêts de pièces iconiques prestigieuses, toutes en correspondance avec leur parution dans le magazine.

 

L’exposition met également en avant les prestigieux rédacteurs en chef et photographes qui se sont succédé depuis plus de 150 ans : Carmel Snow et Diana Vreeland pour les premiers, Man Ray, Salvador Dali, Richard Avedon, Andy Warhol ou encore Peter Lindbergh pour les seconds.

 

L’exposition s’ouvre sur une bibliothèque sous vitrine composée d’une succession des unes du magazine à travers le temps, soulignant ainsi l’hétéroclisme d’un média qui n’a eu de cesse de se renouveler.

 

La première salle s’attarde plus particulièrement sur la première édition du Harper’s Baazar du 28 mars 1867 (alors écrit « Bazar », en référence au magazine allemand « Der Bazar » dont les frères Harper se sont très largement inspirés pour leur nouvel hebdomadaire destiné aux femmes), tenues d’époque à l’appui pour illustrer la vision du vestiaire féminin idéal que portait ce magazine autoproclamé « référent de la mode, du plaisir et du savoir vivre » et alors placé sous l’égide de la rédactrice en chef Mary Louise Booth, féministe et suffragiste notoire.

 

 

Salle après salle, le visiteur pénètre dans l’intimité du Harper’s Bazaar et découvre son évolution progressive vers un magazine iconique et prescripteur qui ne s’est plus contenté de simplement reproduire des robes de haute couture parisiennes dès lors qu’il est passé entre les mains du magnat de la presse William Randolph Hearst en 1913.

 

Ce dernier souhaite concurrencer Vogue et introduit la photographie dans le magazine, une initiative majeure quand on sait que grand nombre de photographes ont assis leur notoriété en collaborant avec Harper’s Bazaar (qui prendra son double A final en 1929).

 

Un premier tournant notoire amorcé avec l’arrivée en 1915 d’un ancien collaborateur de Poiret, Erté, qui confère par ses illustrations un style résolument art déco au magazine, en écho avec les années folles.

 

Une grande part de l’exposition valorise ces nombreux photographes et illustrateurs, de Richard Avedon qui a contribué à donner dès 1944 au magazine un style faussement décontracté, et ce pendant deux décennies, jusqu’à Peter Lindbergh qui l’a rejoint en 1992, en passant par Hiro, ancien assistant de Richard Avedon, dont l’ascension progressive au sein du magazine a commencé dès 1957, et Jean Paul Goude qui devient véritable meneur de revues pour le Harper’s Bazaar dans les années 2000.

 

 

Les femmes sont également mises à l’honneur tout au long de l’exposition car le Harper’s Bazaar doit son apogée à deux d’entre elles : Carmel Snow d’abord qui, après 11 années chez Vogue, insuffle dès 1933 au magazine un vent nouveau, promouvant un concept qui mêle spiritualité et élégance vestimentaire. Le magazine se destine alors à des femmes « well-dressed with well-dressed minds« , que l’on pourrait traduire par des femmes bien habillées avec un esprit bien aiguisé.

 

Carmel Snow déniche le génial designer et photographe Alexey Brodovitch qui, une fois nommé directeur artistique de Harper’s Bazaar en 1934, révolutionne le design du magazine, juxtaposant de façon inédite à l’époque textes et images et jouant avec les typographies.

 

Diana Vreeland ensuite, qui rejoint le magazine en 1936 et fait souffler sur celui-ci un vent libertaire et glamour teinté d’humour. Le trio Snow, Brodovitch et Vreeland a sans conteste propulsé le magazine dans la modernité en bouleversant ligne éditoriale et charte graphique.

 

Il faudra attendre les années 60 et l’émergence du Pop Art et de l’Op Art, avec en point d’orgue le numéro futuriste d’avril 1965, puis les années 70 et l’avènement du Disco, pour que le Harper’s Bazaar initie un nouvel esthétisme majeur.

 

 

Les années 1990 auront vu se succéder les stars du mannequinat en une du magazine : Kate Moss, Linda Evangelista, Cindy Crawford pour ne citer qu’elles, avant de laisser place plus récemment aux nouvelles icones des millenials que sont les femmes de la famille Kardashian/Jenner. Le magazine s’adapte à son époque et cède aux appels des influenceuses.

 

Le point fort de l’exposition repose sur la scénographie réalisée par le Studio Adrien Gardère : un voyage à travers les décennies et les styles vestimentaires grâce aux différentes pièces d’époque exposées mais aussi aux nombreux croquis, photos, films et patrons. Aux tenues de Worth, Poiret, Schiaparelli et Vionnet succèdent celles de Dior, Lanvin, Balenciaga, Lacroix, Chanel, Gucci, et d’autres icones de la mode plus récentes…

 

L’exposition fait une belle part à toutes les formes d’art, que ce soit la littérature, la photographie, le dessin ou le design, et à tous les mouvements artistiques dont le Harper’s Bazaar s’est fait l’écho depuis 150 ans. Elle nous rappelle également l’importance des hommes et des femmes qui contribuent -sous le diktat de l’exigence- à l’élaboration d’un magazine de mode. Ce dernier n’est pas qu’un simple objet de divertissement mais bel et bien un média porteur d’histoire, témoin d’époques passées et diffuseur de tendances futures.

 

 

Crédit photos : Barbara Legras

 

Infos pratiques

Jusqu’au 3 janvier 2021
Musée des Arts Décoratifs
107, rue de Rivoli
75001 Paris
Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h

madparis.f

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