Le directeur artistique dans la mode : un métier en pleine mutation (Partie 2)

Luxus+ Magazine poursuit son enquête sur la place du directeur artistique dans les maisons de mode. Le temps où un couturier demeurait indissociable de sa marque semble en effet bel et bien révolu. D’autant que ces dernières années, le rythme de la mode s’est considérablement accéléré, si bien que certains créateurs déplorent le fait de devoir réaliser des collections en quelques semaines.

 

C’est notamment le cas de Raf Simons pour qui la création est un processus long, incompatible avec l’hyperactivité demandée aux directeurs artistiques. Certains pourtant se sont parfaitement adaptés à ce rythme effréné. C’est le cas de Rick Owens, parlant de notre époque comme de « l’âge d’or de la mode », ou de Karl Lagerfeld, dont la créativité prolifique s’accommodait très bien de l’urgence dans laquelle il devait travailler en permanence.

 

Des créateurs au bord du burn out

 

Dans une interview accordée à WWD, Karl Lagerfeld, qui assumait à la fois la direction artistique de Chanel, celle de Fendi et celle de sa propre marque, affirmait adorer travailler ainsi : « J’adore ce rythme effréné. La mode est synonyme de vitesse. Mais, si vous n’êtes pas un bon matador, n’entrez pas dans l’arène. La mode est aujourd’hui un sport, il faut savoir courir. »

 

Karl Lagerfeld faisait tout-de-même figure d’exception dans ce métier qui a compté beaucoup de créateurs surmenés ces dernières années, à tel point que certains ont appelé cette génération de stylistes la « génération burn-out ».

 

Outre les créateurs hyperactifs et ceux qui ont souffert de surmenage, certains stylistes ont cependant réussi à continuer à créer à leur rythme en refusant de céder à la pression permanente.

 

Parmi ces « puristes », l’on peut citer Azzedine Alaïa, Rei Kawabuko, ou encore Phoebe Philo, créateurs discrets, qui se situent aux antipodes du modèle du directeur artistique tout – puissant et surmédiatisé.

 

Une nouvelle tendance : les duos de directeurs artistiques

 

Depuis le milieu des années 2000, qui ont vu la fin des directeurs artistiques superstars à la manière de Tom Ford, de nombreuses maisons ont trouvé comme remède au surmenage la collaboration de créateur aux styles ou aux savoir-faire différents.

 

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De nouvelles marques, comme Coperni, The Row ou Botter, sont nées avec à leur tête un duo de stylistes. D’anciennes maisons comme Courrèges, Kenzo, Nina Ricci, ou Oscar de la Renta, se sont également dotées de duos de jeunes créateurs afin de prendre un nouvel essor.

 

Mathias Ohrel, directeur de m-O Conseil, cabinet de recrutement spécialisé dans les métiers de la mode, explique ainsi la mutation du métier de directeur artistique : « Les PDG n’ont plus de réticences à recruter des duos car le métier de directeur artistique a considérablement changé (…). Ils ne sont plus simplement là pour imposer une vision. Ce ne sont plus des dictateurs artistiques. Ils doivent stimuler, encadrer et manager tout un studio pour faire face à la multiplication des collections. Bref, la création est devenue un sport d’équipe. L’exercer à deux permet aussi de se relayer et de se ménager davantage de plages de silence pour pleinement s’y consacrer. »

 

C’est ainsi que Raf Simons et Miuccia Prada auront du temps à consacrer à leur marque personnelle (Raf Simons dirige toujours Raf by Raf Simons ; Miuccia Prada reste la créatrice exclusive de sa marque cadette MiuMiu…). Un véritable évènement donc, qui illustre parfaitement l’évolution de ce métier fascinant.

 

Lire aussi > LE DIRECTEUR ARTISTIQUE DANS LA MODE : UN MÉTIER EN PLEINE MUTATION (PARTIE 1)

 

Photo à la une : Miuccia Prada et Raf Simons au salon Prada Resort 2019 à New York © Getty images – Sean Zanni


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