Lors d’un déjeuner au restaurant Drouant, le jury du Prix Littéraire 30 Millions d’Amis, présidé par Didier Decoin, a récompensé l’auteur de Son odeur après la pluie (Stock), ce 15 novembre.
Il n’a pas la renommée du classique prix Goncourt, né en 1903….Lui-même créé en 1982, le Prix Littéraire 30 Millions d’Amis, désigné comme le « Goncourt des animaux », emprunte le lieu, les us et coutumes du célèbre prix littéraire et est doté d’un jury prestigieux à faire pâlir d’envie plus d’un organisateur de Prix.
Dans cette compétition, l’animal est à l’honneur, qu’il soit ou non le personnage principal de l’œuvre. Un parti pris qui a toute sa place en France où la moitié des foyers a un animal de compagnie. 68 % des Français le considèrent d’ailleurs comme un membre de la famille à part entière.
En novembre, le mois des prix, il fait habituellement un temps… de chien. Mais ce mercredi 15 novembre 2023, la météo est plutôt douce. Nul besoin de s’abriter sous un parapluie devant le restaurant Drouant, place Gaillon à Paris, pour attendre le nom du lauréat de la 41ème édition. Au premier étage de l’institution, une grappe de journalistes et de photographes patientent sagement dans le Salon Proust qui jouxte le célèbre Salon Goncourt.
Le point commun des membres du jury ? Ils sont sensibles à la cause animale et très attachés à ce rendez-vous annuel. Didier Decoin, Président de l’Académie Goncourt, est Président du Prix 30 Millions d’Amis. Parmi les neuf jurés, sont présents Reha Hutin, la Présidente de la fondation 30 Millions d’Amis, l’académicien Frédéric Vitoux, les écrivains Didier Van Cauwelaert (Prix Goncourt 1994) et Irène Frain (Prix Interallié 2020), le philosophe et romancier Frédéric Lenoir, l’éditrice Teresa Cremisi. Manquent cependant à l’appel le très attendu Michel Houellebecq (Prix Goncourt 2010) et Joël Dicker, auteur suisse (Goncourt des lycéens 2012), au rendez-vous lors des précédentes éditions.
Seize ouvrages sont en lice. « Cette sélection foisonnante témoigne, une nouvelle fois, à quel point les animaux sont un sujet littéraire de choix », rappelle Reha Hutin.
Le Prix du Roman est doté d’un prix de 3 000 euros et le Prix de l’Essai d’un prix de 1 000 euros, sommes que les lauréats doivent intégralement reverser à l’association de protection animale de leur choix.
Ballet des serveurs virevoltants avec leurs plateaux en argent. Du salon Goncourt s’échappent des bribes de phrases, des exclamations, des rires. Après une demi-heure d’attente, les portes s’ouvrent enfin. Fini le suspens.
Teresa Crémisi annonce : « Le Prix 30 Millions d’Amis a été décerné à Cédric Sapin-Defour pour son livre « Son odeur après la pluie », paru aux éditions Stock, au deuxième tour de scrutin. Le Prix de l’Essai a été décerné à « Comment parler baleine » de Tom Mutsill paru aux éditions Albin Michel. »
Consécration d’un succès de librairie auprès du grand public
Paru en mars avec un modeste tirage de 4 000 éditions, Son odeur après la pluie raconte une histoire d’amour entre son narrateur, écrivain et alpiniste, et son chien, Ubac, un bouvier bernois.
Ce livre a été l’un des succès de librairie l’été dernier avec 75 000 exemplaires vendus à la mi-septembre. Il s’agit d’un petit miracle éditorial. Alors pourquoi distinguer Cédric Sapin-Defour plutôt que de faire connaître un écrivain moins en vue, mais talentueux ?
« On s’est dit que les lecteurs seraient probablement fâchés si le Prix 30 Millions d’Amis ne couronnait pas ce livre très apprécié par le grand public», explique Didier Decoin. L’ouvrage n’a cependant été retenu qu’au second tour, le jury s’étant interrogé sur l’opportunité de choisir un autre livre parmi les huit fictions sélectionnées.
Le nom du lauréat une fois connu, l’assemblée trépigne d’impatience, lorgnant vers la porte. Cédric Sapin-Defour arrive enfin dans le salon ovale, accueilli par les applaudissements.
« Ce prix représente beaucoup pour moi, a réagi l’écrivain devant les caméras. Cela me touche beaucoup. Ce livre est une histoire d’amour entre deux espèces différentes, un homme et son chien. Si, à la fin de la lecture, on appréhende le chien ou tout autre animal comme un être à part entière, c’est formidable. » Puis, il a ajouté en petit comité. « Le bonheur a ses dates de péremption. Prendre ce chien, c’était accueillir son amour. C’est aussi l’histoire d’un deuil après treize années communes. Ecrire ce livre m’a permis de revivre une deuxième fois avec Ubac. Il m’a fait aimer et comprendre différemment la vie. »
Morceau de choix : « C’est ainsi, il m’a regardé, je l’ai regardé, nous nous sommes dit, c’est toi et la Terre a changé d’axe, les mystères d’une vie plus ample que nous, voilà tout. »
« Un livre poétique et écrit avec beaucoup de justesse », souligne Frédéric Vitoux.
Un animal offre bien des joies, mais son maître sait qu’il aura à vivre un chagrin d’amour, irrémédiable, incontournable…
Irène Frain confie : « Après avoir eu successivement deux chats, je ne veux plus en adopter. Mon chat me tenait compagnie dans mon travail. Il n’était pas sur mes genoux, mais sur l’ordinateur pendant que j’écrivais. »
La Fondation 30 Millions d’Amis a eu la bonne idée de créer aussi un Prix de l’Essai. En effet, de nombreux ouvrages dans ce domaine méritent d’être aussi mis en valeur.
Tom Mustill a donc obtenu le Prix de l’Essai avec son ouvrage « Parlez-vous baleine », le jury ayant estimé qu’il était important de démystifier la baleine, un animal très intelligent. Du coup, le dauphin, très prisé des écrivains, perd momentanément sa première place sur le podium littéraire.
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Photo à la Une : Le jury du Prix littéraire 30 Millions d’Amis et le lauréat 2023 Cédric Sapin-Defour © Fondation 30 Millions d’Amis