Lors de notre dernier épisode de la grande épopée du luxe, portant sur l’Antiquité, nous avions pu voir l’apparition des échanges mondiaux, incontournables pour le développement du secteur du luxe car permettant d’exploiter de nouvelles matières rares de qualité. Dans son prolongement, le Moyen-Âge connait lui aussi un bel essor, tant par l’évolution de son écosystème commercial que du raffinement croissant des objets de luxe.
Au Moyen Âge, les familles nobles et les royaumes les plus puissants sont les grands moteurs du commerce du luxe. Seuls les seigneurs ont en effet les moyens d’acquérir les produits les plus coûteux et les plus rares. Ces richesses leur permettent ainsi de renforcer leur prestige et leur pouvoir. De leur côté, des royaumes puissants, tels que l’empire byzantin et le califat abbasside, tirent parti de ce commerce très haut de gamme. En contrôlant les routes commerciales les plus importantes, ils peuvent imposer des taxes sur les produits qui transitent à travers leur territoire. Cependant, la prospérité du secteur du luxe n’est pas seulement possible par la biais des échanges marchands. En effet, familles nobles, empereurs byzantins et califes abbassides sont aussi souvent des mécènes de l’art et de la culture.
Un raffinement croissant
Les produits considérés comme luxueux varient en fonction des régions et cultures. Les épices cultivées en Inde, telles que la cannelle, la muscade, le clou de girofle et le poivre sont très prisées et coûteuses en raison de leur rareté et d’un temps de transport jusqu’à destination généralement long. On les utilise principalement pour parfumer et assaisonner les aliments, ainsi que pour soigner les maladies.
La soie est aussi un produit de luxe très convoité, en particulier en Chine où elle est produite. Appréciée pour sa douceur et sa légèreté, elle est utilisée pour confectionner des vêtements et tissus précieux. Dans les gisements d’Inde, connus depuis l’Antiquité, et ceux d’Afrique du Nord, on extrait aussi des diamants et autres pierres précieuses pour embellir les bijoux, les armes et les vêtements. C’est à cette période que les rubis, émeraudes et autres saphirs sont particulièrement considérés par les élites en raison de leur rareté et de leur éclat.
L’orfèvrerie, artisanat maitrisé depuis des millénaires, se perfectionne davantage grâce à l’usage de l’argent et de l’or qui permettent de confectionner des bijoux et objets décoratifs. La popularité des bijoux sertis explose, qu’il s’agisse de broches, bracelets, colliers, pendentifs ou de bagues. Est aussi très prisé tout ce qui a trait à l’art de la table -coupes, gobelets, flacons et autres plateaux- en argent, or et vermeil, témoignant d’un niveau de vie fort élevé. Mais les tapisseries et broderies sont également très appréciées pour décorer les châteaux et les églises. Avec un travail détaillé et des designs recherchés pour l’époque, les tapisseries sont ainsi considérées comme de purs produits de luxe.
Esthétiques, rares et de grande qualité, ces produits font l’objet de demandes et de conflits entre ceux qui veulent les posséder. Alors que la pauvreté domine au Moyen-Âge, seuls les plus puissants y ont accès.
La suprématie des comptoirs commerciaux
Le Moyen-Âge voit émerger les comptoirs commerciaux. Ces centres permettent aux marchands de négocier et d’échanger des biens de luxe avec d’autres régions du monde. Leur émergence est facilitée par le développement des systèmes monétaires, apparus sous l’antiquité. Le système de bourses de change par exemple, permet aux marchands de convertir leur monnaie en devises étrangères pour faciliter les transactions commerciales. Plusieurs comptoirs commerciaux jouent ainsi un rôle important dans le transit des produits de luxe.
En Italie, Venise est réputée pour ses produits en verre et cristal, ses tapisseries et étoffes luxueuses. De même, Gênes, associé au commerce d’épices et de produits exotiques en provenance d’Asie et d’Afrique, est un important centre de production de textiles et de soie. En Égypte, Alexandrie est un centre de transit d’épices, de pierres précieuses et produits en soie, mais elle produit aussi des textiles de qualité supérieure. Sites importants du commerce maritime, ces comptoirs constituent de vrais hubs pour les échanges entre l’Orient et l’Occident. Enfin, Bruges est le centre du commerce, entre l’Europe du Nord et l’Europe de l’Ouest, des étoffes luxueuses, des objets en verre et en cristal, ainsi que des bijoux en or et en argent.
Tous ces comptoirs forment un réseau complexe qui permet l’échange de produits de luxe dans le monde. Cependant, leurs relations ne sont pas toujours des plus cordiales. Plusieurs conflits commerciaux éclatent, notamment entre Venise et Gênes, pour contrôler les voies maritimes et routes commerciales permettant d’obtenir ces produits. Des conflits armés visent à protéger les flottes de commerce et contrôler les ports stratégiques.
Une forte implication de l’Église
À la suite de la christianisation pendant l’antiquité, l’Église joue un rôle majeur dans le contrôle et la distribution du luxe au Moyen Âge. En tant qu’institution la plus riche et la plus puissante de l’époque, elle détient une grande partie des biens les plus précieux. Contrôlant l’accès à ces objets de prestige et de pouvoir, elle en profite pour sceller des alliances avec des acteurs politiques ou spirituels. L’Église utilise et abuse de son pouvoir pour influencer la société et l’économie, mais aussi les arts. Elle est impliquée dans la réglementation du commerce des produits de luxe et impose des taxes sur les biens importés.
L’Église est également impliquée dans la production de certains produits de qualité supérieure. Ses spécialités sont principalement les étoffes, les bijoux et les objets en verre, en cristal et en métal, qu’elle produit dans des ateliers très qualifiés. Elle exige ainsi que ces objets produits localement répondent à des normes strictes en termes de qualité et de design.
Le Moyen Âge s’achève par deux grandes découvertes la même année, en 1492. L’imprimerie, de Gutenberg, et la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb ouvrent de nouvelles opportunités et horizons. Désormais, les idées pourront circuler grâce aux livres imprimés, et l’or des indiens affluer vers l’Europe.
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