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Si on se faisait une toile… à l’Opéra Garnier avec l’artiste JR ?

Si on se faisait une toile… à l’Opéra Garnier avec l’artiste JR ?

Coutumier du camouflage de monuments, à l’instar de Christo, JR a choisi l’Opéra de Paris et sa façade belle époque signée Charles Garnier pour un happening artistique XXL visible jusqu’au 25 septembre.

Dissimulant les travaux de restauration de l’opéra, l’installation éphémère n’en oublie pas de proposer des animations, faisant la part belle à la projection prochaine d’œuvres du répertoire de ce temple de l’art de lyrique en plein cœur de la ville Lumière.

 

Cacher ces échafaudages que je ne saurais voir, ce n’est pas une énième injonction de la maire de Paris en vue des Jeux Olympiques de Paris 2024 mais bien une tendance en vigueur depuis quelque temps déjà dans les rues de la capitale. Sauf que cette fois-ci, il ne s’agit pas d’un nouvel happening de marque comme ceux très réussis de Dior, Vuitton, Chanel et consorts. Non, ici il s’agit de l’artiste engagé et roi du street art : JR…

 

Une oeuvre inspirée autant historique que philosophique

 

Depuis mercredi 6 septembre, les parisiens et les touristes des grands magasins environnants peuvent ainsi voir une toile monumentale qui recouvre la façade principale de l’opéra Garnier. Et dont les travaux de rénovation, démarré en avril 2023, doivent se poursuivre jusqu’à la fin 2024.

 

Sur cette toile montrant un décor en trompe-l’œil, on peut voir une excavation rocheuse, comme éventrant le bâtiment.

 

Une nouvelle anamorphose de monument que l’artiste décrit sur son compte Instagram comme « l’entrée d’une immense caverne ouvrant sur une perspective de roche et de lumière ».

 

Jouant des codes romantiques du XIXème siècle à la façon du peintre Hubert Robert, mais aussi des références aux grands décors scéniques des opéras de Berlioz ou Wagner, les éléments d’architecture Napoléon III semblent pris dans un double mouvement temporel.

Outre les ruines d’un passé qui verrait les monuments parisiens soumis à leur propre fragilité et interrogeant leur caractère éternel, on entraperçoit un ouvrage en permanente reconstruction comme l’attestent les nombreux échafaudages présents. Un clin d’œil aux travaux réels et nécessaires qui servent physiquement de support à cette nouvelle installation.

 

L’œuvre se double d’une réflexion psychologique.

 

JR a ainsi choisi d’illustrer un concept philosophique aussi connu des bacheliers que difficile à comprendre : le mythe de la caverne.

 

Autrement dit, un lieu dont la sortie permet l’accès à la connaissance et à la compréhension du monde que dépeint Platon dans son ouvrage La République.

 

Mais le communiqué précise que cette caverne ramène également le spectateur aux “origines du ballet et de l’opéra, lorsque le chant et la danse célébraient les divinités de la Grèce archaïque au sein de grottes aménagées à l’occasion de festivités.”

 

Un nouveau monument sublimé

 

Cette installation à l’opéra Garnier s’inscrit dans la continuité de l’œuvre de l’artiste JR -de son vrai nom Jean-René- né en 1983. A l’image de sa silhouette reconnaissable entre toute, faite d’un chapeau et de lunettes de soleil : noir et blanc.

 

Autoportrait © JR

Nombre de monuments urbains ou non sont ainsi passés par ses mains expertes, comme la place du Trocadéro sous la tour Eiffel, la  pyramide du Louvre à Paris  – à deux reprises (2016 et 2019) – ou encore le Palais Farnese à Rome et le Palazzo Strozzi à Florence.

 

A la manière de la technique pédagogique des écorchés observables dans des manuels de science naturelle, son œuvre Florentine, baptisée la Ferita, autrement dit “la blessure”, supposée brèche dans un palais des XVe et XVIe siècles, n’est pas sans rappeler l’œuvre actuellement présentée au Palais Garnier.

 

La Ferita au palais Strozzi de Florence, 2021 © JR

 

Confondant de réalisme, son installation sous la tour Eiffel, en mai 2021 offre l’impression du vide.

 

Mais celui qui a pour pays les rues du monde entier, sait aussi aller loin de l’agitation urbaine, comme en 2021, lorsqu’il fait disparaître la seconde pyramide d’Egypte, par la taille, la pyramide de Kephren.

 

Cela fait déjà une vingtaine d’années, que ce passionné de photographie et de street-art réinterprète, avec ses collages photographiques géants monuments et repères citadins.

 

En tant qu’artiste engagé, rien n’est dû au hasard, pas même sa vocation, né du graffiti découvert lors de son adolescence.

Ainsi, son oeuvre au palais Strozzi, en plein confinement, visait à dénoncer la fermeture des musées.

 

Greetings from Giza, pyramide de Kephren, Gizeh, Egypte, 2021 © JR

 

Une posture qu’il qualifie lui-même d’activisme urbain. Il va parfaire sa discipline, tapissant de ses collages, des surfaces aussi diverses que des murs, des toits ou des sous-sols.

 

Au point qu’il aime dire qu’il “possède la plus grande galerie d’art au monde : les murs du monde entier.”

 

A ciel ouvert mais surtout à cœur ouvert, tant l’œuvre de JR joue la carte de la proximité avec son public, n’hésitant pas à l’impliquer dès l’installation quand ce n’est pas en créant des œuvres interactives poussant à la réflexion.

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Une programmation spectaculaire pour amateurs d’opéra

 

Avec cette nouvelle installation de l’artiste JR, l’Opéra de Paris cherche à décloisonner l’art lyrique – encore perçu par beaucoup comme élitiste- et faire venir l’opéra au plus près d’un public peu habitué au cadre feutré de sa sa salle emblématique et encore moins au répertoire de ce temple du chant et de la danse.

 

A la manière d’un livret d’opéra, l’artiste propose une métamorphose de la façade de l’Opéra Garnier en deux actes, le premier en septembre et le second au mois de novembre.

 

Retour à la caverne, Opéra Garnier, Paris, 2023 © JR

 

L’Acte I baptisé « L’entrée de la Caverne » donne lieu à la toile en trompe l’œil ainsi qu’à une programmation mettant en valeur le répertoire présenté à l’Opéra de Paris. Ainsi, ce sont pas moins de quatre représentations à ciel ouvert qui seront proposées au public en accès libre,  de 21 H 15 à 22 H, mettant en lumière des auteurs comme Béjart, Rameau.

 

Parmi les oeuvres programmées, citons Les Bosquets, un ballet doublé d’un court-métrage crée par JR en collaboration avec le New York City Ballet, sur une musique originale de Woodkid, Hans Zimmer et Pharell Williams, avec le danseur Lil Buck.  Un acte qui marque ses débuts en tant que chorégraphe, inspiré de de son premier projet Portrait d’une Génération et par les émeutes de 2015. L’oeuvre fut présenté au Tribeca Film Festival et donna lieu à 6 représentations au Lincoln Center de New York en 2014.

 

Les Bosquets, premier ballet signé JR en collaboration avec le New York City Ballet, 2014 © JR

 

Samedi 9 septembre : Les Bosquets de JR, L’Oiseau de feu de Maurice Béjart

Dimanche 10 septembre : Boléro de Maurice Béjart, un extrait des Contes d’Hoffmann de Jacques Offenbach dans la mise en scène de Robert Carsen, Brise-Lames de Damien Jalet

Samedi 16 septembre : extrait du Parc d’Angelin Preljocaj, Die Grosse Fuge d’Anne Teresa de Keersmaeker, un extrait de La Traviata de Giuseppe Verdi dans la mise en scène de Simon Stone

Dimanche 17 septembre : The Art Of Not Looking Back d’Hofesh Shechter, un extrait des Indes Galantes de Jean-Philippe Rameau dans la mise en scène de Clément Cogitore

 

Enfin, suivra un acte II au mois de novembre avec un changement de décor. L’installation sur la façade du bâtiment sera remplacée par un rideau de scène, dont la conception a été confiée aux Maisons d’art installées au 19M, notamment le brodeur Atelier Montex.

Le grand public sera invité par la Galerie du 19M à s’initier gratuitement à la broderie et à participer ainsi à la réalisation de cette œuvre, entre mi-septembre et fin octobre.

Véritable théâtre dans le théâtre, l’oeuvre de JR et les animations environnantes promettent une mise en abime totale de l’art scènique, sous forme de retour à l’état de nature. Tout un programme ! 

 

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Photo à la Une : © JR.


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