Vente aux enchères : record battu pour les joyaux de la milliardaire Heidi Horten

Malgré les origines sulfureuses de la fortune de feu son mari, Helmut Horten, qui avait bénéficié de la spoliation de biens juifs en 1933, la dispersion de la collection de sa veuve, Heidi, elle aussi décédée, a dépassé toutes les espérances. Une partie des 203 millions de dollars, (188 millions d’ euros) sera reversée à des organisations dédiées à l’holocauste.

 

L’argent n’a pas d’odeur…Les bijoux non plus pour certains.

 

La vente de la plus grande et plus précieuse collection privée de bijoux jamais mise aux enchères, les 10 et 12 mai à Genève, a bien failli bénéficier d’une story-telling digne de Disney.

 

L’histoire d’une belle innocente autrichienne de 19 ans, nommée Heidi Jelinek dont tombe amoureux Helmut Horten, un milliardaire allemand de 32 ans son aîné.

 

La suite est à l’avenant : ils se marient en 1966 et à défaut d’enfant, collectionnent ensemble beaucoup d’œuvres d’art, et beaucoup de bijoux pour l’épouse adorée, pour qui rien n’est trop beau.

 

Le mari meurt en 1987, avant sa femme donc, et celle-ci continue de s’acheter des joyaux comme personne avant ou après elle…Au total, des centaines de colliers, bracelets, boucles d’oreilles, bagues et autres broches des Maisons les plus fameuses (Bulgari, Cartier, Tiffany, Harry Winston et Van Cleef & Arpels ) vont rejoindre ses coffres.

 

700 pièces aux enchères

 

Après sa mort, en 2022, les exécuteurs testamentaires confient la collection à Christie’s qui a procédé à la vente de 700 pièces aux enchères à Genève les 10 et 12 mai derniers.

 

Dès le premier jour, alors que Christie’s n’en attendait “que” 150 millions de dollars (139 millions d’ euros) la vente réalisée in situ atteint 155 millions de dollars (144 millions d’ euros). Et le deuxième jour, avec la vente réalisée «online», le montant dépasse les 203 millions de dollars, soit 188 millions d’ euros.

 

Soit un record qui détrône les deux précédents, celui de la dispersion de la collection de la star hollywoodienne Elisabeth Taylor en 2011 et la vente dite “du siècle” de celle des plus grandes familles royales indiennes, la Maharajas and Mughal Magnificence en 2019. La première avait rapporté 115,9 millions de dollars (107 millions d’ euros) et la seconde 109 millions de dollars (101 millions d’ euros).

 

Initialement, l’intégralité du fruit de la vente Heidi Horten, dont la “dimension caritative était un élément essentiel” , devait revenir, comme l’indiquait encore début mai Christie’s, “à une fondation qui soutient des causes philanthropiques, notamment la recherche médicale, le bien-être des enfants et l’accès aux arts, conformément aux souhaits de Mme Horten” .

 

Oui, mais voilà, le premier mari de Heidi, Helmut Horten n’était pas n’importe qui.

 

Une fortune bien mal amorcée

 

Avant les enchères, une enquête du New York Times rappelle la triste genèse de sa fortune. Helmut Horten a en effet amorcé cette dernière à 24 ans, en 1933, en bénéficiant de la vente sous pression d’actifs commerciaux par des familles juives allemandes. Après avoir réussi à échapper aux poursuites après-guerre, il s’était refait une virginité en devenant le bâtisseur éponyme de Horten, la quatrième plus grande enseigne allemande de grands magasins.

 

Ces révéléations jettent un froid et certains demandent alors que cette vente aux enchères caritative profite à des organisations dédiées à l’enseignement et à la recherche sur l’Holocauste.

 

Sous pression, Christie’s finit par annoncer, avant la vente aux enchères, sur son site Web, que celle-ci serait finalement suivie d’un don « significatif » à ces organisations.

 

Le 8 mai, Anthea Peers, la Présidente de Christie’s EMEA, avait en effet souligné que “la décision de Christie’s de prendre en charge la vente des bijoux de la succession de Heidi Horten a été prise après mûre réflexion”.

 

Vérification approfondie

 

Nous connaissions l’histoire des actions d’Helmut Horten pendant la période nazie, lorsqu’il a acheté des entreprises juives vendues sous la contrainte, avait détaillé la responsable de la Maison aux enchères. Ses activités ont été bien documentées et ont servi de base à sa richesse ultérieure. Cependant, sans ignorer ou excuser les actions de M. Horten, la collection de bijoux de son épouse, Heidi Horten, a été rassemblée des décennies plus tard, entre le début des années 1970 et 2022, l’année de son décès”.

 

Comme tous les biens confiés à Christie’s, cette collection a fait l’objet d’un processus de vérification approfondi, a encore argumenté Anthea Peers. La provenance de chacun des 700 objets mis aux enchères est bien documentée, avec des indications d’achat détaillées, et aucun de ces bijoux ne provient d’une spoliation ou d’une vente forcée à un propriétaire juif”.

 

Des joyaux exceptionnels

 

Si cette vente laissera un goût amer à certains, elle en a réjoui d’autres qui ont profité de la dispersion de cette collection exceptionnelle.

 

Parmi les joyaux tombés dans l’escarcelle de nouveaux propriétaires, on retiendra le «Bulgari Laguna Blue», une pierre bleue adjugée à 22,6 millions de francs suisses (23,1 millions d’euros) ou le diadème, un chef-d’œuvre Art déco, porté par George VI et Elizabeth II lors de lors de leurs couronnements, plus modestement vendu 945 000 francs (867 000 euros).

 

Autre merveille de la collection, considérée comme l’une des cinq plus grandes de la maison Bulgari : un spectaculaire collier de diamants, saphirs et émeraudes aux couleurs saturées, serti en son centre d’un diamant rond de 46,56 carats de taille brillant.

 

La vedette incontestée, signée Cartier pour sa part, la plus précieuse selon des experts, était le ‘Sunrise Ruby’ de 25,59 carats . Ce rubis est  » l’un des plus recherchés au monde « selon Christie’s en raison de sa “couleur rouge sang de pigeon saturée très recherchée et extrêmement claire” .

 

Orné d’émeraudes et de diamants eux aussi impressionnants, un grand collier moghol a lui aussi attiré les regards : une émeraude sculptée de 362,45 carats, datant du 19e siècle représentant une scène du poème épique indien Ramayana, y a été sertie par Harry Winston.

 

En revanche, le diamant bleu des Wittelsbach, provenant de la couronne bavaroise, offert en cadeau de noces par Helmut à Heidi ne figurait pas dans la vente. Après le décès de son mari, Heidi l’avait déjà revendu à Londres en 2008 pour 16,5 millions de livres (19,24 millions d’euros).

 

Pour ceux qui auraient manqué le premier épisode, ce feuilleton digne de Netflix ne s’arrête pas là. Christie’s a annoncé qu’une nouvelle vente de bijoux Horten se déroulerait en ligne en novembre 2023.

 

 

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Photo à la Une : © Presse

Sophie Michentef has worked for more than 30 years in the professional press. For fifteen years, she managed the French and international editorial staff of the Journal du Textile. She now puts her press, textile, fashion, and luxury expertise at the service of newspapers, professional organizations, and companies.

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