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Israël sur le point de perdre la bataille de l’image

Israël sur le point de perdre la bataille de l’image

Jamais un conflit et une attaque terroriste n’avaient produit autant d’images violentes, parfois en temps réel grâce aux réseaux sociaux. une véritable baille d’images Si Israël n’a pas encore gagné sur le terrain militaire, une véritable bataille des images s’est engagée entre les parties au conflit. alors que l’opinion internationale ressent de plus en plus d’empathie pour des palestiniens pris en tenaille entre le Hamas et l’armée israélienne, cette dernière a diffusé à la presse les images du massacre du 7 octobre . Mais même en France, l’idée d’un soutien plein et entier à Israël, pays allié, n’est pas sans créer de polémiques.

 

Le conflit au Proche-Orient ne s’estompe pas et les jeux d’alliance ont été enclenchés. Comme avec l’Ukraine, les enjeux sont trop importants pour ne pas prendre position. Le Président Joe Biden avait prévu initialement une série de rencontres, d’abord avec le Premier ministre israélien à Tel Aviv, puis avec les dirigeants arabes en Jordanie. Cependant, à la suite de la frappe sur un hôpital de la bande de Gaza assiégée le mardi 17 octobre, le roi Abdallah II de Jordanie a annulé la réunion planifiée entre le président américain, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi et le président palestinien Mahmoud Abbas. Le Président américain n’a finalement pu rencontrer que le premier ministre israëlien.

 

 

Suite à ces événements, des manifestations ont éclaté le mercredi en Cisjordanie, en Jordanie, au Liban, en Tunisie, en Iran, en Libye et au Yémen. De nombreux rassemblements ont également eu lieu devant les ambassades des principales puissances occidentales, dont les États-Unis, le Royaume-Uni et la France.

 

Mercredi 18 octobre, tandis que Joe Biden informait les journalistes à Tel-Aviv qu’il avait réussi à convaincre Israël d’autoriser une aide humanitaire limitée à la bande de Gaza, les États-Unis ont opposé leur veto à une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies appelant à des « pauses humanitaires » afin de permettre l’accès à l’aide dans l’enclave palestinienne. Et l’Oncle Sam continue d’envoyer des armes lourdes et des troupes dans la région pour soutenir Israël…

 

Divisions occidentales

 

Pour la première fois depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, la France a pris une position différente de celle de ses alliés occidentaux au Conseil de sécurité en votant en faveur de la résolution proposant des pauses humanitaires. Dans un communiqué, le ministère français des affaires étrangères a exprimé ses « regrets » face à l’échec du Conseil de sécurité à adopter un texte qu’ils considèrent comme adéquat, selon leur représentant aux Nations Unies, Nicolas de Rivière.

 

 

Lors d’un sommet d’urgence de l’Union européenne mardi, plusieurs dirigeants ont averti que ne pas soutenir les droits des Palestiniens de Gaza pourrait exposer les États occidentaux à des accusations d’hypocrisie, comme l’a rapporté le Financial Times en citant plusieurs responsables. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a également été fortement critiquée pour ne pas avoir explicitement appelé Israël à respecter le droit international dans son conflit avec Gaza lors de sa visite dans ce pays la semaine précédente.

 

Par ailleurs, le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a notamment déclaré publiquement que les commentaires de la présidente de la Commission européenne « manquaient d’équilibre » et a insisté sur le fait qu’elle « ne parlait pas au nom de l’Irlande ».

 

« Les Européens commencent à s’inquiéter d’être perçus comme ne défendant pas le droit international. La position de solidarité sans réserve d’Ursula von der Leyen à l’égard d’Israël a été considérée comme unilatérale, leur faisant perdre leur pouvoir d’attraction dans le Sud. L’Europe dépend davantage du soft power que les États-Unis, qui s’appuient souvent davantage sur le hard power, même si cela s’avère de plus en plus contre-productif », analyse Sarang Shidore, directeur du programme Global South à l’Institut Quincy.

 

Cependant, la question qui se pose est de savoir pendant combien de temps Bruxelles continuera à tolérer les destructions répétées par Israël des infrastructures financées par l’UE à Gaza. Les 27 États membres ont longtemps été divisés sur cette question, mais jusqu’à présent, le débat s’est déroulé en privé. Si l’UE décide de rendre cette question publique et d’en faire un enjeu politique, elle pourrait certainement compter sur un soutien significatif des pays du Sud. En ce qui concerne les États-Unis, leur influence pourrait continuer à s’amenuiser, laissant place à la montée en puissance de la Russie et de la Chine, deux pays qui cherchent à redéfinir l’ordre mondial.

 

La guerre des images

 

Le conflit entre le mouvement islamiste palestinien et l’État hébreu se déroule également à distance, à travers les écrans. C’est devenu une guerre de l’image. Dans la soirée du mercredi, une chaîne arabe a diffusé une vidéo présentée comme inédite, montrant la libération d’une femme et de ses enfants par le Hamas. Dans un communiqué, le Hamas a déclaré avoir libéré ces trois Israéliens, sans préciser la date de leur libération. Les autorités israéliennes ont qualifié cela de manœuvre de communication. Cette scène aurait eu lieu le samedi, jour de l’attaque. Les autorités israéliennes ont identifié la femme comme étant Avital Aldjem, une résidente du kibboutz Holit qui avait déjà été interviewée à la télévision lundi.

 

Cette guerre de la communication a débuté simultanément à l’attaque. Dès l’attaque, le Hamas a diffusé un grand nombre d’images sur ses réseaux sociaux, cherchant à montrer son professionnalisme à travers des vidéos d’entraînement. Le Hamas utilise également les images pour inspirer la peur. Les réseaux sociaux sont devenus un champ de bataille où des Israéliens découvrent la mort de leurs proches pris en otage. En réponse, l’armée israélienne diffuse presque toutes les heures des témoignages de violences commises le 7 octobre pour remporter la bataille de l’opinion internationale.

 

 

Cette bataille des images rappelle la surcharge d’informations qui a accompagné le déclenchement de la guerre en Ukraine en février 2022. La généralisation des téléphones portables et de leurs appareils photo, associée à l’utilisation massive des réseaux sociaux, crée des conflits visibles en temps réel. Chacun peut partager instantanément une photo ou une vidéo, sans garantie absolue de sa véracité.

 

« Aujourd’hui, le niveau de désinformation est tel qu’un observateur extérieur honnête qui chercherait simplement à s’informer, se retrouverait en proie au doute en permanence. C’est un moteur très puissant du conflit, puisque ne pas savoir sur quel pied danser par rapport à l’information qu’on a, c’est le risque d’être emporté par celui qui fait le plus de bruit. Et le milieu informationnel est une composante déterminante de la guerre », analyse Hugo Micheron, docteur en sciences politiques.

 

Ophélie Coelho, spécialiste en géopolitique du numérique, revient sur le format informationnel que permet les réseaux sociaux. « Il y a une instantanéité, une capacité de diffuser très rapidement l’information, qui souvent est simplifiée à l’extrême puisqu’on a des contenus très courts. Cette simplification à l’extrême fait que l’utilisateur a assez peu de possibilités ou en tout cas n’a pas le réflexe aussi d’aller chercher plus loin. Cela formate nos manières de penser et aujourd’hui, quand on parle notamment du fait que les entreprises vont chercher à stimuler, en tout cas récupérer nos capacités d’attention, notre temps de cerveau disponible, on est tout à fait sur ces mécanismes-là quand il s’agit de propagande. »

 

Influence des Big Tech

 

Les réseaux sociaux sont tenus de modérer ces contenus conformément aux directives européennes. Cependant, sur X (anciennement Twitter), la gestion des contenus est devenue instable depuis l’acquisition de la plateforme par Elon Musk, qui ne s’est pas encore exprimé sur le conflit. Cette nouvelle situation pourrait également créer des problèmes pour TikTok, une plateforme chinoise où les vidéos prolifèrent.

 

« L’Europe, c’est le premier espace numérique au monde. C’est 1,5 fois l’espace numérique américain. Et pourtant, l’Europe n’a aucun réseau social. Donc vous avez les GAFAM qui appartiennent aux États-Unis, vous avez des réseaux sociaux russes ou chinois. Et nous, on n’a pas de souveraineté algorithmique. La réalité, c’est qu’on les utilise, mais on ne les possède pas. Et aller réguler quelque chose qu’on ne possède pas, ce qu’essaye de faire Thierry Breton, c’est très compliqué », souligne Hugo Micheron.

 

L’encadrement des Big Tech par l’Union Européenne présente ainsi certaines limites.

 

« Il y a des portes d’accès au marché et à l’information qui doivent être régulées, en tout cas surveillées. Le problème, c’est que quand on parle de désinformation, on rentre dans une problématique, notamment dans nos sociétés, qui est de confronter d’un côté la liberté d’expression et la régulation excessive qui pourrait entraver la liberté de parole. Concernant l’Europe, le DSA doit réguler les plateformes, encore faut-il qu’elles soient d’accord », rappelle Ophélie Coelho.

Voir aussi

 

Sous la direction d’Elon Musk, X a réduit de manière significative le nombre de ses modérateurs, transformant la plateforme qui était autrefois un espace de débat d’informations en une arène d’opinions diverses et de désinformation. Désormais, parmi X, Telegram, mais aussi TikTok et Meta, qui font tous l’objet d’enquêtes de l’UE, les réseaux sociaux deviennent des canaux pour la diffusion d’images, qu’elles soient authentiques ou trompeuses, et qui ont tendance à enflammer certaines bulles partisanes.

 

Quoi qu’il en soit, une véritable bataille des images fait rage sur les réseaux sociaux. Alors que l’opinion publique s’émeut des images de civils morts sous les bombes ou jetés sur les routes dans la bande de Gaza, après le pilonnage des positions du Hamas, Israël a répliqué avec une conférence de presse inédit. Celle-ci a montré, pendant trois quarts d’heure, des images insoutenables du massacre du 7 octobre.  

 

Macron visite le Proche-Orient

 

Mardi 24 octobre, Emmanuel Macron s’est rendu en Israël afin d’exprimer sa solidarité au peuple israélien et à son dirigeant, Benyamin Netanyahou, à qui il a présenté ses condoléances. « Nos deux pays sont liés par le même deuil », a ajouté le président français, tandis que son homologue israélien promettait une fois encore de « détruire le Hamas ».

 

 

Après sa visite en Israël, Emmanuel Macron s’est rendu à Ramallah, en Cisjordanie, pour s’entretenir avec le Président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas. À l’issue de l’entretien, le Président français a fait part au dirigeant palestinien de ses « condoléances au peuple palestinien » qui vit une « grande détresse » ainsi qu’à « toutes les victimes de la spirale de violence engendrée par l’attaque terroriste du Hamas ».

 

 

Pour Emmanuel Macron, l’attaque du Hamas contre Israël est « aussi une catastrophe pour les Palestiniens », soulignant que « rien ne saurait justifier les souffrances » des civils de Gaza. « Une vie palestinienne vaut une vie française qui vaut une vie israélienne », a-t-il ajouté. « Nous partageons la même position, le rejet de toute violence », a poursuivi Emmanuel Macron. « Le Hamas ne représente pas le peuple palestinien. La France maintient son soutien à la société civile palestinienne et à l’Autorité palestinienne », a-t-il souligné, annonçant une « aide exceptionnelle » de l’Hexagone en faveur de la Palestine.

 

Mahmoud Abbas a, pour sa part, appelé à un « cessez-le-feu total » sur la bande de Gaza, dénonçant la « responsabilité d’Israël et ceux qui ont encouragé le pays à poursuivre ses actes d’agression » sur Gaza.

 

Une autre déclaration du Président français a suscité quelques interrogations : celle de « bâtir une coalition régionale et internationale » pour « lutter » contre l’organisation terroriste établie à Gaza. En France, le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a immédiatement réagi sur X, dénonçant un « retour à la théorie de la guerre au terrorisme de G.W Bush et les néoconservateurs ». François Ruffin, député LFI, a réagi à son tour sur X : « confusion et improvisation : en Israël, voilà le bilan de Macron ».

 

Ainsi, en France, les politiques s’entredéchirent, au point de faire dire que le conflit pourrait devenir la nouvelle affaire Dreyfus.

 

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Photo à la Une : ©Presse


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