La famille de boulangers Poilâne : la farine dans le sang

Alors que les boulangeries familiales continuent d’attirer le tout Paris et même Londres, Poilâne a soufflé ses 92 bougies cette année. Retour sur cette histoire patrimoniale, ode au savoir-faire artisanal et à l’art de bien manger.

 

L’exigence reste inchangée depuis bientôt un siècle. C’est ce qui a d’ailleurs fait la renommée internationale des boulangeries Poilâne : du pain avec une farine moulue par la pierre et du levain naturel, le tout cuit au four chauffé au feu de bois.

 

Tout commence en 1932, lorsque le boulanger Pierre Poilâne fonde sa première boutique dans le 6ème arrondissement de la capitale, au numéro 8 de la rue du Cherche-Midi. Si l’artisan s’est attelé à propager ses effluves de pain, il a aussi transmis sa passion à ses enfants, qui continuent de perpétuer son héritage.

 

Transmettre la passion du bon pain

 

Pierre Poilâne vend dans cet écrin sa miche Poilâne, une boule de bain à la mie légèrement grise pesant près de deux kilos. Alors que la mie blanche et la baguette sont préférées après la seconde Guerre Mondiale, le boulanger continue de produire ce pain de manière traditionnelle, en utilisant de la farine issue de blé moulu par de la pierre et non par un cylindre, ce qui permet au germe de la céréale d’être préservé et au pain de préserver tous ses nutriments.

 

 

Fort de son savoir-faire, Pierre fournit les magasins de bouche et les restaurants de la capitale. Il s’attelle, dans un même temps, à transmettre ses recettes et son artisanat à son fils, Lionel, le dernier d’une fratrie de trois. Formé par son père, Lionel développe l’entreprise familiale dans les années 70 et fait protéger la marque au niveau international. Cette structure permettra à la société de faire face à la rivalité avec le frère aîné de Lionel, Max, qui dépose le nom Max Poilâne en 1976.

 

Véritable homme d’affaires derrière sa casquette de boulanger, Lionel Poilâne constitue un solide réseau de distribution, de l’Angleterre à l’Asie. Dans les années 80, il construit une manufacture à Bièvres, en région parisienne, pour booster la production de son pain et fabriquer plusieurs tonnes de boules Poilâne quotidiennement.

 

 

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En 2000, la boulangerie s’étend à l’international avec une ouverture de magasin à Londres. Poilâne compte alors trois écrins. En 2002, un drame touche la famille : Lionel et sa femme Iréna décèdent dans un tragique accident d’hélicoptère. Leur fille, Apollonia prend les rênes de l’entreprise à tout juste 18 ans.

 

Apollonia Poilâne, la troisième génération

 

Bien que la jeune femme ait grandi entre les fours à bois et les sacs de farine, reprendre l’empire familiale n’a pas été de tout repos. D’autant plus qu’elle s’apprêtait à intégrer Harvard (elle y étudiera quand même pendant quatre ans). « En arrivant à la tête de Poilâne, à l’automne 2002, j’avais les bases mais, bien sûr, aucune expérience. J’ai été confrontée au terrain, en bénéficiant du soutien des hommes et des femmes qui, au quotidien nourrissent Poilâne, mais aussi des conseils et amis de mes parents. J’ai pu m’appuyer sur eux pour échanger, réfléchir, gagner en perspective. Ils ont représenté une vraie force pour aller de l’avant » a raconté la boulangère et cheffe d’entreprise au magazine Next Step.

 

 

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Sous sa direction, Poilâne ouvre une troisième boutique parisienne et une seconde à Londres en 2011, puis un 4ème magasin dans la capitale. Aujourd’hui, après quelques remaniements, la société familiale compte cinq boutiques à Paris et une à Londres. Le pain est vendu dans le monde entier grâce à un service d’expédition en 24h.

 

Apollonia n’a pas seulement dynamisé le business de l’entreprise. Pendant 10 ans, elle a par exemple travaillé à l’élaboration d’un pain de maïs, commercialisé depuis 2016. Elle a aussi ouvert un café à Londres, un comptoir de vente d’épicerie fine et de douceurs sucrées en parallèle de ses boutiques, un programme de formation interne nommé Pétrin Poilâne Training et  lancé un cours sur la fabrication du pain chez soi sur le site MasterClass.

 

 

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En 2019, le chiffre d’affaires de Poilâne était de 12 millions d’euros. 20% provient de la vente des boutiques et 80% de la vente aux professionnels, aux revendeurs et aux restaurateurs. Le groupe compte 160 compagnons-collaborateurs, dont une soixantaine de boulangers. La manufacture de Bièvres et les boutiques produisent 3000 à 5000 pains par jour.

 

En 2022, la crise sanitaire et les manifestations des gilets jaunes ont affaibli l’entreprise. Apollonia Poilâne prend alors la décision de demander au Tribunal de Commerce de Paris un plan de sauvegarde dans le but de geler les créances le temps de se refaire une santé et d’anticiper les difficultés.

 

Apollonia se veut confiante pour l’avenir et souhaite perpétuer cet empire familial. « J’aimerais un jour pouvoir transmettre l’entreprise à une quatrième génération ». Plusieurs projets sont par ailleurs sur la table.

 

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Photo à la Une : © Poilâne

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