Dans le cadre de l’exposition “L’Or des Pharaons” qui s’ouvre vendredi à la Grande Halle de la Villette, la France accueille pour la seconde fois un trésor exceptionnel : le cercueil en bois peint, vieux de plus de 2900 ans, d’un des plus grands pharaons de l’Antiquité. Un signe de reconnaissance de l’Egypte, suite au sauvetage de la célèbre momie dans les années 1970.
Un voyage pharaonique depuis le Caire
Après avoir accueilli en 2019 certains éléments du trésor de la tombe de Toutankhamon, la Grande Halle de la Villette s’apprête à accueillir près de 180 objets et artefacts exceptionnels, cette fois-ci liés à un autre pharaon du Nouvel Empire : Ramsès II. Parmi eux figure une pièce inestimable, en provenance du Caire et débarquée en toute discrétion il y a 10 jours sur le tarmac de l’aéroport du Bourget.
Telle une procession funéraire selon les rites jadis en vigueur et avec les égards dus d’ordinaire à un chef d’état, un mystérieux chargement est entré dans Paris sous escorte policière. Ouvert avec d’infinies précautions par les régisseurs et conservateurs de l’exposition L’Or des Pharaons, cette grande caisse n’a pas tardé pas à dévoiler son précieux contenu : le sarcophage de Ramsès II. Ce véhicule et élément protecteur dans son voyage dans l’au-delà constitue, à n’en pas douter, la pièce maîtresse de cette exposition mise en place par la société World Heritage Exhibitions.
Il s’agit d’un sarcophage en bois de cèdre retrouvé dans la Vallée des rois en 1881. Celui-ci y reposait en compagnie d’autres momies royales mises à l’abri des pillards par les prêtres de l’Ancienne Egypte dans la cache dite de “Deir el Bahari”.
D’ordinaire exposé au Musée National de la Ville du Caire, ce cercueil royal anthropomorphe représente le pharaon Ramsès II sous les traits d’Osiris, dieu des morts redonnant la vie. Le roi apparaît bras croisés, tenant dans chacune de ses mains la crosse héqa et le fouet nekhakha. Il est également coiffé d’un némès orné du cobra dressé et arbore une barbe postiche sous son menton.
A l’origine, l’ouvrage devait être recouvert de dorures et d’incrustations en gemmes ou en verre. Toutefois, la surface a très probablement été grattée et repeinte en jaune, avec une série de détails rehaussés de couleurs vives et des yeux surlignés de noir figurant le khol utilisé en maquillage à l’époque. Plusieurs inscriptions y figurent, en particulier au niveau du ventre du sujet (“Ramsès aimé d’Amon »).
Si le sarcophage a fait le voyage, ce n’est pas le cas de la dépouille du pharaon, la loi égyptienne interdisant aux momies royales tout voyage hors du pays. Pourtant, la momie n’est pas étrangère à la venue du cercueil du monarque sur le sol français…
Un privilège exclusif en signe de reconnaissance
Si l’Egypte a fait le choix de prêter le sarcophage du monarque, c’est en effet pour honorer un devoir de mémoire ou plutôt remercier la France pour une opération de sauvetage menée en 1976 sur la momie de Ramsès II.
Cette année-là, Paris accueillait la dépouille du monarque ainsi que son sarcophage dans le cadre d’une exposition d’envergure au Grand Palais autour de Ramsès II. Sous la direction de la commissaire d’exposition de l’époque et archéologue de renom Christiane Desroches-Noblecourt, les équipes se sont affairées à la restauration des différents objets.
Une des pièces avait fait l’objet d’une attention toute particulière : la momie de Ramsès II. Alertées dès 1975 par le Docteur Maurice Bucaille sur l’état de délabrement de cette dernière, attaquée par des champignons contemporains (Daedala Biennis), les autorités égyptiennes consentirent à confier la dépouille du pharaon aux soins de la France, dans le cadre de leurs relations diplomatiques.
Transférée au Musée de l’Homme où elle demeura huit mois, elle fut étudiée précisément, avec ses bandages et son sarcophage, par une cinquantaine de spécialistes.
L’ensemble fut radio stérilisé aux rayons gamma à la centrale nucléaire de Saclay, ce qui permit de sauver la momie et de la restituer au gouvernement égyptien le 10 mai 1977. Un geste d’autant plus fort, que le souverain est la fierté de tout un pays.
Ramsès II, le roi des rois de l’Egypte
Pharaon de la XIXe dynastie (V.1303 – V. 1213 av. J-C), fils de Séthi 1er et époux de la reine Nefertari, Ramsès II incarne tout le gigantisme et la stature mythique des monarques de l’Egypte antique.
Gloire de l’Egypte, celui que les égyptiens ont longtemps appelé Ramsès Le Grand est resté dans les annales comme le Pharaon ayant régné le plus longtemps (67 ans), ayant érigé le plus de monuments et statues, mais aussi comme celui qui compte la plus longue descendance de l’Egypte Antique (une centaine d’enfants).
Plus diplomate que guerrier – contrairement à son grand-père Ramsès 1er – il est malgré tout parvenu à construire le mythe du vainqueur des hittites. Un peuple issu de la Turquie actuelle qui menaçait les frontières du royaume.
En témoigne, sa décision – à l’image du storytelling moderne – de faire graver sur l’ensemble de ses temples, des bas-reliefs le représentant défaisant l’armée hittite dans la ville de Qadesh, ville commerciale stratégique, située dans le sud de l’actuelle Syrie. Une bataille remportée in extremis (V.1274 av. J-C), qu’il a fait passer pour une victoire totale sur les envahisseurs. On peut ainsi lire sur l’obélisque de la place de la Concorde – provenant du temple de Louxor – “Ramsès, conquérant de tous les peuples étrangers, maître de toutes les têtes couronnées, Ramsès qui combattit des millions de personnes, demande à ce que le monde se soumettre à son pouvoir selon les voeux de son père Amon.”
Il n’en demeure pas moins qu’il est parvenu à pacifier l’Egypte, scellant une paix durable avec le roi hittite dont il a épousé la fille aînée. Décédé à 80 ans, le souverain laissera à la postérité les temples monumentaux de Karnak et Abou Simbel avec ses colosses de 20 mètres de haut ou encore sa propre cité Pi-Ramsès.
Symbole de l’apogée de la puissance de l’Egypte, neuf de ses successeurs prendront son nom. Un patronyme qui tomba toutefois un temps dans l’oubli, confondu avec Sésostris au Ve siècle par Hérodote. Il faudra attendre Champollion, qui l’identifie comme le tout premier cartouche de Pharaon sur la pierre de Rosette en 1822, pour qu’il parvienne jusqu’à nous.
Ramsès II est également devenu un héros de cinéma, présent – avec son père Séthi 1er – dans l’ensemble des productions hollywoodiennes liées à la libération des esclaves par Moïse, hors d’Egypte dans la Bible. Ainsi, bien que l’Ancien testament ne donne pas d’autre indication temporelle que le “Pharaon de l’Exode”, le réalisateur Cecil B. DeMil a décidé d’en faire le pharaon biblique, sous les traits d’un très viril Yul Brynner, dans le péplum pharaonique “Les Dix Commandements” (1956). Rôle qui sera aussi incarné par Joel Edgerton dans le remake “Exodus : Gods & Kings” de Ridley Scott (2014).
Ramsès est également le nom de la première voiture fabriquée en Egypte dans les années 1960, censée accompagner le développement économique du pays sous l’impulsion du président Nasser.
Pour espérer tutoyer cette figure au parfum d’éternité qu’est Ramsès II, rendez-vous du 7 avril au 6 septembre sous la Grande Halle de la Villette à Paris. L’exposition présente notamment, outre près de 200 objets précieux, des expériences en réalité virtuelle dont une invitant à visiter les deux temples colossaux d’Abou Simbel, joyaux de l’ancienne Nubie.
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Photo à la Une : © World Heritage Exhibitions, Laboratoriosso / Sandro Vanninia