Réunis à Stresa du 23 au 25 mai, les ministres des Finances des pays du G7 ont abordé plusieurs enjeux mondiaux, notamment le soutien financier à l’Ukraine et les tensions commerciales avec la Chine. À l’approche du Sommet du G7 qui se tiendra en juin, les discussions ont également porté sur les répercussions des avoirs russes gelés et les potentiels risques de représailles de la part de Moscou.
Deux jours de discussions cruciales sur les rives du Lac Majeur, en Italie. Les ministres des Finances des pays du G7 se sont réunis jeudi 23 mai à Stresa pour discuter des réponses collectives à plusieurs enjeux globaux. Ils ont abordé notamment le soutien financier à l’Ukraine et la concurrence industrielle de la Chine.
« Des progrès ont été accomplis », a commenté l’hôte de la réunion, le ministre italien de l’Economie Giancarlo Giorgetti, qui a salué « la forte prise de position politique » de tous les pays du G7, qui comprend les Etats-Unis, l’Italie, le Japon, le Canada, la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne. « L’accord trouvé est un accord politique », a-t-il ajouté.
Le ministre italien reconnait toutefois qu’il subsistait « des problématiques importantes de caractère technique et juridique » à résoudre d’ici le Sommet des dirigeants des pays du G7, qui se tiendra du 13 au 15 juin dans les Pouilles (Italie).
Lors de la rencontre à Stresa, un point central des discussions a été l’utilisation des intérêts générés par les actifs russes gelés à l’étranger pour financer l’aide à l’Ukraine.
« Le G7 semble se rapprocher d’un accord visant à utiliser une partie substantielle de l’argent russe » pour lutter contre « la guerre de destruction nationale menée par la Russie contre l’Ukraine », a commenté le centre de réflexion Atlantic Council. « Même si ce n’est pas suffisant, c’est un grand pas et il faut le faire rapidement ».
Utiliser les avoirs russes gelés
Les avoirs russes, évalués à environ 280 milliards de dollars, génèrent entre 3 et 5 milliards de dollars d’intérêts par an.
Début mai, un accord de principe a déjà été validé par l’Union européenne pour utiliser les revenus de ces actifs afin de soutenir l’Ukraine, concernant les 185 milliards de dollars d’actifs détenus par la société européenne Euroclear. L’organisme international de dépôts de fonds basé en Belgique a généré entre 2,5 et 3 milliards d’euros cette année.
« Nous proposerons d’utiliser les bénéfices exceptionnels des actifs russes pour les années à venir », a déclaré le ministre français des finances, Bruno Le Maire, avant la séance d’ouverture, consacrée à un examen général de l’économie mondiale.
Toutefois, selon Bruno Le Maire, « cette saisie fragiliserait l’ordre financier international », soulignant les nombreux obstacles juridiques et les potentiels litiges avec Moscou. Ainsi, les discussions se concentrent sur l’utilisation des revenus plutôt que sur la confiscation totale des avoirs.
Le plan américain
Afin d’assurer les besoins financiers de l’Ukraine pour 2025 et au-delà, les États-Unis ont également proposé un plan lui accordant jusqu’à 50 milliards de dollars de prêts garantis par les futurs revenus des actifs russes gelés.
« Nous soutenons la décision de l’UE d’utiliser les bénéfices exceptionnels générés par ces actifs, mais nous devons aussi poursuivre nos efforts collectifs en faveur d’options plus ambitieuses », a déclaré Janet Yellen, secrétaire américaine au Trésor américain, qui prône pour un front commun.
Ce plan serait un acquis tangible pour l’administration de Joe Biden, en vue de la présidentielle américaine. Donald Trump, en cas de victoire, n’a pas caché son scepticisme quant au soutien apporté à l’Ukraine.
Toutefois, de nombreuses questions restent à régler, notamment celles de savoir qui émettra la dette (les États-Unis seuls ou les pays du G7), qui administrera le prêt (la Banque mondiale ou un autre organisme) et comment il sera garanti.
Représailles de Moscou ?
Les discussions ont également abordé les potentiels risques de représailles russes. Moscou avait envoyé en avril un avertissement à peine voilé à l’Italie, présidente du G7, en prenant le contrôle « temporaire » de la filiale russe du groupe italien Ariston, en réponse à des « actions hostiles » menées par les États-Unis et leurs alliés. En mars, la Russie avait également menacé l’UE de poursuites judiciaires « sur des décennies » en cas d’utilisation des revenus de ses avoirs gelés au profit de l’Ukraine, considérant cela comme un « vol ». À cela s’ajoute, au début du mois de mai, la signature d’un décret autorisant la confiscation en Russie d’actifs appartenant aux États-Unis ou à des personnes « associées » à ces derniers.
Les ministres du G7 se sont ainsi déclarés « déterminés à accroître les sanctions financières et économiques » contre Moscou. Le G7 est également « prêt à imposer des sanctions aux personnes et aux entités qui aident la Russie à acquérir des matériaux, des technologies et des équipements avancés pour sa base militaro-industrielle ».
Pour pousser la provocation encore plus loin, la Russie a invité les talibans au Forum économique international de Saint-Pétersbourg, prévu du 5 au 8 juin. Une ouverture envers le mouvement islamiste afghan, jusque là qualifié de terroriste et boycotté en tant que tel par Moscou. Selon Zamir Kaboulov, directeur du département des affaires asiatiques, les ministères russes des Affaires étrangères et de la Justice ont discuté avec le président Vladimir Poutine de la levée de cette interdiction.
Depuis le retour des talibans au pouvoir en 2021, la Russie a progressivement établi des liens avec le nouveau régime. L’intérêt des dirigeants afghans pour les produits pétroliers serait une des raisons de cette invitation.
Les relations avec la Chine sur un fil
Un autre sujet majeur a été la concurrence industrielle de la Chine. Les ministres ont discuté des pratiques commerciales déloyales de Pékin, telles que les subventions élevées et les surcapacités industrielles, qui perturbent les marchés mondiaux.
Bruno Le Maire a souligné l’importance d’éviter un conflit commercial avec Pékin, rappelant que la Chine est « notre partenaire économique ». Cependant, il a également affirmé que le G7 doit défendre ses intérêts industriels.
« Une guerre commerciale n’est dans l’intérêt ni des États-Unis, ni de la Chine, ni de l’Europe, ni d’aucun pays du monde », a déclaré Bruno Le Maire. « Néanmoins, nous avons un problème avec les pratiques commerciales déloyales, le niveau élevé des subventions et les surcapacités industrielles (de la Chine). »
Giancarlo Giorgetti a indiqué que l’Union européenne pourrait suivre les États-Unis dans l’augmentation des droits de douane sur certaines importations chinoises. Cette discussion survient alors que les États-Unis ont récemment imposé des hausses tarifaires sur des produits chinois, y compris les batteries de véhicules électriques et les puces informatiques.
Bientôt un impôt mondial ?
Les ministres ont également discuté d’un impôt minimum mondial sur les multinationales, bien que des réserves subsistent de la part des États-Unis, de l’Inde et de la Chine. L’accord, qui a été signé par environ 140 pays en 2021, n’a jamais été pleinement mis en œuvre.
Par ailleurs, la proposition de la France et du Brésil d’un impôt mondial sur la fortune des milliardaires a été évoquée, malgré le manque de soutien actuel des États-Unis.
Les discussions se poursuivront dans les prochaines semaines pour affiner ces propositions avant le Sommet des chefs d’État et de gouvernement du G7 en juin. Les avancées réalisées à Stresa marquent un pas significatif vers un soutien financier accru à l’Ukraine et une réponse coordonnée aux défis commerciaux posés par la Chine.
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