Surtourisme : quand les villes bloquent les voyageurs

Instagram versus la réalité. Sur les réseaux sociaux, les endroits les plus en vogue sont photographiés sous leur meilleur angle, avec peu de personnes dans le champ de vision. Pourtant, ces lieux touristiques idylliques sont, en vérité, massivement peuplés de touristes, bloquant certains accès, entraînant des comportements irrespectueux et gâchant le plaisir de découvrir en toute quiétude une destination d’exception. Un phénomène que compte bien contrer les municipalités.

 

Si le surtourisme au sein de certaines villes date de plusieurs décennies, la problématique semble s’être intensifiée ces dernières années. Depuis l’avènement des réseaux sociaux et la reprise des sorties post-covid, les villes ont boosté leur communication autour de leur adresse de rêve pour faire venir les touristes. Les créateurs de contenus ont aussi mis en valeur des lieux tant emblématiques que plus confidentiels, invitant leur communauté à découvrir ces sublimes destinations. Sans parler de l’attrait exponentiel des endroits vus dans les films et les séries, une tendance appelée jet-setting.

 

En résulte un trafic ingérable de voyageurs qui ne cesse de frôler ou dépasser les capacités limites d’accueil des territoires donnés. Selon l’Organisation mondiale du tourisme, 95% des visiteurs mondiaux se rendent sur moins de 5% des terres émergées. Bien que les touristes dynamisent le commerce local et apportent un rayonnement sur ces régions, cette circulation de personnes poussée à l’extrême entraîne bon nombre de dommages. Choc culturel et irrespect des traditions, exaspération des habitants, préjudices environnementaux, panoramas dénaturalisés… La haute saison devient un véritable calvaire. Pour protéger leur municipalité, de plus en plus d’institutions prennent des mesures drastiques pour faire chuter les effectifs touristiques. Focus sur un sujet de société qui semble incontrôlable.

 

Taxer les lieux touristiques

 

Submergé par le tourisme de masse, Venise a décidé d’instaurer une taxe de cinq euros à l’entrée de la ville. Longtemps promise, cette contribution financière vise à sensibiliser les voyageurs et réguler le trafic. La taxe est entrée en vigueur à partir du 25 avril 2024, et ce jusqu’au 5 mai tous les jours, et le week-end en mai, juin et sur la première quinzaine de juillet. Une mesure expérimentale qui, pour les opposants, est loin d’être à la hauteur du problème touristique dans le Cité des Doges.

 

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Depuis le 14 février, les personnes désireuses de se rendre à Bali doivent, elles, s’acquitter d’une taxe de près de 10 euros. Amsterdam a quant à elle augmenté sa taxe de séjour, tandis qu’Athènes a augmenté le prix des billets pour visiter son Acropole. Mais ces frais supplémentaires ne pénalisent, au final, qu’une partie des voyageurs moins aisés.

 

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Limiter les accès, voire l’interdire

 

D’autres destinations, comme Saint-Sébastien et Barcelone, ont décidé de limiter le nombre de personnes dans les groupes touristiques qui souhaitent visiter les lieux iconiques des villes. Barcelone envisage même de lancer des alertes sur le téléphone des voyageurs lors de forts trafics pour les inciter à prendre des circuits alternatifs. En avril dernier, les locaux et activistes barcelonais ont d’ailleurs manifesté pour protester contre le surtourisme. Même son de cloche fin mai à Majorque, sans compter tous les autres rassemblements, témoignages d’un ras-le-bol généralisé.

 

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En France, les Calanques de Marseille ont lancé un processus de réservation pour limiter leur fréquentation. L’île de Porquerolles et l’une des îles Lavezzi en Corse ont aussi freiné les accès. L’île Vierge, à Crozon dans le Finistère, avait même fermé l’une de ses plages au public, après sa mise en valeur dans un magazine. Une décision forte qui fait écho à la plage paradisiaque Maya Bay, sur l’île de Koh Phi Phi Ley en Thaïlande. Celle-ci avait dû fermer de 2018 à 2022 pour restaurer ses récifs coralliens après que le site ait été ravagé par les touristes pendant des années, à la suite du film La Plage avec Léonardo Di Caprio.

 

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Au Mont Fuji, non loin de Tokyo au Japon, un quota quotidien de personnes va s’appliquer dès cet été. Le chemin le plus emprunté pour gravir ce sommet sera donc limité d’accès mais aussi payant. Autre mesure, les autorités de la ville de Fujikawaguchiko ont installé une grande bâche pour dissuader les touristes de venir sur un spot stratégique de photographie, avec en toile de fond le Mont Fuji. Outre la régulation de l’affluence massive de visiteurs, cette décision a été prise pour réduire la pollution, les touristes laissant derrière eux pléthore de détritus.

 

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Toujours au Japon, à Kyoto, les ruelles privées du quartier de Gion sont désormais interdites aux touristes. La principale rue nommée Hanamikoji reste ouverte mais bordée par des pancartes d’avertissement. Et pour cause. Les voyageurs peu avertis et flirtant avec l’irrespect prenaient d’assaut les Geishas, souvent très jeunes voir mineures, en les abordant et en les prenant en photo sans leur consentement.

 

Plus audacieuse et controversée, la mesure du village italien de Portofino interdisait, l’année dernière, de s’arrêter de marcher sous peine d’amende pour, selon la mairie, fluidifier le trafic.

 

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Les transports sont aussi touchés. Venise a ainsi interdit la venue des paquebots dans son centre historique depuis plusieurs années, tout comme Amsterdam depuis l’été dernier. Dubrovnik, en Croatie, a, elle, rationné les arrivées par la mer.

 

Autant de dispositifs déployés pour réduire le surtourisme, dont découle des incivilités, des problèmes environnementaux, l’endommagement de lieux naturels et un affaiblissement du bien-être global des villes, tant pour les locaux que les voyageurs eux-mêmes. Mais si ces lieux touristiques souhaitent plus que jamais pouvoir respirer convenablement, le nombre de visiteurs internationaux en 2024 devrait retrouver son niveau d’avant pandémie. Et la tendance ne semble pas à la baisse pour les prochaines années.

 

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Mode, hôtellerie, gastronomie, joaillerie, beauté, design… Pauline Duvieu est une journaliste spécialisée dans le luxe et l'art de vivre. Passionnée par les sphères du milieu haut de gamme qui suscitent l’émotion, elle aime décrire les créations des maisons et raconter les histoires des talents qu’elle rencontre.

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