Tendance phare des défilés printemps-été 2025 de la Fashion Week aperçue cet automne à Paris, le style Bohême Chic ou “Boho Chic” connaît un véritable revival. Mais si vestes à franges, détails en crochet ou macramé et silhouettes drapées sont de nouveau de sortie, la tendance adopte un traitement plus street assumé.
Entre l’exposition Disco I’m Coming Out à la Philharmonie de Paris jusqu’à la fin de l’été et la tendance bohème chic, les Seventies n’ont jamais été autant en vogue.
Il semble en effet que le style bohême prôné par Chemena Kamali depuis son premier défilé automne-hiver 2024 pour Chloé ait fini de convaincre de le convoquer dans nombre de Maisons, telles que Léonard Paris, Rabanne, Blumarine et même Alessandro Michele pour son show inaugural chez Valentino.
Alors ce printemps, on ressort ses robes longues fluides et ses paniers en raphia, que l’on n’hésite pas à coupler avec des détails cuir.
Un marronnier de la mode
Le style bohème est tendance cet été et l’était déjà l’année dernière.
Il faut dire que depuis 200 ans, il enflamme l’imaginaire collectif, s’érigeant en incarnation parfaite du “free spirit” et de “l’effortless” pour tout marketeux de la mode qui se respecte. Et de confort il est bien question, mais par ces temps au style douteux, on ne boude pas son plaisir de faire rimer cool avec élégance.
Contrairement à une idée reçue, le style bohème n’est pas né en Europe de l’Est, dans l’actuelle République Tchèque, jadis Bohême-Moravie. Non, son origine est davantage teintée de parisianisme, au point que l’on retrouve le côté “sans effort” chéri par l’habitante de la ville lumière, devenu la signature de la Maison Chloé dès ses débuts.
Il faut en effet remonter au Paris du XIXe siècle où, au soir de la Révolution Française, artistes, musiciens et écrivains se voient pour la plupart soudainement privés de mécènes et de commandes prestigieuses. Cette petite communauté vit misérablement dans le Quartier Latin mais commence à créer un nouveau mouvement artistique et de pensée où la liberté se place au dessus de tout. Sans le sou, ces jeunes gens sont contraints d’opter pour un mode de vie nomade et pour des vêtements qui ne sont pas de première main voire rapiécés.
Au cours des deux premières décennies du XXe siècle, Paul Poiret libère les corps féminins de l’encombrant corset et les convertit à un style plus déstructuré. On lui doit ainsi l’introduction de quelques uns des essentiels du style bohème comme la jupe cloche, le sarouel et la tunique “abat-jour”.
L’esprit de liberté et de décontraction ressurgit à la fin des années 1960 avec le mouvement hippie. La jeunesse se rassemble alors autour de valeurs pacifiques, d’un refus du matérialisme consumériste et prônent un retour à la nature.
On commence à voir poindre robes fleuries, ponchos, manches ballons et franges. Mocassins, sandales gladiateur… et mêmes pieds nus deviennent trendy. La fripe est valorisée et le style bohème va se nourrir d’influences multiples (tissages, motifs, broderies, drapés) qu’ils s’agisse du tissage d’Amérique du Sud, des motifs d’Asie centrale, des broderies d’Europe de l’Est et des drapés d’Inde… Le patchwork n’est ainsi pas seulement esthétique, il est aussi culturel.
En créant en 1999, le festival Coachella, Paul Tollett avait pour but de ressusciter l’esprit “Peace and Love” du festival Woodstock de 1969. Au milieu des années 2000, c’est dans ce même festival, en plein désert californien, ainsi qu’à Glastonbury en Angleterre que le style bohème aperçu sur les it-girls de l’époque telles que Sienna Miller, Kate Moss ou encore Nicole Richie imprime la rétine de la presse et de réseaux sociaux en plein essor. La “tenue de la festivalière” est née. Ici, le style bohème emprunte aux références americana à coup de jupes évasées, de colliers superposés, de ceintures cloutées et de bottes en daim montantes.
Un retour progressif dès 2022
Le retour en grâce du style bohème est consécutif du succès grandissant des produits de seconde main, de la quête d’authenticité et de l’omniprésence de la nostalgie dans les produits culturels. Il faut dire qu’il recourt à des matières naturelles avec force lin, soie et coton dans le vêtement tandis que raphia, jute et rotin composent les accessoires. Les tonalités évoquent aussi la nature avec des coloris terreux comme le beige, le sable, le vert olive et le marron.
Et dès 2022, le style bohème commence à revenir. Mais il faut attendre l’intronisation de Chemena Kamali chez Chloé avec un premier défilé automne-hiver 2024 pour que la folie s’empare de la scène mode. Dans le sillage du show, les recherches de produits de la marque s’envolent de +37% en une semaine sur TheRealReal tandis que les ventes décollent de +130% par rapport au mois précédent.
Ce que propose alors la directrice artistique de la Maison parisienne n’est ni plus ni moins qu’une capsule temporelle et un puissant antidote à l’overdose de streetwear et de style sportif.
L’idée de la nouvelle directrice artistique ? Puiser dans les archives et faire se rencontrer la parisienne chère à la fondatrice Gaby Aghion, la prairie girl et une allure plus rock forgée notamment par des cuissardes, capes et force bandeaux. Côté accessoires, le minimalisme est de rigueur avec des lunettes de type aviator et un grand sac à franges.
En janvier 2024, le journaliste de mode et designer new yorkais José Criales-Unzueta prédisait “Je pense que nous allons assister à la renaissance du boho chic. Pensez aux soeurs Olsen à la fin des années 2000, courant dans New York, pensez à Serena Van der Woodsen dans Gossip Girl.”
La sortie en 2023 de la mini-série Daisy Jones & The Six à l’esthétique année 70 sur Amazon Prime annonçait déjà la couleur faisait renaitre une envie de motifs Paisley et de pantalons évasés.
Le style qui avait été un temps l’ADN de quelques Maisons dont Chloé, Etro et Isabel Marant puis domaine réservé de marques plus récentes comme Alberta Ferretti et Zimmermann est finalement repris par Rabanne, Blumarine et Valentino.
Plus étonnant encore, le style bohème fait son come back grâce aux défilés et non à des microtrends TikTok.
Pour la critique de mode et podcasteuse Hunter Shires, cet engouement pour le style bohème fait écho à “un désir de non complication, de familiarité et de nostalgie.”
Une bohème chic revisitée
La mode est connue pour être un éternel recommencement mais dans sa quête de nouveauté, le style printemps-été 2025 change la donne.
Dans les défilés bien sûr, un Léonard Paris continue de convoquer l’image fantasmée de la gypset ou jet-setteuse des années 1960-1970 qui se rendait “dans des fêtes somptueuses dans des lieux spectaculaires.” En l’occurrence, le directeur artistique Georg Lux a été particulièrement inspiré par le style drapé d’une Elizabeth Taylor dans le film méconnu Boom (1968) où elle partage la vedette avec son mari tout aussi mythique, Richard Burton, sur fond de décor méditerranéen. Un univers enchanteur qui rappelle par le cadre comme par le style vestimentaire l’Ibiza du film More (1969) de Barbet Schroeder qui va inspirer toute la décennie 1970 et la culture hippie.
L’australien Zimmermann a quant à lui été inspiré par un autre film, local, Morning of the Earth (1971), un classique d’Albert Falzon sur l’épopée du surf. Le défilé s’est ouvert sur une robe en organza bleue marine ornée d’un corsage en macramé tressé, autant d’éléments caractéristiques du style bohème.
Dans un esprit psychédélique, Leonard Paris ose les imprimés vibrants et le glamour rétro pour obtenir des looks solaires.
D’autres comme Isabel Marant osent également la couleur avec une inspiration tropicale venue d’Amazonie où les franges sont semblables à des plumes et les robes à des ailes de papillons.
Dans le défilé de Rabanne, le Tie & Dye aux couleurs franches sur des robes et tee-shirts fait écho à la culture hippie, tandis que des maxi robes dorées ou fleuries côtoient des tenues de bureau.
La bohème avec ses robes à volants, l’emploi de la dentelle (pour des gants) et de voilettes est également citée par Alessandro Michele dans son premier défilé Valentino pour croquer cette bourgeoisie mélancolique.
Dans le même temps, Pinterest Predicts nous avait prévenu : 2025 rimerait avec “Moto Boho”, comprendre la fusion entre style bohème et l’univers motard. Le réseau social visuel avait ainsi constaté fin 2024, que la recherche pour le combo avait grimpé de +40%.
Ce look hybride propose une vision à la fois romantique et plus frondeuse que jamais pour le style bohème. Cuir et clous se mêlent aux robes fluides. Cette saison, il s’agit de jouer sur les contrastes et volumes en dosant les deux univers façon loi de Pareto (80 – 20).
Chez Chloé, les blousons renferment des tenues en dentelles qui n’ont rien à cacher et se marient parfaitement avec les culottes bouffantes issues des archives de la Maison. De son côté, Isabel Marant fait cohabiter des jupes jacquard d’inspiration ethniques et des robes en mousseline avec des blousons de cuir mat, lisses ou frangés, tandis que des bottes en daim slouchy et des sandales spartiates en cuir ornés de clous foulent le podium.
Pour Zimmermann, la tendance moto-boho se traduit par des trench courts et des shorts utilitaires à bretelles qui viennent structurer des robes-chemisiers en viscose.
En résumé, cette saison, perfecto, blouson en daim, gilet à franges et bottes de motard s’associent parfaitement aux blouses fluides et autres maxi jupes à volants.
Avantage de cette féminité douce jouant sur la superposition de pièces, caractéristique du style bohème, à mesure que les températures vont monter, l’épaisseur de l’étoffe pourra se faire moindre…
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Photo à la Une : © Zimmerman – Leonard Paris – Chloé