Il y a des bâtiments qui sont voués à émerveiller le public décennie après décennie. C’est le cas de l’Opéra Garnier inauguré il y a 150 ans, le 5 janvier 1875. Ce palais parisien enchaîne depuis les spectacles de renommée mondiale, mis en valeur par un décor raffiné à la française.
Il est considéré comme l’un des plus beaux opéras du monde. 150 ans après son ouverture, cette institution artistique conçue par Charles Garnier, qui lui donna son nom, inspire encore et toujours les amoureux d’art du spectacle. Danseurs, chanteurs et orchestres se succèdent sur cette scène richement ornée. Chef d’œuvre de l’architecture théâtrale du XIXe siècle, l’Opéra Garnier porte en lui une histoire fascinante et d’innombrables anecdotes.
Un concours d’architecture gagné par Charles Garnier
Les racines de l’Opéra Garnier apparaissent en 1858, lorsque Napoléon III échappe de peu à un attentat à la bombe perpétré par l’anarchiste italien Orsini en se rendant à une représentation de l’Opéra de la salle Le Peletier. Deux ans plus tard, un concours est lancé pour trouver l’architecte qui aura la charge d’élaborer un nouveau bâtiment de 10 000m2 entre le boulevard des Capucines et la rue de la Chaussée-d’Antin dans le 9ème arrondissement. 171 candidats y participent. Parmi eux, de grands noms du secteur comme Eugène Viollet-le-Duc. Ce sera pourtant le jeune Charles Garnier, encore inconnu à l’époque qui sera retenu. Bien que titulaire du Grand Prix de Rome, Il n’est encore qu’inspecteur d’urbanisme dans le Ve et VIe arrondissement à Paris et titulaire du Grand Prix de Rome.
Si son projet est retenu – quand ceux de noms prestigieux comme Violet Le Duc sont retoqués – c’est parce qu’il a l’idée de proposer une structure métallique afin de contrer le risque d’incendie, véritable fléau de l’époque. Il doit toutefois tout enrober, en dissimulant le matériau phare de l’ère industrielle par des pierres nobles comme le marbre de carrare et le stuc.
« Il faut replacer cette construction dans un contexte plus large qui est celui des idées des Lumières qui, depuis le début du XVIIIᵉ siècle, préconisent que Paris soit dotée d’un opéra qui structure l’espace urbain et qui soit à la mesure de sa grandeur : capitale culturelle européenne » a expliqué Mathias Auclair, Conservateur général, directeur du département de la Musique de la Bibliothèque nationale de France, lors du podcast Point Culture de Radio France.
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Après une modification des plans et une longue phase d’assainissement, la première pierre est posée le 13 janvier 1862. En 1870, le chantier est stoppé en raison de la guerre contre la Prusse et de la chute de Napoléon III. Inachevé, l’Opéra devient une réserve de nourriture pour l’armée. Les travaux ne reprennent qu’en 1873, suite à l’incendie de la salle Peletier.
15 ans après le début du chantier, le lieu est officiellement inauguré en 1875 lors d’une soirée en grande pompe. Plusieurs spectacles sont proposés aux 2.500 invités venus découvrir la nouvelle adresse culturelle et artistique parisienne. Une personne manque pourtant à l’appel : Charles Garnier lui-même qui, n’étant pas sur la liste, n’a pas pu entrer dans le bâtiment. L’architecte a donc dû acheter son billet à 120 francs, une somme par la suite mise sur les frais généraux du théâtre. Le président Mac-Mahon le fit venir à l’entracte pour le décorer de la croix d’officier de la Légion d’honneur et, reconnu par quelques spectateurs, Charles Garnier sorti sous les applaudissements.
Une architecture inspirante et fastueuse
Le Palais Garnier se veut être un chef-d’œuvre du style Second Empire, mêlant des influences classiques, baroques et Renaissance. On y trouve plusieurs espaces publics : le Grand Foyer, les Pavillons, la Rotonde du Glacier, le Grand Vestibule et le mythique Grand Escalier à double révolution. Les matériaux choisis sont d’une grande noblesse, entre les marbres colorés, les mosaïques et une profusion d’ornements dorés qui éblouissent la rétine. Des décors, des tableaux et des statues viennent prendre part à cette composition, comme le plafond à voussures peint par Paul Baudry, le grand lustre de Jules Corboz, les tapisseries d’après des cartons peints par Alexis Joseph Mazerolle ou encore les sculptures en pierre représentant les compositeurs Rameau, Lully, Gluck et Haendel.
La grande salle peut accueillir 2 156 spectateurs sous un plafond majestueux peint par l’artiste russe Marc Chagall, œuvre moderne hommage à quatorze compositeurs, recouvrant le plafond d’origine, Les Muses et les Heures du jour et de la nuit (1875) réalisé à même la coupole en cuivre par Jules-Eugène Lepneveu. C’est d’ailleurs la seule modification majeure qu’a connu l’édifice électrifié en 1883. Ses fauteuils rouges contrastent à merveille avec l’or prédominant, tandis que le regard est porté vers la scène cachée par un rideau en trompe l’œil.
A son ouverture, l’opéra était avant un lieu pour se montrer et être vu, au point que 300 places ne présentent aucune visibilité voire une visibilité réduite tandis que la contenance de l’amphithéâtre reste disproportionnellement contrainte par rapport à la taille du bâtiment. Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour que le public se rende à l’opéra pour voir un spectacle. L’amphithéâtre à l’italienne (en forme de fer à cheval) cède la place à un théâtre à l’anglaise avec des sièges face à la scène.
Depuis son ouverture, l’édifice ne cesse d’inspirer ses pairs et les architectes aux quatre coins du globe. « Le Palais Garnier est non seulement un modèle d’opéras pour Varsovie, Cracovie, Zurich en Suisse, Sao Paulo ou encore Rio, mais aussi pour des bâtiments qui ne sont pas des opéras, notamment un hôtel en Inde ou encore le bâtiment historique de la Bibliothèque du Congrès à Washington » a expliqué Mathias Auclair à propos de ce Palais qui attire chaque année un million de visiteurs.
Un lieu d’anecdotes
Plusieurs histoires entretiennent le mystère du Palais, notamment celle du fantôme de l’Opéra. Ernest, un pianiste, organiste et compositeur devenu veuf après l’incendie au conservatoire de musique de la rue Le Peletier de 1873 aurait été défiguré par les flammes de l’ancien Opéra et se serait réfugié dans le Palais Garnier, en construction à l’époque, pour le hanter. Après plusieurs événements troublants ayant inspiré l’écrivain Gaston Leroux pour son roman Le Fantôme de l’Opéra, sa légende continue de perdurer.
Plus tard, en 1896, lors de la représentation de Faust, le contrepoids de l’immense lustre de la salle de spectacle se décroche et tombe sur les spectateurs. On compte plusieurs blessés mais un seul mort : une femme assise à la place numéro 13. Depuis, ce chiffre maudit accompagne l’histoire du Palais. Il n’y a par exemple pas de loge n°13.
Très peu le savent mais le Palais Garnier abrite un espace bien particulier. A une dizaine de mètres sous la scène de l’Opéra, un bassin de 25 mètres sur 50 prend place et sert d’importante nappe phréatique à la capitale, où les sapeurs-pompiers viennent régulièrement s’entraîner.
L’Opéra Garnier est aussi le théâtre d’essais du phonographe et du théâtrophone, inventions de la fin de siècle. Le premier objet enregistre et le second retransmet les spectacles. La première retransmission à la télévision s’effectue en 1975, avec le Don Giovanni de Mozart.
Des spectacles qui attirent le monde entier
Carmen de Georges Bizet, Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, Manon de Jules Massenet, La Traviata de Giuseppe Verdi, La Walkyrie de Richard Wagner… De nombreux opéras ont fait vivre la scène du Palais Garnier. Entre les œuvres historiques et un répertoire international, les plus grands trésors de cet art ont été interprétés.
Des ballets y ont aussi émerveillé le public. Le très célèbre Le Lac des cygnes de Piotr Ilitch Tchaïkovski, La Sylphide d’Adolphe Adam, Giselle d’Adolphe Adam ou encore Coppélia de Léo Delibes ont été dansés par les « petits rats de l’Opéra », qui ne sont autres que les élèves de l’Ecole de danse de l’institution.
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350 000 spectateurs viennent chaque année assister à ces représentations. Si la scène a fermé pour travaux de 2027 à 2029, l’Opéra Garnier entend bien fêter dignement son 150ème anniversaire. Cette Maison d’art et d’histoire a réuni, le 24 janvier au soir, l’ensemble des artistes avec les musiciens de l’Orchestre, les artistes des Chœurs et de l’Académie, les Étoiles et danseurs du Ballet, les élèves de l’École de Danse, ainsi que des artistes invités.
Diffusée sur France 5, la cérémonie de gala des 150 ans de Garnier, orchestrée par Thomas Hengelbrock et mis en scène par Victoria Sitja, a été précédé du documentaire « Une journée extraordinaire : 24 heures à l’Opéra Garnier ». La soirée a ainsi été notamment marquée par la présence des danseurs étoiles Valentine Colasante et Hugo Marchand , du premier danseur Thomas Docquir, du musicien Thomas Dunford ainsi que des chanteurs d’opéra Léa Desandre, Juan Diego Florez, Ludovic Tézier, Laurence Kilsby, Lisette Oropesa et Teona Todua.
S’en suivra une série d’événements. Des expositions de costumes et sur l’histoire du Palais aux visites thématiques en passant par des représentations inédites, l’année 2025 sera particulière riche au cœur de ce monument magique et onirique.
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Photo à la Une : © Unsplash