Disparu le 20 août dernier à l’âge de 84 ans, Pierre Cornette de Saint Cyr a marqué de son style flamboyant et inédit le métier de commissaire priseur. Ami des People, il avait transformé les ventes aux enchères en one man show et donné à l’art contemporain une visibilité qu’il n’avait pas jusqu’alors en France.
Les proches, amis et relations qui honoreront Pierre Cornette de Saint Cyr lors de son enterrement porteront-ils du noir ?
On peut penser que non, tant le commissaire priseur, disparu à 84 ans, le 20 août dernier, à Saint Tropez (Var), des suites d’une maladie neurodégénérative, avait su casser les codes de l’habit masculin. Il arborait ainsi depuis longtemps des couleurs jugées shocking de notre côté de la manche ! Il avait même adopté , selon le Journal le Monde, un agenda de couleurs recommandé par sa voyante : une par jour jusqu’au jaune, couleur du soleil, le dimanche !
Haut en couleurs
Derrière cette anecdote vestimentaire, se dessine en filigrane le portrait robot d’un homme haut en couleurs à plus d’un titre. Et qui s’amusait à bousculer les règles établies avec élégance.
Le fait d’être né au Maroc, à Meknès le 1er janvier 1939, a peut-être été décisif dans son attirance pour les êtres et objets prenant la lumière et son parcours d’amoureux de la beauté, désireux de lui donner un éclairage sans retenue, quitte à choquer l’establishment.
Quoi qu’il en soit, tous les hommages rendus à cette personnalité exceptionnelle le soulignent : celui-ci a fortement marqué, et même transformé l’approche de son métier. En lui donnant une dimension people et médiatique inédite.
Choix décisif
Après s’être destiné dans un premier temps à une carrière d’ingénieur et enfin d’avocat, Pierre Cornette de Saint Cyr, s’était finalement ravisé pour embrasser la carrière de commissaire priseur. Sa passion de collectionneur de dessins anciens et de photographies le menant ainsi à sa profession.
Un choix décisif pour lui mais aussi pour le monde de l’art et plus particulièrement celui dit “contemporain”, dans lequel Pierre Cornette de Saint Cyr s’était spécialisé.
Pour Bruno Vinciguerra, PDG de Bonhams, l’homme a ainsi marqué son époque comme « l’une des figures les plus emblématiques et charismatiques du marché de l’art depuis des décennies ». La maison de vente aux enchères britannique Bonhams (14 salles de vente dans le monde) avait racheté l’an dernier celle fondée en 1973 par Pierre Cornette de Saint Cyr. Et que deux de ses fils, Arnaud et Bertrand, nés d’un premier mariage, avaient ensuite intégré.
Précurseur
Avec sa maison, installée avenue Hoche à Paris mais aussi chaussée de Charleroi à Bruxelles, Pierre Cornette avait bousculé le ronron des enchères à plusieurs titres.
Précurseur, il avait ainsi introduit l’art contemporain dans le monde des enchères, jusqu’alors réservé à des pièces plus anciennes et établies.
Son fils Arnaud a ainsi souligné « son engagement pour l’art contemporain a guidé sa vie, de ses premières ventes à sa présidence du Palais de Tokyo (de 2003 à 2012, NDLR)
« Si l’art contemporain bat aujourd’hui des records chez Christie’s ou Sotheby’s dans le monde entier, c’est parce que Pierre le premier décida qu’il ne laisserait pas le monopole de l’art aux galeries et aux marchands » a aussi déclaré la galeriste Sylvana Lorenz, ancienne compagne du commissaire priseur au journaliste Simon Wauquiez (Causeur).
One Man Show
Mais si Pierre Cornette de Saint Cyr a ainsi réussi à s’imposer sur ce créneau, c’est aussi parce qu’il a ouvert en grand les fenêtres d’un monde feutré, voire quelque peu poussiéreux.
Homme du Tout Paris, mondain assumé, il court les cocktails et côtoie parfois intimement les People de son époque. Le jour d’ouverture de son étude, Mireille Darc lui offre son marteau de commissaire priseur.Très ami avec Alain Delon, qu’il conseillera dans sa collection d’œuvres d’art, il vit pendant un moment avec la superbe Marie Laforêt. La chanteuse fantasque le quitte du jour au lendemain. Avec élégance, son compagnon assistera en 2019 aux obsèques de celle qu’il n’avait semble-t-il jamais revue.
Doté d’un sens aigu de la communication, Pierre Cornette de Saint Cyr multiplie les coups.
« Pierre a inventé la figure du commissaire-priseur flamboyant et médiatique, en transformant les ventes aux enchères en one-man-show », a expliqué au Monde, le marchand parisien Stéphane Corréard.
Coups d’éclats
Parmi ses coups d’éclats : la vente des tableaux modernes d’Alain Delon en 2007, du mobilier de l’Hôtel Royal Monceau en 2008 , de la collection haute couture d’Hélène Rochas en 2016 ou encore la succession du peintre franco-japonais Foujita en 2011. Ou encore dans un autre style : une vente au sommet de l’Everest !
Pierre Cornette de Saint Cyr n’hésitait pas non plus à mettre sa notoriété au service de bonnes causes en organisant des ventes de charité. Parmi les différents bénéficiaires de ces opérations : l’association La chaîne de l’Espoir (au profit des enfants malades), Unis pour la recherche (luttant contre la maladie d’Alzheimer) ou encore l’institut du chef indien brésilien Raoni.
Grâce à son aura, il a ainsi réussi à faire rayonner la France et en particulier Paris sur le marché de l’art, alors qu’elles n’y occupaient jusqu’alors qu’une place modeste, ont souligné plusieurs commentateurs dans leur hommage au commissaire priseur. L’arrivée massive et relativement récente de galeries internationales à Paris lui devrait beaucoup.
Décidément engagé, cet homme avait aussi été candidat suppléant sous l’étiquette l’Union de la droite et du centre, aux élections législatives de 2012 dans la première circonscription de Paris.
Une vie digne d’un roman
Côté privé, si son compagnonnage dans les années 70 avec Marie Laforêt a marqué les esprits, il a aussi des amours plus discrètes. Outre sa relation avec la galeriste Sylvana Lorenz, déjà citée, il s’est marié deux fois.
Après un premier mariage en 1960 avec Geneviève Bernadac, dont il a eu ses premiers fils, Bertrand (né en 1962) et Arnaud (1966), il avait épousé en 1981 Arielle Wanner, avocate au barreau de Paris, mère de ses autres garçons, Pierre (1982) et Louis (1996).
Que cela soit dans sa vie professionnelle ou privée, sa vie entière a été un roman, aux multiples rebondissements. Pas étonnant dès lors que l’auteur Danielle Pampuzac, en ait fait un personnage de fiction dans son ouvrage “La Collectionneuse”, paru en 2004.
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