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Javier Milei, le Trump de la Pampa élu à la Présidence de l’Argentine

Javier Milei, le Trump de la Pampa élu à la Présidence de l’Argentine

Les élections présidentielles argentines du 19 novembre se sont conclues par la victoire écrasante de Javier Milei, le candidat d’extrême droite, avec 55,7 % des voix. Cette surprise marque un rejet massif du gouvernement péroniste et de la classe politique dominante, dans un contexte de crise économique aiguë. Les idées radicales de Milei ont séduit une partie de la population, tandis que des inquiétudes persistent quant à la mise en œuvre de son programme.

 

Les instituts de sondages argentins, qui avaient prédit un second tour serré,  se sont trompés. Javier Milei, le candidat d’extrême droite à l’élection présidentielle, a remporté une victoire écrasante avec 55,7 % des voix le dimanche 19 novembre, face à Sergio Massa, le candidat péroniste et ministre de l’économie sortant. « C’est une nuit historique pour l’Argentine », s’est réjoui le nouveau président.

 

Cette victoire écrasante est interprétée comme un rejet sans équivoque du gouvernement péroniste et, plus largement, de la classe politique qui a dominé le pouvoir ces dernières années. Dans le contexte d’une crise économique persistante, marquée par une inflation de 143 %, des dévaluations successives et la menace constante de défaut de paiement, les Argentins ont opté pour une voie politique résolument nouvelle.

 

« C’en est fini du modèle appauvrissant de la caste, aujourd’hui nous adoptons le modèle de la liberté, pour redevenir une puissance mondiale », a commenté le candidat anti-système.

 

 

Agé de 53 ans, Javier Milei est apparu sur la scène politique il y a deux ans en tant que député de Buenos Aires. Ayant fait carrière en tant qu’économiste, il était souvent invité sur les plateaux de télévision et apprécié pour ses déclarations passionnées et ses colères devant les caméras. Lors de ses meetings, il proclamait fréquemment : « Je suis le lion, je suis le roi. »

 

Son entrée en politique a été soutenue par Sergio Massa lui-même, dont l’entourage a financé son parti, La Liberté Avance (LLA). L’objectif de Massa était de contrecarrer la candidature de Patricia Bullrich du parti de droite de l’ancien président Mauricio Macri, qui est arrivée troisième au premier tour. Massa espérait que l’exubérance et les provocations de Javier Milei empêcheraient Mauricio Macri de soutenir le candidat libertarien. Cependant, sa manœuvre s’est retournée contre lui, car dès le soir du premier tour, Patricia Bullrich et Mauricio Macri ont apporté leur soutien à Javier Milei, rendant possible la victoire de celui qui était considéré il y a encore quelques mois comme un candidat peu crédible et marginal.

 

 

Programme controversé

 

Le programme radical de Javier Milei repose sur la réduction des domaines d’intervention de l’État et la privatisation des entreprises publiques. Il a promis de supprimer plusieurs ministères, dont ceux de la Santé, de l’Éducation, des Affaires sociales et du Droit des femmes, afin que le secteur privé prenne en charge la santé et l’éducation, et de supprimer les aides sociales pour rétablir les comptes de l’État.

 

Sa mesure phare est de « détruire à la tronçonneuse » la banque centrale, d’abandonner le peso argentin et de dollariser l’économie pour lutter contre l’inflation. Il a également promis de revenir sur la loi autorisant l’avortement adoptée en 2020. Javier Milei a progressivement gagné en influence dans le débat politique en proposant une solution radicale à la crise : démanteler l’État qu’il considère comme corrompu et incompétent. Cela ne manque pas de lui attirer le soutien des classes moyennes et des jeunes, mais aussi des plus pauvres comme des classes les plus huppées.

 

Pour mettre en œuvre ses promesses, le nouveau président devra trouver des alliés. Avec seulement 38 députés LLA sur 257, le nouveau président argentin devra probablement s’associer avec les députés de la coalition de droite pour gouverner. Il devra aussi rebâtir des relations avec des pays-clefs pour lesquels il a eu des mots très durs, notamment le Brésil de Lula et la Chine, les deux premiers partenaires commerciaux de l’Argentine. « Je ne ferai pas d’affaires avec des communistes. Je suis un défenseur de la liberté, de la paix et de la démocratie », avait déclaré Javier Milei pour qui ses alliés sont « les États-Unis, Israël et le monde libre ».

 

Soutien de la droite

 

Partout en Argentine, les partisans de Javier Milei ont exprimé leur joie dans les rues, brandissant des drapeaux argentins ornés d’un lion rugissant jaune sur fond noir, l’un des emblèmes de l’économiste libertarien pendant la campagne électorale. Après sa victoire, Javier Milei s’est adressé à ses partisans réunis dans son quartier général de campagne à Buenos Aires. Après avoir remercié sa sœur Karina, qu’il appelle « la jefa » (la cheffe), ses électeurs, et l’ex-président Mauricio Macri, qui l’a soutenu sans réserve entre les deux tours, il a proclamé « la fin de la décadence argentine », ainsi que son rituel « Viva la liberta, carajo ! » (« Vive la liberté, bordel ! »).

 

 

À l’étranger, les réactions ne se sont pas fait attendre. « Je suis très fier de toi. Tu vas transformer ton pays et faire de l’Argentine à nouveau un grand pays », a écrit Donald Trump sur son réseau social Truth Social, avant la publication des résultats officiels.

 

« Félicitations au peuple argentin pour la victoire de Javier Milei. L’espoir brille à nouveau en Amérique du Sud », a commenté l’ancien président brésilien Jair Bolsonaro (2019-2022).

Voir aussi

 

Les États-Unis « félicitent le président élu de l’Argentine Javier Milei pour sa victoire », a enfin déclaré le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, saluant « la forte participation et le déroulement pacifique du scrutin ».

 

Inquiétude prégnante

 

La défaite est amère pour le camp péroniste. Sergio Massa, le ministre de l’économie, qui avait réussi à susciter l’unanimité, a créé la surprise en réalisant un bon score au premier tour. Calme et posé, il avait semblé prendre l’avantage sur Javier Milei lors du débat qui les opposait il y a une semaine. Ministre de l’Économie depuis un peu plus d’un an, il avait réussi à atténuer le triste bilan économique du gouvernement sortant en exhortant les Argentins à ne pas « sauter dans le vide » en confiant les rênes du pays à un candidat désireux de démanteler l’État.

 

De même, de nombreux Argentins se sont mobilisés contre Javier Milei au nom de la démocratie et du respect des droits de l’homme, effrayés par les déclarations de la désormais vice-présidente élue, Victoria Villarruel, qui propose une relecture réactionnaire de l’histoire récente de l’Argentine. Quarante ans après le retour de la démocratie, elle souhaite réhabiliter les dirigeants de la dictature militaire (1976-1982) condamnés pour crimes contre l’humanité et nie le chiffre de 30 000 disparus pendant cette période.

 

 

D’autre part, la dollarisation de l’économie, mesure phare du programme pour assécher l’inflation, interroge. Le camp Milei compte utiliser les dollars que les Argentins économisent depuis des années, le pays étant « le troisième au monde en quantité de dollars physiques » détenus. Mais face à un taux de change officiel considéré comme irréel (369 peso pour un dollar), les « choses pourraient déraper hors de contrôle » d’ici à l’investiture le 10 décembre selon l’analyste Ana Iparraguirre du cabinet GBAO Stratégies. « S’ouvre un période d’instabilité »,  qui pourrait filer vers la dévaluation ou une inflation accrue.

 

 

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Photo à la Une : ©Presse


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