Drame du Titan : malédiction ou imprudence ?

La dernière exploration de l’épave du Titanic par le sous-marin Titan de la société OceanGate Expeditions a viré au drame, causant la disparition de cinq passagers, dont deux richissimes hommes d’affaires britanniques, et le fils de l’un d’eux. La question de la responsabilité de cette expédition de luxe de trop se pose…Avec au choix, une malédiction ou des causes prévisibles dénoncées dès 2018 par un lanceur d’alerte.

 

En 1912, le Titanic heurtait un iceberg dans l’Océan Atlantique et sombrait,  lors de son voyage inaugural.  Sur les 2 224 passagers et membres de l’équipage,  1 500 avaient  péri dans la catastrophe. 

 

 

101 ans plus tard, le 18 juin 2023, le sous-marin touristique Titan, avec cinq personnes à bord, plonge pour visiter l’épave du Titanic. Mais après seulement 1 heure 45 minutes de descente, et alors que la destination, soit l’épave, aurait dû être atteinte en deux heures et demi,  la communication est interrompue pour toujours. Le Titan ne revient pas à la surface en soirée comme c’était prévu. Quatre jours plus tard, malgré une intense mobilisation  des moyens de secours, les débris du Titan sont repérés par un robot à  environ 488 mètres  de ceux du Paquebot. Aucun passage n’a survécu à sa très probable implosion. 

 

Malédiction ou prise de risques ?

 

Après ce drame, les superstitieux diront que la malédiction du Titanic a encore frappé. Les plus rationnels observeront que toute exploration comporte sa prise de risques. Et que l’échec est aussi envisageable que le succès…

 

Depuis la découverte de l’épave du Titanic en 1985 à 650 kilomètres des côtes canadiennes, par 4 000 mètres de fond, mais aussi la sortie du film culte en 1997 de James Cameron, l’histoire dramatique de ce paquebot disparu ne cesse de fasciner.

 

D’innombrables expéditions de scientifiques, chercheurs de trésors mais aussi touristes ont eu lieu depuis.

 

Parmi les nombreuses sociétés proposant des excursions en sous-marin, figure ainsi depuis 2021 OceanGate Expeditions, qui affirme être l’une des rares à pouvoir visiter l’épave elle-même.

 

Une expédition à 250 000 dollars

 

Sur son site, OceanGate Expeditions présentait ce voyage de 10 jours dont  huit en mer, incluant la fameuse plongée  de 10 heures au maximum, comme une « chance de sortir de la vie quotidienne et de découvrir quelque chose de vraiment extraordinaire« .

 

Si aujourd’hui, cette promesse résonne drôlement, elle avait de quoi allécher plus d’un touriste. Même si le tarif pour un tel voyage –250 000 dollars (près de 230 000 euros)- n’est pas à la portée de tous. 

 

Certes, Stockton Rush, le Pdg d’OceanGate Expeditions, qui fait partie des cinq  personnes disparues avec le Titan,  déclarait fin 2022 à CBS que son entreprise attirait de nombreux « Titaniacs« , des fanatiques de son histoire  qui « hypothéqueraient leur maison ou ne sourcilleraient même pas devant le coût de ce voyage« .

 

Pour autant, le profil des trois passagers s’étant offert cette expédition fatale n’était pas celui de M. Tout le Monde. 

Deux hommes d’affaires fortunés

 

On comptait ainsi un entrepreneur aisé, Shahzada Dawood, 48 ans, et son fils Suleman, 19 ans. Ce  Pakistanais-britannique était le vice-président du conglomérat Engro basé à Karachi, dans le sud du Pakistan. Engro est présent dans plusieurs secteurs, de l’énergie aux télécommunications en passant par l’agriculture et la pétrochimie.

 

 

Le troisième passager était lui aussi un homme d’affaires britannique richissime, Hamish Harding, 58 ans. Le  PDG de l’entreprise de vente de jets privés Action Aviation avait déjà défrayé la chronique du tourisme de luxe pour amateurs de sensations fortes. 

 

Diplômé de l’université de Cambridge en sciences naturelles et ingénierie chimique, Hamish Harding faisait partie de la petite poignée de touristes happy few à s’être rendu dans l’espace. Hamisch Harding s’était ainsi embarqué en 2022 à bord de la fusée New Shepard, le cinquième vol commercial de Blue Origin, la compagnie de Jeff Bezos, pour un vol de dix minutes.  

 

Recordman au Guiness

 

Il avait aussi décroché plusieurs records inscrits dans le Guinness.

 

Dans les airs, il avait réalisé en avion le tour de la Terre en passant par les deux Pôles le plus rapide (46 heures, 40 minutes et 22 secondes). 

 

Sur terre, il avait exploré en 2016  à plusieurs reprises le pôle Sud, notamment en compagnie de l’astronaute Buzz Aldrin, devenu alors le plus vieil homme (86 ans) à atteindre ce point extrême.

 

Mais il avait aussi entraîné dans l’aventure l’un des deux fils qu’il avait eu de son épouse Linda, Giles. Lequel avait  décroché à 12 ans le titre de la personne la plus jeune à atteindre le pôle Sud !

 

Sous la mer,  Hamish Harding avait obtenu en 2021 le record du monde de plongée, à près de 11 000 mètres de profondeur dans un sous-marin de poche, le Challenger Deep. 

 

Avant de disparaître avec le Titan, Hamisch Harding avait fait part sur les réseaux sociaux de sa  fierté de participer à ce qui serait la première et sans doute la seule mission vers le Titanic cette année, en raison du pire hiver observé depuis 40 ans à Terre-Neuve, lieu de départ de l’expédition.

 

Aventuriers

 

Les deux autres passagers étaient aussi des aventuriers. Le Français Paul-Henri Nargeolet, 77 ans, était un ancien officier de marine, passionné d’archéologie maritime, et explorateur des fonds marins. En  1987, il était devenu responsable des sous-marins d’intervention profonde de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), elle-même associée aux retrouvailles de l’épave du Titanic en 1985. Paul-Henri Nargeolet avait ensuite  plongé à de nombreuses reprises avec le Nautile, remontant à la surface des centaines d’objets de l’épave.

 

Il était ensuite devenu le directeur du programme de recherche sous-marine de Premier Exhibitions, RMS Titanic, Inc, le propriétaire de l’épave.

 

 Il avait évoqué les risques qu’il prenait à bord du Titan. « Que vous soyez à 11 mètres ou à 11 kilomètres de profondeur, si quelque chose de grave se produit, le résultat est le même« , avait-t-il déclaré. « Lorsque vous êtes en eaux très profondes, vous êtes mort avant de vous rendre compte de ce qui se passe, ce n’est donc pas un problème ».

 

Un inventeur casse-cou

 

De son côté,  Stockton Rush, 61 ans, le  pdg d’OceanGate Expeditions,  qu’il avait fondée en 2009, était surnommé « l’inventeur casse-cou ». 

 

Cet homme sans barrière avait commencé par explorer le ciel, à l’âge de 19 ans, en 1981, devenant le plus jeune pilote de transport à réaction au monde. En 1985,  il était devenu ingénieur d’essais en vol sur avions de chasse F-15 chez McDonnell Douglas.

 

Mais  depuis une vingtaine d’années, il s’intéressait à l’océan, en impulsant  plusieurs entreprises tech, comme  BlueView Technologies, un fabricant de petits systèmes de sonar à haute fréquence.

 

Quelle explication ?

 

Avec OceanGate Expeditions  il emmenait des touristes à bord du submersible qu’il avait construit.

 

Jusqu’au drame…Là encore, selon leur tempérament, les observateurs y verront une cause plus ou moins rationnelle. 

 

Certains pourraient y voir l‘ombre des ancêtres de Wendy Rush. La veuve de Stockton est en effet la descendante d’Isodor et Ida Straus, victimes du Titanic …Le magnat fondateur des grands magasins Macy’s et son épouse passent pour le couple le plus riche ayant péri dans la catastrophe du Titanic. Se seraient-ils vengés pour avoir été dérangés pendant leur profond sommeil ?  

 

Lanceur d’alerte licencié

 

Mais les causes du naufrage pourraient être beaucoup plus terre à terre. Selon certains médias, Stockton Rush avait licencié son directeur des opérations maritimes en 2018 pour avoir dénoncé les problèmes de sécurité posés par le Titan…

 

OceanGate Expeditions vantait, elle, la résistance  aux énormes pressions de l’océan profond « du submersible, fait de titane et de fibre de carbone enroulée en filament » et doté du hublot « le plus grand de tous les submersibles de plongée profonde »  offrant « une vue inégalée« . Cette fois, cela aura été, hélas, une vue sur l’Au-delà…

 

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Photo à la Une : © Presse

Sophie Michentef has worked for more than 30 years in the professional press. For fifteen years, she managed the French and international editorial staff of the Journal du Textile. She now puts her press, textile, fashion, and luxury expertise at the service of newspapers, professional organizations, and companies.

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