La période de Pâques ne serait pas la même sans ses emblématiques œufs en chocolat. Une tradition qui, cette année encore, a réjoui les petits comme les grands. Une ombre plane pourtant au-dessus de l’industrie chocolatée.
Pour la première fois de son histoire, le prix des fèves de cacao a dépassé la barre symbolique des 10,000 dollars la tonne le mardi 26 mars. Les géants industriels sont déstabilisés face à cette envolée fulgurante et la perspective d’épuisement des stocks. Au vu de la consommation croissante de chocolat à travers le monde entier, le scénario de pénurie inquiète.
La folie chocolatée
Les productions de cacao doivent faire face à une demande accrue et mondiale. Les pays d’Asie ont notamment développé une appétence toute nouvelle pour le chocolat. Depuis les années 1990, la croissance du marché en Chine a poussé des marques étrangères telles que Ferrero, Cadbury ou Mars à s’implanter.
Cette gourmandise n’a pas tardé à intégrer les traditions du pays. Dans le cas de la Fête de la Mi-automne, ayant lieu en Chine chaque année, les gâteaux de lune sont la spécialité de l’évènement. Généralement fourrées de haricots rouges, de jaune d’œuf ou de viande, ces pâtisseries ont été repensées par des géants comme l’américain Starbucks ou le chocolatier belge Godiva qui proposent désormais des gâteaux de lune au chocolat.
En surfant sur ce nouvel attrait pour le cacao, les marques s’assurent une clientèle de plus en plus étendue.
Des récoltes en péril
Le facteur principal de cette crise du cacao ? Les mauvaises conditions climatiques actuelles. Le phénomène, « El Niño », responsable des températures extrêmes observées il y a quelques semaines notamment au Brésil, impacte aussi l’Afrique. La Côte d’Ivoire et le Ghana, principaux producteurs de fèves, représentent à eux deux plus de 60% du cacao mondial.
« El Niño » aurait fait baisser leur dernière récolte globale de 11%, selon l’Organisation internationale du cacao. La demande pourrait excéder l’offre de près de 400.000 tonnes cette année. Une situation qui devrait avoir des répercutions rapides sur les stocks mondiaux.
Des actions qui fondent
L’envolée récente des prix du cacao inquiète les investisseurs soucieux de leurs marges. Aux États-Unis comme en Europe, les professionnels de l’industrie gardent l’œil ouvert. Le géant agroalimentaire Nestlé ( Smarties, Lion, KitKat ) a vu son cours à la Bourse de Zurich flancher progressivement depuis 2023, perdant environ 18% en presque un an. Sur la même période, Barry Callebaut, le plus grand producteur mondial de chocolat en vrac, fait face à une perte de 33%.
La situation n’est guère meilleure de l’autre côté de l’Atlantique. À la Bourse de Wall Street, le géant Mondelez, propriétaire de Côte d’Or, Milka et Toblerone, a assisté à une baisse de près de 10% sur un an.
Une industrie destructrice
Si la raréfaction du chocolat devrait peiner les gourmands, l’environnement ne s’en portera que mieux. La production d’un kilo de chocolat représente à elle seule près de 30 kilos de carbone. Ce chiffre élevé est dû à la déforestation occasionnée par la culture des fèves de cacao.
En 2018, l’ONG Mighty Earth a dévoilé des statistiques affolantes sur cette industrie. Au Ghana et en Côte d’Ivoire, près de 14 000 hectares de forêt ont disparu, soit l’équivalent de 15 000 terrains de football. Les exigences des grands industriels encouragent les agricultures à enfreindre les mesures prises pour la protection des forêts et impactent même des zones protégées.
Les ONG estiment qu’à ce rythme, la totalité des forêts ivoiriennes auront disparu d’ici 2034 si la tendance ne s’inverse pas. Un sujet sensible pour les géants industriels, mais également pour les cultivateurs locaux qui vivent de la production de ces fèves.
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